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Instabilité au Sahel, pauvreté, terrorisme, uranium... 5 cartes pour comprendre la crise au Niger

Une semaine après le coup d'État au Niger, les Occidentaux et le bloc d'Afrique de l'Ouest somment les militaires putschistes de "rétablir l'ordre constitutionnel". Dans une région gangrénée par le terrorisme et touchée par une extrême pauvreté, le Niger devient une source d'inquiétude, mais aussi de convoitises.

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Statu quo à Niamey. Le 26 juillet dernier, le président élu du Niger Mohamed Bazoum a été renversé et séquestré dans son palais présidentiel à la suite d'un coup d'État militaire, mené par le général Abdourahamane Tiani.

"Nous, Forces de défense et de sécurité (FDS), réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez", avait clamé le colonel-major Amadou Abdramane, entouré de neuf autre militaires.

Une semaine plus tard, la situation géopolitique est toujours aussi électrique dans un pays meurtri par de longues années de terrorisme islamiste. Instabilité politique de la région, extrême pauvreté, climat sinistré, ressources naturelles désirées... BFMTV.com vous propose cinq cartes pour mieux comprendre la crise au Niger.

• Un vaste pays sinistré

Situé en plein cœur du Sahel, le Niger est un vaste territoire désertique - délimité au nord par le Sahara - enclavé au milieu de sept voisins: l'Algérie, le Bénin, le Burkina Faso, la Libye, le Mali, le Nigeria et le Tchad.

Le désert progresse chaque année vers le sud du pays et les zones déjà désertiques sont marquées par des sécheresses récurrentes, ce qui menace de plus en plus les cultures et les élevages. Le 6 juillet, le gouvernement a annoncé avoir lancé la distribution gratuite de 42.900 tonnes de céréales à 1,5 million de personnes dans les huit régions du pays, en particulier les communautés paysannes frappées par les mauvaises récoltes.

Au sein de 1,267 million de kilomètres carrés - soit plus de deux fois la superficie de la France - ces quelque 20 millions d'habitants vivent dans l'un des pays les plus pauvres au monde, qui possède toutefois une croissance démographique parmi les plus élevées de la planète.

Comparaison de la superficie de la France par rapport au Niger.
Comparaison de la superficie de la France par rapport au Niger. © Capture d'écran/ The True Size of

L'ONU estime que 17% de la population du Niger aura besoin d’une assistance humanitaire cette année et le pays est classé 189 sur 191 sur le classement de l'Indice de développement humain (IDH) 2021 réalisé par les Nations unies.

• Le Sahel gangréné par le terrorisme

Le terrorisme islamiste n'épargne pas la région du Sahel depuis de nombreuses années. Longtemps combattus par les États africains, appuyés par les Occidentaux, dans les années 2010, Al-Qaïda, Boko-Haram et Daesh continuent de tenir des positions et d'organiser des attentats dans cette partie de l'Afrique.

Au sud-est du Niger, le groupe Boko-Haram occupe la région autour du Lac Tchad, entre le Nigéria et le Tchad, tandis qu'au sud-ouest, au niveau de ses frontières avec le Mali et le Burkina Faso, des groupe d'Al-Quaïda et de Daesh continuent de contrôler certains territoires.

Même si aucun groupe n'est officiellement implanté au Niger, le pays est régulièrement attaqué, faisant en quelques années des centaines, voire des milliers, de victimes. Entre janvier 2020 et août 2022, ce ne sont pas moins de 13 attaques qui ont été recensées par le ministère des Affaires étrangères britannique. Le général Tiani a justement justifié ce putsch par "la dégradation de la situation sécuritaire".

Niamey est d'ailleurs le dernier allié avec lequel la France entretient un partenariat dit de "combat" contre les jihadistes. Car à l'été 2022, au Mali, sous la pression d'une junte malienne hostile, la France a quitté le pays où elle traquait les groupes armés depuis neuf ans pour installer le gros de ses forces au Niger voisin. Les forces spéciales françaises stationnées au Burkina Faso ont également dû en partir du l'an dernier. Le régime, issu d'un coup d'État en septembre 2022, a lui aussi exigé le retrait des militaires tricolores de son territoire.

Cette réorganisation, qui a signé la fin de l'opération Barkhane, s'est accompagnée d'une nette décrue des effectifs militaires français au Sahel, passés d'environ 4500 à 2500, dont 1500 au Niger et 1000 au Tchad.

Alors qu'auparavant le Niger servait essentiellement de base de transit pour les opérations au Mali, le pays accueille désormais le cœur du dispositif militaire français, sur la base aérienne projetée (BAP) de Niamey, où sont déployés en permanence cinq drones Reaper et au moins trois avions de chasse Mirage.

• 6 coups d'État ou tentatives depuis 2020

Depuis le 26 juillet, le Niger est devenu le sixième pays d'Afrique subsaharienne à connaître un coup d'État ou une tentative de renversement du pouvoir par la force en trois ans - après le Soudan, le Mali, la Guinée, le Burkina Faso et le Tchad.

Parmi ces pays, trois sont frontaliers du Niger: le Burkina Faso, le Tchad et le Mali. Ce dernier, comme cité précédemment, avait été à l'origine du départ des forces françaises et donc de la fin de l'opération Barkhane. Opéré le 18 août 2020, ce coup d'État des forces armées maliennes avait coïncidé avec l'importance grandissante de la Russie dans la région.

L'influence russe se traduit principalement par la présence du groupe paramilitaire Wagner attestée dans plusieurs pays voisins du Niger dont le Mali et la Libye, frontaliers, ainsi qu'en République centrafricaine et au Soudan, notamment. Elle est également présumée au Burkina Faso et en Guinée.

"Il est important de souligner, c'est que le président Bazoum entretenait des relations très privilégiées avec la France et les partenaires occidentaux, mais également avec la Russie qui est le premier fournisseur d'armes de l'armée nigérienne. (...) Par ailleurs, il faut rappeler que Vladimir Poutine lui-même a appelé, lors du sommet Russie-Afrique de la semaine, au rétablissement du président Bazoum", a toutefois commenté Niagalé Bagayoko, politologue et présidente de l'African security sector network sur BFMTV.

• Pas de consensus régional sur le coup d'État

Alors que tous les pays occidentaux se sont accordés pour dénoncer le putsch militaire et la séquestration du président Bazoum au Niger, les pays africains ne font pas bloc, loin de là. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a donné un ultimatum jusqu'à dimanche pour rétablir l'ordre antérieur, sous peine d'utiliser "la force".

Elle a également imposé de lourdes sanctions à Niamey, parmi lesquelles le fait de couper l'approvisionnement en électricité du Nigeria à son voisin, qui en dépend énergétiquement à 70%. Des sanctions auxquelles s'est opposée la Guinée.

Les militaires nigériens ont par ailleurs reçu le total soutien du Mali et du Burkina Faso. Une intervention militaire au Niger pour rétablir le président élu Mohamed Bazoum serait considérée comme "une déclaration de guerre" au Burkina Faso et au Mali, ont mis en garde ce lundi les gouvernements de ces deux pays qui se retireraient alors de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao).

Ils ont dit "exprimer leur solidarité fraternelle au peuple frère du Niger qui a décidé en toute responsabilité de prendre son destin en main et d'assumer devant l'histoire la plénitude de sa souveraineté".

Le Mali et le Burkina Faso "mettent en garde contre les conséquences désastreuses d'une intervention militaire au Niger qui pourrait déstabiliser l'ensemble de la région comme l'a été l'intervention unilatérale de l'Otan en Libye qui a été à l'origine de l'expansion du terrorisme au Sahel et en Afrique de l'Ouest."

De son côté, l'Algérie a apporté son soutien au régime du président élu, sans pour autant tolérer une intervention militaire.

• Un pays riche en ressources, et objet de convoitises

L'uranium, dont le pays est un des principaux producteurs mondiaux, constitue sa principale exportation du Niger. Le pays fournit ainsi plus de 25% de l'uranium européen et en était encore le premier fournisseur du Vieux Continent en 2021 avant d'être relégué à la seconde place par le Kazakhstan (près de 27%) l'année dernière. À l'échelle nationale, le Niger a été le troisième fournisseur d'uranium de la France, contribuant pour 19% de ses approvisionnements entre 2005 et 2020, derrière le Kazakhstan et l'Australie, selon le comité technique Euratom.

Au Niger, le visage de la France est notamment incarné par Orano (ex-Areva) car peu d'entreprises françaises sont présentes sur place. Le groupe nucléaire français exploite l'uranium depuis 50 ans dans le nord du pays. Le groupe, spécialisé dans le cycle du combustible nucléaire et qui emploie quelque 900 salariés dans le pays - essentiellement des personnels locaux répartis entre Niamey et Arlit -, a indiqué suivre de très près la situation mais poursuivre son activité

Dans le nord du Niger, Orano exploitait donc depuis un demi-siècle deux mines d'uranium: la Somaïr (Société des mines de l'Aïr) et la Compagnie des mines d'Akokan (Cominak). La première va poursuivre ses activités jusqu'en 2040 en vertu d'un accord entre le groupe et le gouvernement nigérien datant de mai dernier tandis que la seconde a fermé en 2021 mais fait l'objet d'un vaste projet de réaménagement. Par ailleurs, Orano mène des études en vue d'exploiter le site d'Imouraren, l'un des plus grands gisements d'uranium au monde, également dans le nord du Niger, dont les réserves ont été estimées à environ 200.000 tonnes et qui n'a jamais produit depuis son rachat en 2009.

Outre l'uranium, le Niger possède d'importantes ressources d'or, mais aussi un vaste champ de pétrole au sud-est à Agadem.

Ces ressources sont une des principales raisons de l'intérêt que porte la Russie au Niger. "Les intérêts de Moscou ne sont absolument pas de contribuer au développement de ces pays mais bien de s'accaparer un certain nombre de richesses", a jugé le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense de BFMTV.

Théophile Magoria et Théo Putavy