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Niger: entre opportunisme et influence croissante de la Russie dans le pays

Après le coup d'État au Niger, des drapeaux russes ont été brandis lors de manifestations et des "Vive la Russie" ont été scandés. La Russie travaille effectivement à accroître son influence dans le pays, mais certains experts estiment qu'il faut envisager avec prudence une implication dans le putsch.

Des drapeaux bleu, blanc et rouge, mais pas ceux de la France. Des pancartes sur lesquelles on peut lire "À bas la France, vive la Russie" tandis que des slogans de même teneur sont scandés par la foule. Depuis le coup d'État de mercredi, l'ombre de Moscou plane sur les mobilisations pro putschistes au Niger.

Dimanche, on retrouvait les mêmes éléments pro russes dans les rangs de la manifestation devant l'ambassade de France qui s'est soldée par des attaques (vitres brisées et incendie) contre le bâtiment. Mais au-delà de ces références claires à la Russie, faut-il voir la main du Kremlin derrière les putschistes et leurs soutiens dans la population?

La Russie veut se faire une place au Niger

Depuis plusieurs années, Moscou s'adonne à un travail de sape de la France en Afrique de l'Ouest, y compris au Niger, comme le développe à BFMTV Ousmane Ndaye, rédacteur en chef Afrique de TV5 Monde.

"La Russie essaie de travailler certaines composantes de la société nigérienne, composantes politiques, composantes sociales, pour développer un discours anti-France. Ce discours est nourri par un certain nombre de choses: la présence militaire, les accords de défense pas très nets", explique-t-il.

Il note par ailleurs que le coup d'État "intervient aussi dans un contexte où les pays voisins du Niger, le Mali et le Burkina Faso, ont opté avec une alliance avec la Russie au détriment de la France."

L'influence russe se traduit par la présence du groupe paramilitaire Wagner attestée dans plusieurs pays voisins dont le Mali et la Libye, frontaliers du Niger ainsi qu'en République centrafricaine et au Soudan, notamment. Elle est également présumée au Burkina Faso et en Guinée.

La présence du groupe paramilitaire Wagner en Afrique, au 31 juillet 2023.
La présence du groupe paramilitaire Wagner en Afrique, au 31 juillet 2023. © BFMTV

Outre l'intérêt géopolitique, la Russie s'intéresse aux richesses du pays, notamment ces réserves importantes en uranium. Selon le général Jérôme Pellistrandi, il existe une "instrumentalisation présentant la Russie comme la solution à tous les problèmes de la région".

"Les intérêts de Moscou ne sont absolument pas de contribuer au développement de ces pays mais bien de s'accaparer un certain nombre de richesses", juge notre consultant sur les questions de défense. C'est la raison aussi pour laquelle le président de la République Emmanuel Macron est intervenu aussi fermement. Il s'agit de mettre un coup d'arrêt à cette propagande, à cette désinformation pilotée par Moscou"

Un Kremlin opportuniste?

Malgré ces années de travail pour s'installer comme une alternative à la France et à l'Occident au Niger, il n'est pas possible à ce stade d'affirmer que le coup d'État a été influencé d'une quelconque manière par la Russie.

Pour le général Dominique Trinquand, les marques de soutien au Kremlin sont consécutives au putsch ce qui pourrait laisse penser à un certain opportunisme russe: "Dès que ce coup d'État a été validé, les réseaux sociaux russes et prorusses, et donc anti-français, se sont activés immédiatement", a-t-il développé auprès de nos confrères de TF1.

Une analyse que développe Niagalé Bagayoko, politologue et présidente de l'African security sector network: "Je ne pense pas qu'il faille particulièrement s'émouvoir de la multiplication de type de drapeaux parce qu'il est très facile de payer des manifestants pour des sommes modiques pour qu'ils brandissent ce type de symboles", suppose-t-elle.

"En revanche, ce qu'il est important de souligner, c'est que le président Bazoum entretenait des relations très privilégiées avec la France et les partenaires occidentaux, mais également avec la Russie qui est le premier fournisseur d'armes de l'armée nigérienne. (...) Par ailleurs, il faut rappeler que Vladimir Poutine lui-même a appelé, lors du sommet Russie-Afrique de la semaine, au rétablissement du président Bazoum".

Dans un article publié par L'Opinion, Jean-Dominique Merchet estime qu'il "s’agit d’une affaire de politique intérieure, sans intervention directe des Russes". "Ce qui n’a sans doute pas empêché Vladimir Poutine et quelques autres de jubiler", poursuit le journaliste spécialiste des questions militaires.

Le Kremlin a appelé lundi et à "rétablissement (de) la légalité" et "à la retenue afin d'éviter d'en arriver à des pertes humaines " au Niger. "Ce qui se passe là-bas suscite une sérieuse préoccupation", a dit le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov lors de son rendez-vous téléphonique quotidien avec la presse.

Gillet Glenn