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L'uranium, un trésor qui lie la France au Niger depuis un demi-siècle

Alors qu'un coup d'État militaire est survenu mercredi dernier au Niger, l'Élysée a déclaré qu'il ne tolérerait "aucune attaque contre la France et ses intérêts". Le pays constitue en effet l'un des partenaires majeurs de l'Hexagone dans le Sahel, notamment en raison de ses importantes réserves d'uranium que le groupe Orano exploite depuis un demi-siècle.

L'exécutif français est rapidement monté au créneau après le coup d'État militaire au Niger mercredi dernier. La France a menacé dimanche de répliquer "de manière immédiate et intraitable" à toute attaque contre ses ressortissants et ses intérêts au Niger, où des milliers de manifestants favorables au putsch militaire ont ciblé son ambassade.

"Quiconque s'attaquerait aux ressortissants, à l'armée, aux diplomates et aux emprises françaises verrait la France répliquer de manière immédiate et intraitable", a averti l'Elysée. Le président Emmanuel Macron "ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts".

Cette réactivité n'a rien d'étonnant tant les relations entre les deux pays sont étroites. Le chef de l'État s'y est d'ailleurs rendu à deux reprises depuis son arrivée au pouvoir, en 2017 puis en 2019. Avant la pandémie, le Niger était le 17ème client de la France en Afrique subsaharienne et son 16ème fournisseur. Il importait de l'Hexagone surtout du matériel électrique mais aussi des produits pharmaceutiques. De son côté, la France lorgne surtout les matières premières du pays africain et une en particulier: l'uranium.

Troisième fournisseur d'uranium de la France

L'uranium, dont le pays est un des principaux producteurs mondiaux, constitue sa principale exportation. Le pays fournit ainsi plus de 25% de l'uranium européen et en était encore en le premier fournisseur du Vieux Continent en 2021 avant d'être relégué à la seconde place par le Kazakhstan (près de 27%) l'année dernière. A l'échelle nationale, le Niger a été le troisième fournisseur d'uranium de la France, contribuant pour 19% de ses approvisionnements entre 2005 et 2020, derrière le Kazakhstan et l'Australie, selon le comité technique Euratom.

Pour ce minerai, le Niger "n'est plus le partenaire stratégique de Paris comme il a pu l'être dans les années 1960-70", rappelle cependant Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne à l'Institut français des relations internationales (IFRI). Outre la stratégie de diversification des sources d'approvisionnement que mène l'Hexagone, le Niger a considérablement réduit sa production au cours des dernières années, laquelle est passée de près de 3.000 tonnes en 2020 à seulement 2.020 tonnes en 2022.

Orano (ex-Areva) exploite trois mines dans le nord du pays

Au Niger, le visage de la France est notamment incarné par Orano (ex-Areva) car peu d'entreprises françaises sont présentes là-bas. Le groupe nucléaire français exploite l'uranium depuis 50 ans dans le nord du pays. Le groupe, spécialisé dans le cycle du combustible nucléaire et qui emploie quelque 900 salariés dans le pays - essentiellement des personnels locaux répartis entre Niamey et Arlit -, a indiqué jeudi suivre de très près la situation de ses mines d'uranium dans le contexte d'instabilité politique que traverse le pays.

"L'uranium en provenance du Niger couvre moins de 10% de l'uranium utilisé dans les centrales nucléaires françaises", a récemment précisé Orano, ajoutant que le Niger ne représente que 4% de la production mondiale d'uranium.

Dans le nord du Niger, Orano exploitait donc depuis un demi-siècle deux mines d'uranium: la Somaïr (Société des mines de l'Aïr) et la Compagnie des mines d'Akokan (Cominak). La première va poursuivre ses activités jusqu'en 2040 en vertu d'un accord entre le groupe et le gouvernement nigérien datant de mai dernier tandis que la seconde a fermé en 2021 mais fait l'objet d'un vaste projet de réaménagement. Par ailleurs, Orano mène des études en vue d'exploiter le site d'Imouraren, l'un des plus grands gisements d'uranium au monde, également dans le nord du Niger, dont les réserves ont été estimées à environ 200.000 tonnes et qui n'a jamais produit depuis son rachat en 2009.

A l'instar de la France mais aussi de l'Union européenne, Orano réduit sa dépendance vis-à-vis des pays africains afin de prévenir les conséquences de l'instabilité politique. Au cours des dernières années, le groupe nucléaire a ainsi investi dans des mines au Canada et surtout au Kazakhstan qui est de loin le premier producteur mondial (45%). Aujourd'hui, les deux pays représentent plus d'un tiers de la production d'Uranium d'Orano.

Et ces approvisionnements devraient encore se diversifiser avec l'exploitation d'un nouveau site en Ouzbékistan à l'horizon 2030. Preuve qu'Orano est moins sous la menace de tensions politiques au Niger qu'auparavant: le groupe assure disposer de stocks d'uranium qui lui permettraient de tenir au moins deux ans.

Timothée Talbi avec Matthieu Pechberty et AFP