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Nigeria : comment la vidéo des otages français va aider les enquêteurs

La vidéo de la famille Moulin-Fournier, bien que récemment postée sur Internet, apporte déjà des informations.

La vidéo de la famille Moulin-Fournier, bien que récemment postée sur Internet, apporte déjà des informations. - -

Une vidéo, et ensuite ? Lundi, des images de la famille Moulin-Fournier, enlevée le 19 février au Cameroun, ont été postées sur Internet. Comment vont-elles être analysées, quelles informations utiles aux enquêteurs vont-elles apporter ?

Une vidéo de la famille Moulin-Fournier, enlevée le 19 février dernier au Cameroun, a été postée lundi après-midi sur YouTube. Ces images sont en cours d'autentification, a annoncé lundi le ministre des Affaires étrangères. Comment sont-elles analysées, et à quoi servent-elles du côté français ? Eléments de réponses.

>> A connaître l'état des otages

"La première chose que l'on se demande lorsqu'on reçoit une telle vidéo, c'est : combien sont-ils et sont-ils en bonne santé ?", explique Alain Rodier, du Centre français de recherche sur le renseignement. C’est pour cela que des médecins et des psychiatres vont essayer d’analyser la vidéo. "Les premiers essaieront de déceler des traces de fatigue, des symptômes de dénutrition, voire de maladie", explique Jean-Jacques Cécile, ancien membre des services de renseignement militaires.

"Les seconds analyseront l’intonation des otages, leurs voix, pour essayer de comprendre s’ils supportent psychiquement leur détention", poursuit-il. Leur état physique - notamment la barbe des hommes - peut aussi servir à dater les images. "On peut donc supposer que la vidéo a été faite quelques jours après leur capture. Peut-être deux, trois jours", estime ainsi le spécialiste des questions de défense, Pierre Servent.

>> A en savoir plus sur les ravisseurs

Qui a tourné cette vidéo ? Si le document ne le dit pas, un premier visionnage permet d’avoir des informations : "L'accent des ravisseurs, par exemple, peut être décrypté pour savoir de quelle région ils viennent", explique Jean-Jacques Cécile. Ici, l'homme dont on entend la voix parle arabe, et pas anglais, la langue la plus utilisée au Nigeria.

Mais ce sont surtout les décors qui peuvent compter : "les bannières posées en arrière-plan permettent d’identifier le groupe auquel ils appartiennent", poursuit-il. Les ravisseurs se sont d'ailleurs déjà revendiqués comme appartenant à Boko-Haram. "Mais Boko Haram n'a pas besoin d'argent. Alors que veulent-ils, à part faire parler d'eux ?" se demande Alain Rodier.

>> A mieux cerner la localisation des otages

Plus que l’identification des ravisseurs, il s’agit plutôt de savoir où ils se trouvent, pour essayer d'accroître la surveillance sur le territoire en question. "Sinon le lieu, il s’agit au moins de rétrécir le cercle de la région où ils sont, explique Jean-Jacques Cécile. Cela conduit donc à une surveillance plus resserrée. Avant d’envisager une opération de libération, il faut d’abord un renseignement précis et frais sur la localisation."

L'ancien membre des services de renseignements militaires se souvient d'une vidéo publiée par Oussama Ben Laden. "A l'époque, on avait réussi à identifier la région où il vivait en observant les roches qui se situaient en arrière-plan. Des géologues avaient travaillé avec les renseignements." Une leçon apprise par l'ancien chef d'Al-Qaïda, qui avait ensuite "pris l'habitude d'étendre des couvertures derrière lui à chaque vidéo pour brouiller les pistes", souligne Alain Rodier.

>> A préparer la suite

Que va-t-il se passer maintenant ? Pour Jean-Jacques Cécile, ce document est un élément essentiel "pour essayer de déterminer si une opération de libération est possible ou non".

Un argument balayé par Alain Rodier. "La France seule ne peut rien faire, d'autant plus que le Nigeria n'est pas une zone particulièrement bien connue de la France. Nous serions donc obligés de passer par les autorités locales, qui sont en guerre contre Boko Haram. Et jusqu'ici, chaque fois qu'une opération a eu lieu pour libérer un otage, ça n'a pas particulièrement marché. Dans ce cas, avec une femme et des enfants, cela m'étonnerait beaucoup que la France ose quoi que ce soit", juge-t-il.

Finalement, estime Alain Rodier, "cette vidéo pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Maintenant que Jean-Yves le Drian a apporté une fin de non-recevoir à Boko Haram [NDLR, le ministre de la Défense a affirmé mardi que la France ne négocierait pas avec les preneurs d'otages], c'est leur réponse, sûrement une nouvelle revendication, qui apportera peut-être de nouvelles informations."

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Ariane Kujawski