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États-Unis: pourquoi la procédure de destitution contre Joe Biden n'a presque aucune chance d'aboutir?

Le président américain Joe Biden dans le Maryland, le 15 août 2023.

Le président américain Joe Biden dans le Maryland, le 15 août 2023. - ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Des preuves fragiles, des votes républicains non acquis ou encore un Sénat qui n'a jamais destitué de président: les probabilités que la procédure d'impeachment contre Joe Biden se concrétise sont maigres.

Après Donald Trump, au tour de Joe Biden d'être confronté à la procédure d'impeachment. Ce mardi, le chef républicain de la Chambre des représentants, l'équivalent du président de l'Assemblée nationale en France, Kevin McCarthy a "demandé à une commission de la Chambre d'ouvrir une enquête formelle en destitution".

La raison? Les républicains affirment que Hunter, le fils de Joe Biden, et d'autres membres de la famille du président, ont reçu dans la plus grande opacité près de 10 millions de dollars d'entreprises en Ukraine et en Chine en capitalisant sur les réseaux et la position de Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama.

Si cette enquête n'est pas à prendre à la légère, il y a peu de probabilité qu'elle aboutisse à une destitution du président démocrate pour "trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs" comme le prévoit la Constitution. Et ce, pour plusieurs raisons.

Des preuves fragiles

Les preuves derrière ces accusations semblent fragiles. Cela fait déjà un an que des commissions parlementaires républicaines travaillent sur la famille Biden sans qu'aucun lien n'ait encore été établi.

Des relevés bancaires montrant des paiements lucratifs ont été révélés mais les commissions n'ont pas réussi à prouver que le président a personnellement bénéficié des transactions commerciales de son fils ou qu'il a abusé de son pouvoir.

"Les poursuivants républicains de Joe Biden ont obtenu exactement zéro, zip, 'bupkis', sur toute question susceptible d'être mise en accusation", a déclaré Frank Bowman, auteur du livre High Crimes and Misdemeanors: A History of Impeachment for the Age of Trump au Time.

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Pour les démocrates et la Maison Blanche, cette manœuvre est avant tout politique. Elle vise à affaiblir le président, principal adversaire de Donald Trump à l'approche de l'élection présidentielle de 2024, à faire oublier les quatre affaires pénales dans lesquelles le milliardaire républicain a été inculpé cette année. Ou encore à rendre la pareille: Donald Trump ayant été soumis deux fois à la procédure d'impeachment sous l'égide des démocrates durant son mandat.

Des votes incertains

Une procédure de destitution nécessite aussi de franchir plusieurs barrières. L'enquête souhaitée par Kevin McCarthy n'est que la première étape de la procédure, durant laquelle la Chambre des représentants a des pouvoirs élargis.

"Tout le monde doit comprendre que la destitution n'est pas l'objectif", a récemment déclaré à la presse Darrell Issa, l'un des principaux membres républicains de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, qui est chargé d'enquêter sur Joe Biden, comme le rapporte l'Associated Press.

"L'impeachment est une façon de dire qu'il ne s'agit pas d'un contrôle législatif, mais bien d'un contrôle sur d'éventuels actes répréhensibles".

À l’issue de ses recherches, la commission judiciaire soumet une résolution de destitution à la Chambre des représentants qui doit être approuvée à la majorité simple. Si les républicains sont majoritaires, ce n'est pas dit qu'ils votent tous favorablement.

Une vingtaine estime qu'il n'y a pas suffisamment de preuves contre le président et que cette procédure pourrait les exposer à des responsabilités politiques. Ils auraient aussi voulu un vote préalable à l'ouverture de l'enquête de destitution. Un vœu que le "speaker" de la Chambre des représentants n'a pas exaucé, l'évitant de mettre à l'épreuve sa courte majorité de 222 voix contre 212.

Le Sénat n'a jamais voté la destitution d'un président

Si la Chambre des représentants approuve les articles de mise en accusation, le Sénat organise un procès, puis un vote. La majorité des deux tiers devra alors être atteinte pour destituer le président, sachant que cette chambre haute est constituée de 51 démocrates et de 49 républicains.

Jusqu'ici, trois présidents ont fait face à la procédure d'impeachment, Andrew Johnson, Bill Clinton et Donald Trump à deux reprises, mais aucun d'entre eux n'a été démis de ses fonctions par le Sénat. Richard Nixon avait quant à lui démissionné en 1974 alors que la Chambre des représentants s'apprêtait à voter les articles de mise en accusation contre lui.

Ces procédures d'impeachment qui semblent devenir monnaie courante inquiètent les constitutionnalistes. "C'est censé être la sanction la plus extrême de la politique américaine, et si vous y recourez chaque fois que vous pensez que cela peut vous aider dans les sondages, je crains qu'elle ne se dégrade", a déclaré Philip Bobbitt, professeur à la Columbia Law School et expert de l'histoire de la destitution au Time. "Cela ne fera qu'ajouter à la division et à l'empoisonnement d'un Congrès déjà profondément divisé et aliéné."

Juliette Brossault