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Saint-Saulve: 40% de l'activité de l'usine Ascoval pourrait être délocalisée en Allemagne en raison des prix de l'énergie

L'annonce a été faite par des syndicats, même si le propriétaire de l'aciérie, qui compte 270 salariés, assure qu'aucune décision n'a été prise pour le moment.

L'aciérie Ascoval de Saint-Saulve (Nord) projette de délocaliser temporairement 40% de sa production sur des sites "plus polluants" en Allemagne à cause des prix de l'énergie, ont indiqué ce mercredi des syndicats. Son propriétaire et Bercy assurent eux qu'aucune décision n'avait été prise.

"La mort assurée à petit feu d'Ascoval”

Cette annonce a été faite mardi par la direction, selon des représentants de la CGT et de la CFDT, confirmant une information de La Voix du Nord.

"Nous n'avons pris aucune décision", a cependant déclaré Ute Engel, la porte-parole du groupe sidérurgique allemand Saarstahl, propriétaire d'Ascoval.

"Les prix de l'énergie ont explosé" et le groupe étudie "toutes les options temporaires (...) pour limiter les effets négatifs", a-t-elle ajouté. L'entreprise affirme maintenir sa stratégie de développer la production d'"acier vert" à Ascoval.

Selon un représentant CFDT, qui souhaite rester anonyme, le transfert d'activité doit débuter "fin décembre" et "jusqu'au mois de mars". Mais "on a connu par le passé des délocalisations temporaires qui sont devenues définitives", a-t-il ajouté. Un point de vue partagé par un représentant syndical CGT à Ascoval, interrogé par BFM Grand Lille.

"L'industrie nous a montré au fil des années que lorsqu'on prend des décisions comme ça c'est jamais temporaire. Si l'on délocalise 40% de la production, on ne reviendra pas en arrière. S'ils le font vraiment, ça sera la mort assurée à petit feu d'Ascoval”, s'alarme Nicolas Lethellier, secrétaire CSE Ascoval et élu CGT au micro de BFM Lille.

"Cette décision survient quatre mois après notre reprise" par le groupe Saarstahl, a rappelé Cyril Morelle, élu CGT, dans un communiqué à l'AFP. Il craint "des semaines de sous-activité et de chômage". Certains responsables syndicaux estiment que la perte d'une partie de la production entraînerait au minimum cinq jours de chômage par mois.

Près de 60 millions d'euros d'argent public accordés au propriétaire

Tandis qu'Ascoval est équipé de fours électriques, l'acier produit par le groupe en Allemagne utilise des hauts-fourneaux alimentés au charbon. "Un haut-fourneau a toujours été beaucoup moins cher qu'une aciérie électrique mais avec l'inflation, on est beaucoup moins rentables qu'avant", explique le représentant CFDT.

"La filière électrique se trouve donc mise de coté pour préférer une filière bien plus polluante (...) Une aberration", déplore Cyril Morelle.

Le député du Nord et candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel a écrit ce mercredi au ministre de l'Économie Bruno Le Maire pour lui demander "d'intervenir sans délai".

"Aucune décision n'a été prise par Saarstahl à ce jour mais nous serons extrêmement vigilants à ce qu'Ascoval soit le moins impacté possible par la conjoncture", a réagi le ministère de l'Economie, précisant que des discussions étaient en cours avec l'entreprise.

"Nous saurons aussi rappeler à Saarstahl les engagements pris dans le cadre de la reprise d'Ascoval et d'Hayange en août dernier. Ces engagements comprennent notamment un volume de commande minimal annuel d'Hayange à Ascoval", a ajouté Bercy, rappelant avoir mis en place des mesures pour aider les entreprises qui consomment beaucoup d'électricité.

Le rachat par Saarstahl de l'aciérie Ascoval à Liberty Steel, en difficulté, avait été validé par la justice le 2 août. Le conseil régional des Hauts-de-France avait voté l'abandon d'une partie du prêt de 12 millions d'euros accordé à l'aciérie afin de finaliser cette reprise. Mais le montant abandonné doit être décidé le 23 novembre, a indiqué la région. Au total, le propriétaire du site a reçu près de 60 millions d'euros d'argent public.

"Il semble impensable que l'on fasse le choix du charbon allemand", a réagi mercredi soir le cabinet du président de la région, Xavier Bertrand, contacté par l'AFP

Du côté de l'opposition au conseil régional, le conseiller LFI de la région Julien Poix estime que "le temps des chèques en blanc doit cesser". Il dénonce les choix de la majorité d'accorder autant d'argent sans garantie de conservation de la production.

"Nous avions alerté Monsieur Bertrand sur cette question, qu'il n'y avait pas de contrepartie à l'argent qui allait être donné à Ascoval, que les syndicats nous avaient alerté qu'il fallait mettre dans le contrat, une garantie du maintien des emplois et de l'activité dans le Valenciennois", martèle-t-il au micro de BFM Grand Lille.

Le contrail d'Ascoval avec EDF modifié à partir du 1er janvier

Pour Xavier Bertrand, "il est indispensable que des tarifs préférentiels soient accordés à Ascoval", a ajouté son cabinet, qui rappelle que cette aciérie "n'est évidemment pas la seule" concernée par la hausse des coûts de l'électricité.

La ministre chargée de l'Industrie, Agnès Pannier-Runaher a indiqué ce jeudi que le contrat liant l'aciériste français Ascoval à EDF allait "changer au 1er janvier", en jugeant "absurdes" les menaces de délocalisation temporaire d'une partie de la production en Allemagne, pour "une question ponctuelle de prix de l'électricité".

"Le contrat qui lie l'aciérie d'Ascoval avec EDF va changer au 1er janvier, c'est-à-dire qu'il va être sur un coût d'électricité qui est stabilisé et donc ça va permettre de travailler", a souligné Agnès Pannier-Runacher sur France Info.

Elle a aussi fait valoir qu'Ascoval allait bénéficier d'aides publiques venant tout juste d'être votées dans le projet de loi de finances pour compenser la hausse de l'électricité aux entreprises très consommatrices, et "faire en sorte que le prix de la compensation carbone soit plus important cette année".

L'Etat français s'était impliqué pour soutenir Ascoval avant sa reprise, notamment en débloquant un prêt de 20 millions d'euros pour payer les salaires.

Avec 270 salariés, Ascoval produit des "blooms" (barres d'acier) pour Hayange (430 salariés), qui fabrique des rails en acier ensuite destinés aux principaux réseaux ferrés européens, notamment SNCF Réseau et la RATP. Créée en 1975, Ascoval se présente, après 150 millions d'investissements ces dernières années, comme "l'une des aciéries les plus modernes et +écologiques+ d'Europe".

Gauthier Hartmann avec AFP