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Hunter Biden et ses ennuis judiciaires peuvent-ils plomber son père Joe?

Hunter Biden et son père Joe Biden à New Castle (Delaware) le 4 février 2023.

Hunter Biden et son père Joe Biden à New Castle (Delaware) le 4 février 2023. - ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Fils chéri du président américain Joe Biden, Hunter Biden collectionne les ennuis judiciaires sur lesquels capitalisent les républicains pour fragiliser son père.

Ses démêlés avec la justice défraient autant la presse people que politique. Hunter Biden, 53 ans, a plaidé non-coupable devant un tribunal du Delaware ce mardi après avoir été mis en accusation publique pour détention illégale d'arme.

On lui reproche d'avoir acheté un revolver en 2018 en attestant sur un formulaire qu'il ne souffrait d'aucune addiction alors qu'il était, à l'époque, un consommateur régulier de crack comme il l'a reconnu par la suite.

Un accord avec le procureur, couvrant les accusations de détention illégale d'arme à feu mais aussi une affaire de fraudes fiscales, aurait pu lui permettre d'éviter un procès et potentiellement, la prison. Mais cet accord a été annulé à la suite des doutes émis en juillet par une juge sur la validité de l'arrangement. La décision d'Hunter Biden de plaider non-coupable ouvre désormais la voie à un procès très médiatisé.

Soutien sans faille de son père

Le destin tourmenté du fils du président démocrate, entre addictions et déboires familiaux, vient percuter au pire moment la carrière de son père. Candidat à sa réélection en 2024, Joe Biden assure pourtant son fils d'un soutien sans faille, multipliant les déclarations d'amour paternel.

"Mon fils n'a rien fait de mal. J'ai confiance en lui. J'ai foi en lui", déclarait-il en mai dernier sur MSNBC.

Le lien fort qui unit Joe Biden à son fils s'explique par une histoire familiale tragique. En 1972, Hunter Biden survit à un grave accident de voiture dans lequel meurent sa mère Neilia, première épouse de Joe Biden, et sa petite sœur Naomi. Le rescapé grandit dans l'ombre de son frère aîné Beau, brillant magistrat promis à une carrière politique nationale avant qu'un cancer du cerveau ne l'emporte en 2015.

Joe Biden avec ses fils Hunter (à gauche) et Beau (à droite), à Washington en 2009.
Joe Biden avec ses fils Hunter (à gauche) et Beau (à droite), à Washington en 2009. © DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES VIA AFP

Dans sa biographie Les Belles Choses (2021), Hunter Biden fait le récit de sa "descente aux enfers" et raconte en détail comment il replonge dans la drogue après la mort de son frère. Au sujet de son père, il écrit: "Il ne m'a jamais abandonné, jamais ignoré, jamais jugé". Au risque de mettre en danger sa carrière?

Même s'il s'agit de son fils, "le soutien de Joe Biden à un homme qui risque la prison représente un risque politique", avance Nicole Bacharan, historienne et spécialiste des États-Unis contactée par BFMTV.com. "Les Américains sont en droit de se demander jusqu'où il est capable d'aller dans son soutien", poursuit-elle.

Selon la spécialiste, la portée politique des faits reprochés à Hunter Biden doit toutefois être relativisée. "L'affaire du revolver, dans un pays où circulent plus de 350 millions d'armes à feu, ne crée pas une immense émotion", observe-t-elle.

Talon d'Achille

Fils chéri autant qu'enfant terrible, Hunter Biden est devenu la cible privilégiée des républicains qui voient en lui le talon d'Achille de son père.

En 2019, le contenu d'un ordinateur déposé chez un réparateur informatique fuite dans la presse conservatrice et révèle des informations compromettantes, dont des vidéos d’ébats sexuels et de consommation de drogues. Une mine d'or pour les détracteurs de Joe Biden, qui vont jusqu'à brandir des photos pornographiques de son fils en plein Congrès.

Les républicains voient dans chaque épisode de la vie privée d'Hunter Biden une occasion d'attaquer son père. Cet été, le président s'est vu reprocher d'avoir tardivement reconnu l’existence de sa petite-fille Navy, née d'une liaison éphémère d'Hunter Biden avec une stripteaseuse. Selon la presse américaine, la fillette n'aurait jamais rencontré son grand-père. De quoi écorner l'image de bon patriarche de Joe Biden.

"Il y a une volonté d'atteindre personnellement Joe Biden qui est très touché par tout ce qui concerne sa famille et particulièrement son fils, le seul qu'il lui reste", analyse Nicole Bacharan. "Le but est de renforcer l'image d'un Biden vulnérable qui est déjà très forte dans l'opinion en raison de son âge", ajoute-t-elle.

Procédure de destitution

Les républicains sont allés encore plus loin, mi-septembre, en lançant contre Joe Biden une enquête en destitution (impeachment inquiry) directement liée aux activités de son fils.

Les parlementaires conservateurs reprochent à Hunter Biden d'avoir fait des affaires douteuses en Ukraine et en Chine en capitalisant sur les réseaux et le nom de son père. Hunter Biden a en effet siégé plusieurs années au conseil d'administration du groupe gazier ukrainien Burisma, moyennant de généreuses rémunérations, alors que Joe Biden était vice-président de Barack Obama (2009-2017) et supervisait la politique américaine en Ukraine.

Les républicains s'interrogent aussi sur les pressions exercées sur Kiev par Joe Biden en tant que vice-président pour obtenir le limogeage du procureur général Viktor Chokine. L'éviction du magistrat en 2016 faisait suite à des efforts coordonnés des États-Unis avec l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), qui l'accusaient de couvrir la corruption et de saboter les réformes du gouvernement. Mais selon la version de Donald Trump et ses alliés, le procureur a été écarté en raison de la menace qu'il aurait représentée pour les affaires d'Hunter Biden.

Dossier fragile

Réclamée de longue date par la frange trumpiste du Congrès au speaker républicain Kevin McCarthy, la procédure d'impeachment a en réalité peu de chances d'aboutir. D'abord parce que le Sénat, chambre qui doit voter la destitution en dernier ressort, est aux mains des démocrates. Ensuite parce que le dossier d'accusation manque d'épaisseur.

"Je pense qu'on peut dire sans se tromper que Hunter Biden a joué de son nom et de l'accès à son père pour ses affaires. Mais il n'y a aucune preuve contre Joe Biden lui-même", avance Nicole Bacharan, alors qu'un président américain ne peut être destitué par le Congrès qu'en cas de "trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs".

Interrogés par la représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez jeudi 28 septembre, les quatre témoins invités par le parti républicain à témoigner contre Joe Biden ont tous affirmé sous serment n’avoir aucune preuve formelle d'un crime commis par le président démocrate.

Des accusations "trop floues"

Soucieux de rééquilibrer le rapport de force avec Donald Trump, mis en accusation deux fois en tant que président et visé par quatre inculpations au pénal en 2023, les républicains font des malversations présumées du clan Biden un argument de campagne. Avec un impact tout relatif sur les électeurs. Selon un sondage réalisé pour CNN, 61% des Américains pensent que Joe Biden a été impliqué dans les affaires de son fils mais seuls 42% estiment qu'il a agi de manière illégale.

"Pour l'instant, 'l'affaire ukrainienne' ne convainc que les convaincus. Les accusations sont trop floues", explique Nicole Bacharan. "Ça tranche avec les accusations portées contre Donald Trump. Quand il est inculpé pour avoir tenté d'inverser les résultats de l'élection de 2020, on comprend tout de suite que c'est très grave".

Alors que l'ancien président républicain est toujours le principal rival de Joe Biden, les démocrates prennent très au sérieux l'enquête de destitution, aussi fantaisiste puisse-t-elle être. En septembre, les services de la Maison-Blanche ont diffusé aux médias américains un mémo incitant les journalistes à dénoncer la "désinformation" des élus républicains. Un appel peu ordinaire, signe d'une certaine fébrilité.

François Blanchard