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Economie

Présidentielle: quels candidats ont le programme le mieux financé?

L'Institut Montaigne a passé au crible les programmes économiques des cinq principaux candidats et estime leur impact sur les finances publiques.

Après le "quoi qu'il en coûte" faut-il fermer les vannes de la dépense publique? Alors que le déficit du Budget est attendu à 5% du PIB cette année (après 8,9% en 2020 et 6,5% en 2021) et que la dette devrait se stabiliser à 113,5%, les candidats ont-ils l'intention de redresser les comptes publics du pays?

Si tous les "grands" candidats assurent présenter un programme rigoureux sur le plan budgétaire avec des dépenses qu'ils estiment pouvoir financer, il semble que ce ne soit pas vraiment le cas.

Selon le think tank libéral Institut Montaigne, aucun de cinq candidats en tête des sondages ne serait en mesure de redresser les finances publiques à l'issue du futur mandat. Dans une étude publiée ce mercredi et relayée par Les Echos, le think tank tente de chiffrer les économies réelles qu'engendreraient les mesures proposées par les cinq principaux candidats (selon les sondages) ainsi que les dépenses promises.

Et si chaque candidat assure que son programme est financé, voire pour certains excédentaire, les calculs de l'Institut Montaigne montrent un résultat bien différent. L'écart s'explique généralement par les effets sur la croissance que chaque candidat pense avoir avec son programme alors que le think tank estime souvent ces projections très spéculatives.

Quels sont les principaux candidats qui ont le programme le plus déséquilibré?

Le coût des programmes des candidats selon l'Institut Montaigne
Le coût des programmes des candidats selon l'Institut Montaigne © Institut Montaigne

1. Jean-Luc Mélenchon: une dette à 134% du PIB en 2027

Le candidat de La France Insoumise est un des rares à estimer que son programme est excédentaire. 250 milliards d'euros de dépenses et 267 milliards d'économies, soit un excédent de 17 milliards d'euros au final selon son chiffrage.

L'Institut Montaigne ne parvient pas du tout au même résultat avec des économies largement revues à la baisse (113 milliards au lieu de 267) et des dépenses à la hausse (332 milliards au lieu de 250).

"L’écart entre l’estimation de l’Institut Montaigne et celle du candidat vient notamment de mesures de recettes supplémentaires dont la matérialisation est trop incertaine pour être prises en compte, telles que les recettes à attendre d’une plus grande lutte contre la fraude et l’évasion fiscale (estimées à 26 milliards d'euros par an par le candidat) ou de mesures insuffisamment détaillées pour donner lieu à un chiffrage", estime l'étude.

A l'issue d'un éventuel quinquennat, le solde serait dégradé de 219 milliards d'euros et la dette gonflerait à 134% du PIB.

2. Eric Zemmour: une dette à 130% du PIB en 2027

20 milliards d'excédent pour le candidat, 146 milliards de déficit selon l'Institut Montaigne.

Eric Zemmour surestimerait les économies qu'il compte réaliser. Selon le think tank, les baisses de dépenses ne seraient pas de 80 milliards d'euros mais de 22. Là encore, trop de résultats incertains ou peu documentés.

"Des mesures de recettes dont la matérialisation est trop incertaine pour être prises en compte: plus grande lutte contre la fraude sociale et fiscale (15 milliards selon le candidat), "lutte contre les gaspillages, les dépenses non prioritaires et la désorganisation de l’État" (15 milliards selon le candidat) et "lutte contre la bureaucratie et les surcoûts de la décentralisation" (15 milliards selon le candidat), résume l'étude. En outre, les mesures d’augmentation de l’âge de la retraite ou de réduction des aides sociales au bénéfice des immigrés procureraient des économies moins élevées que celles estimées par le candidat."

Mais c'est sur les dépenses que le candidat accuserait le plus d'écart avec le chiffrage Montaigne. Il les estime à 60 milliards d'euros contre près de 168 milliards pour le thin tank.

"Le candidat estime le coût total des mesures à 60 milliards, soit un écart de près de 110 milliards par rapport à l’évaluation de l’Institut Montaigne, soit plus de 4 points de PIB, récapitule la note. Lorsque l’on considère les mesures une à une, la plupart des coûts apparaissent très sous-estimés par le candidat. À titre d’illustration, la prime "zéro charge" versée par l’employeur coûterait 28 milliards d'euros par an selon l’Institut, contre un coût nul selon le candidat."

Au bilan donc un déficit qui serait dégradé de 145,8 milliards d'euros et une dette qui grimperait à 130% du PIB.

3. Marine Le Pen: une dette à 123% du PIB

A la différence des deux précédents, la candidate du RN reconnaît un déficit brut (hors effets positifs sur la croissance) de son programme de l'ordre de 13 milliards d'euros. Mais selon l'Institut Montaigne, ce déficit serait plutôt huit fois supérieur, de l'ordre de 100 milliards d'euros.

Sur les mesures d'économie, "l’écart provient en particulier de mesures d’économies insuffisamment détaillées ou dont la matérialisation est trop incertaine pour être prise en compte, récapitule le think tank. Il s’agit notamment de l’objectif d’une plus grande lutte contre la fraude sociale et fiscale (15 milliards d'euros selon la candidate). En outre, la candidate annonce réduire de 5 milliards d'euros soit environ 20% la contribution de la France au budget de l’UE, ce qui implique de mener une négociation avec nos partenaires européens dont l’issue est incertaine."

Mais c'est surtout sur les dépenses que l'écart est le plus important. La candidate les chiffre à 68 milliards contre près de 120 milliards pour l'Institut.

Le coût de certaines mesures comme celle sur les retraites serait largement sous-estimé. Pour rappel, la candidate du RN propose un système progressif de départ à la retraite, en réservant la retraite à 60 ans avec 40 annuités aux Français entrés dans la vie active avant l’âge de 20 ans

La candidate estime à 17,1 milliards d'euros ces mesures favorables aux retraités, un coût évalué à 37,7 milliards d'euros par l’Institut Montaigne.

Coût global du programme de Marine Le Pen: 101,8 milliards d'euros et une dette à 123% à l'issue du quinquennat.

4. Emmanuel Macron: une dette à 117% du PIB

Avec Marine Le Pen, Emmanuel Macron est le second parmi les "grands" candidats à reconnaître un déficit d'environ 6 milliards d'euros dans son programme. Mais l'Institut Montaigne l'estime plutôt à près de 45 milliards.

Si sur les dépenses, les deux calculs concordent à peu près (un écart de 7 milliards d'euros), c'est sur le volet recettes que l'analyse du think tank diverge.

"L’écart entre les 12,7 milliards estimés par l’Institut Montaigne et les 44 milliards annoncés par le candidat tient notamment au fait que le candidat a annoncé des économies pour 25 milliards d'euros issues de réformes de modernisation dans la relation administration-usager (notamment par la numérisation), mais aussi de réduction des coûts de fonctionnement pour l’État et la sécurité sociale ou encore de lutte contre la fraude fiscale, dont la matérialisation n’est pas acquise, et qui n’ont pas été prises en compte dans ce chiffrage", relève l'étude.

Sur cette base là, la dette grimperait à 117% du PIB à l'issue d'un éventuel second mandat d'Emmanuel Macron quand ce dernier estime qu'elle commencerait à se réduire en 2026.

5. Valérie Pécresse: une dette à 116% du PIB

La candidate LR présente le programme le plus sobre des cinq principaux candidats. Seulement 42 milliards d'euros de dépenses et 84 milliards d'économies selon ses calculs. Si les dépenses seraient sous-estimées d'une dizaine de milliards d'euros selon l'Institut, c'est sur les économies que l'écart est le plus important (16,5 milliards contre 84 selon Valérie Pécresse).

Comme pour la plupart des candidats, les économies sont davantage des déclarations d'intentions que de vraies mesures détaillées.

"Plus grande lutte contre la fraude sociale et fiscale (15 milliards selon la candidate), suppression de niches fiscales (15 milliards selon la candidate), d’économies diverses sur le fonctionnement des administrations (5 milliards selon la candidate)", résume l'Institut Montaigne.

Autant de mesures que le think tank n'intègre pas à ses calculs tant elles sont vagues.

Toutefois au bilan c'est la trajectoire budgétaire de la candidate LR qui serait la moins coûteuse pour les finances publiques avec un manque à gagner de 35 milliards d'euros et une dette grimpant à 116% du PIB en 2027.

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Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco