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Russie: "La libération de Khodorkovski est un signe politique et économique fort"

Deux hommes passent devant une photo de Mikhaïl Khodorkovski, en octobre 2003, au siège moscovite de la compagnie Youkos..

Deux hommes passent devant une photo de Mikhaïl Khodorkovski, en octobre 2003, au siège moscovite de la compagnie Youkos.. - -

Mikhaïl Khodorkovski, "ennemi intime" de Vladimir Poutine, a été, contre toute attente, libéré vendredi. Le but est de redorer le blason de la Russie avant les JO de février et le G8 de juin, à Sotchi.

Vladimir Poutine lâche du lest: loi d'amnistie du 9 décembre profitant notamment aux militants de Greenpeace et aux Pussy Riots, grâce accordée à Mikhaïl Khodorkovski sorti de prison vendredi... Quels raisons ont pu pousser le président à cette soudaine mansuétude? Décryptage.

Des gestes d'apaisement envoyés aux Occidentaux

L'ex-magnat du pétrole et critique du Kremlin, Mikhaïl Khodorkovski, a toujours été l'ennemi juré de Vladimir Poutine. Au milieu des années 2000, le patron de la gigantesque compagnie pétrolière Youkos était décrit comme un "escroc et un voleur" par l'actuel président russe.

Le revirement, notamment envers Khodorkovski, s'explique tout d'abord par des exigences géopolitiques. Tatiana Kastouéva-Jean, chercheuse à l'Ifri, rappelle qu'"il a obtenu de nombreux succès diplomatiques cette année, en Syrie, lors de l'affaire Snowden ou récemment en Ukraine. Le magazine Forbes l'a même sacré personnalité 'la plus puissante' devant Barack Obama. Cette décision est donc une suite logique. Pourtant, l'image de la Russie demeure très mauvaise", analyse la chercheuse, qui considère cela comme "une surprise de fin d'année comme les aime Vladimir Poutine".

L'image du pays, poursuit-elle, est notamment ternie par l'emprisonnement des Pussy Riots, des militants de Greenpeace, par l'instauration d'une loi "improprement appelée en Occident loi anti-gay" ou encore, par la répression de l'"affaire Bolotnaïa", du nom de cette place où ont été arrêtés en mai dernier des opposants au pouvoir.

Une nécessité économique

A l'approche des J.O. d'hiver et du G8 à Sotchi, dont la présidence sera assurée par la Russie, "il est extrêmement important pour le président Poutine d'améliorer l'image de la Russie et de se poser en interlocuteur fréquentable pour les leaders occidentaux". Ces jeux sont aussi un "projet personnel qui tient à cœur au président russe, qui avait personnellement fait le voyage au Guatemala pour défendre la candidature de son pays".

L'autre raison de cette volte-face est d'ordre économique. La Russie, explique Tatiana Kastouéva-Jean, subit "un fort ralentissement économique puisque la croissance qui était de 7% dans les années 2000 est tombée à 1,2%". Il s'agit de "rassurer les investisseurs", tant sur le plan intérieur qu'à l'étranger. "La résolution du dossier Khodorkovski envoie un signe politique et économique fort", résume la spécialiste.

Une grâce pour étouffer un combat politique

Khodorkovski a-t-il demandé sa grâce ou lui a-t-on forcé la main? D'après le quotidien Kommersant, le prisonnier, libérable en août 2014, aurait accepté de présenter une demande en grâce après avoir reçu en détention la visite de membres des services secrets. Ces derniers auraient évoqué la perspective d'une nouvelle condamnation, "pour blanchiment", et l'auraient informé de l'état de santé préoccupant de sa mère.

Mais après dix ans d'emprisonnement, quel poids politique avait encore Mikhaïl Khodorkovski dans la politique russe? Pour Tatiana Kastoueva-Jean, c'est "parce qu'il était un prisonnier politique de longue date" que l'ex-magnat du pétrole "existe politiquement". La chercheuse rappelle que "l'opinion publique russe n'a pas été très généreuse avec lui au début. C'est un oligarque, il possède un nom de famille à consonance juive, donc il avait peu de chance de devenir président de la Russie par exemple. Il a gagné les sympathies au fil du temps, portant le chapeau pour tous les oligarques".

La spécialiste souligne aussi la "dimension très personnelle" que revêt cette grâce présidentielle, ce qui distingue cette libération de celle des Pussy Riots ou des militants de Greenpeace, qui bénéficient d'une loi d'amnistie. "Poutine se montre généreux tout en sachant que la menace reste pour lui minime". Quant à savoir si la Russie est un Etat de droit, Tatiana Kastoueva-Jean avance prudemment "qu'il est très difficile de le dire". Mais l'habilité politique de Vladimir Poutine ne fait, elle, guère de doute.

David Namias