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Tunisie : le contre-coup d'Etat du Premier ministre Jebali

Un policier tunisien surveille le cortège de manifestants qui s'approche du ministère de l'Intérieur, à Tunis, jeudi 7 février.

Un policier tunisien surveille le cortège de manifestants qui s'approche du ministère de l'Intérieur, à Tunis, jeudi 7 février. - -

Surprenante, la volte-face d'Ennahda au pouvoir en Tunisie, après l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd ? Analyse du spécialiste géopolitique de BFMTV.

Ennahda était en train de transformer la Révolution de Jasmin en mimique de Révolution islamique à l'iranienne. Voilà ce que pensait l'opposition jusqu'à l'assassinat de Chokri Belaïd. Les milices, la police secrète, la Constitution qui change, la brève alliance avec des éléments nationalistes et libéraux, la méthode des mollahs perses étaient là. Les démocrates et gauchistes, et une bonne dose de gens de l'ancien régime (sans sang sur les mains) se dressaient devant eux, chaque jour plus décidés.

Des gros bras aux petits flingues

L'assassinat de Chokri Belaïd est du travail de professionnel, de tueur entraîné à l'arme de poing. Aucune trace d'attentat-suicide. Donc le tueur n'était pas à la recherche de ce carnage qui caractérise al-Qaïda.

La violence politique montait en Tunisie, un membre de Nidaa Tounès a été tabassé à mort à Tataouine en octobre, et un meeting politique de Nidaa Tounès a été perturbé le 22 décembre 2012, sans que la police daigne venir à temps.

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Ces événements sont parlants. Car dans les deux cas, les militants d'une certaine Ligue de Protection de la Révolution, qui malgré son nom est fortement empreinte d'islamisme, ont sévi. La police n'a rien fait. Le parti Ennahda n'a jamais reconnu le lien entre lui-même, les militants, et les deux morts. La Ligue est un genre de Garde révolutionnaire. Pasdaran ? Basidji ? Voilà les parallèles.

La phase de la liquidation publique

Digne d'un crime d'État dans une bonne vieille dictature des années 70, l'assassinat de Chokri Belaïd a ouvert les yeux de bien du monde à Tunis et en France : Ennahda, malgré ses dénégations, pouvait être lié moralement à cet acte insensé.

À tout le moins, le parti ne se donnait pas la peine d'empêcher ce genre de chose, pouvait-on penser. Difficile de ne pas soupçonner sa participation active à l'assassinat. Ou bien l'on pense à l'assassinat politique, lorsque le dictateur émergent dit : "Untel me gêne, il faudrait qu'il se taise", et ses sbires de faire le reste sans ordre écrit.

La phase de marche arrière toute du Premier ministre Jebali

Un homme d'Ennahda n'a jamais pleinement partagé les visions maximalistes de l'ex-groupe des exilés de Londres, Rached Ghannouchi en tête. Hamadi Jebali, 16 ans derrière les barreaux et bien souvent en solitaire, passait pour un islamiste sans violence, sans contrainte. On me dit que depuis bien longtemps il était en délicatesse avec les Londoniens.

Et voici qu'il retourne la situation, dans un changement de cap radical : il rend des ministères de souveraineté à des technocrates, et appelle des élections anticipées ! Il finira par laver son parti de tout soupçon, et ceci, même s'il perd les élections. Les Londoniens ne vont pas apprécier.

Harold Hyman