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Plein-emploi: Votre ville y est-elle déjà et pourquoi?

Alors que le nouveau service public de l'emploi va être lancé et que le taux de chômage est au plus bas depuis des décennies, la France est encore loin d'être au plein-emploi. Certains territoires y sont pourtant déjà ou presque. Tour d'horizon de la France qui a vaincu le chômage.

La France suivra-t-elle le même chemin que l'Allemagne et le Royaume-Uni, mais avec 10 ans de retard ? Atteindre le plein-emploi est en tout cas l'objectif du gouvernement et la clé de voûte de toutes les politiques économiques mises en place par le chef de l'Etat et ce depuis 2017.

Alors que l'Europe est depuis deux décennies coupées en deux avec au sud des pays comme l'Espagne ou l'Italie qui n'ont jamais réussi à faire baisser leur chômage sous les 5% de la population active et au nord des économies qui ont des taux dignes des "30 glorieuses".

C'est le cas de nos deux grands voisins: l'Allemagne est passée sous les 5% selon Destatis, donc au "plein-emploi" visé par Emmanuel Macron, en 2014. Depuis ce taux est même tombé à 2,9% en ce début d'année. Le Royaume-Uni a suivi le même chemin avec un "plein-emploi" atteint de son côté en 2015 et un taux qui poursuit sa baisse depuis pour atteindre 3,8% en 2023.

La France, avec son taux de chômage de 7%, se situe dans l'entre-deux. Entre les 8-12% de chômage de l'Europe du sud et les 3-4% de l'Europe du nord. Mais lorsqu'on zoome sur la carte de France, on se rend vite compte que le chômage est loin d'être réparti de manière homogène sur le territoire.

Au niveau départemental, les différences de taux de chômage vont du simple au triple. De 4,1% dans le Cantal à 11,7% dans les Pyrénées-Orientales en passant par 5,6% à Paris, 8,6% dans les Bouches-du-Rhône, 6,2% dans le Rhône ou encore 10,3% dans l'Aisne. La France de l'emploi et du chômage traduit une très grande variété de situations.

Un taux de chômage en trompe-l'œil

Si certains territoires sont déjà ou presque au plein-emploi comme ceux situés sur la façade nord Atlantique, dans les Alpes ou encore les départements du sud du Massif Central, d'autres sont toujours en proie à un chômage de masse comme ceux de l'est du pourtour méditerranéen où le taux est supérieur à 10% ou encore les anciennes régions industrielles du nord.

Une carte de France de la bonne santé économique semble se dessiner sous nos yeux dont il faut pourtant se méfier.

"Il y a des départements avec un très faible taux de chômage mais cela ne traduit pas un dynamisme pour autant, précise Yves Jauneau, chef de la division Synthèse et conjoncture du marché du travail à l'Insee. Ce sont des départements peu attractifs avec une population active qui diminue donc un chômage faible."

C'est notamment le cas du Cantal et de la Lozère qui avec un chômage à respectivement 4,1% et 4,6% de la population active paraissent être les départements les plus dynamiques de France. La réalité est toute autre: une population vieillissante, un nombre d'actifs en baisse constante (60.000 pour le Cantal, 33.000 pour la Lozère), un niveau de vie médian inférieur à la moyenne nationale (moins de 21.000 euros/an). Ils peuvent difficilement être pris comme référence dans le cadre d'une politique de l'emploi.

A contrario, certains territoires très peuplés ont des taux de chômage supérieurs à la moyenne nationale mais n'en restent pas moins vigoureux sur le plan économique. On peut cette fois citer Montpellier (9,4% de chômeurs) ou les Bouches-du-Rhône (8,6%).

"Ce sont des zones attractives qui attirent beaucoup de population mais dans lesquelles il faut créer encore plus d'emplois, explique Yves Jauneau. Ce sont aussi des régions touristiques avec de l'emploi moins pérenne."

Plus de cadres, moins de chômage

Au niveau local, les dimensions démographiques ainsi que socio-économiques sont des éléments d'explication essentiels pour appréhender le taux de chômage. Ainsi, les grandes agglomérations comme Paris, Lyon ou Bordeaux ont des taux faibles, environ 1 point sous la moyenne nationale, car elles concentrent une importante population de cadres.

Or c'est cette catégorie de salariés qui, au niveau national, a le moins de chance d'être au chômage avec un quasi plein-emploi (4% selon l'Insee).

Certains territoires moins urbanisés constituent toutefois des réussites exceptionnelles en termes d'emploi. C'est le cas des départements du nord de l'Auvergne-Rhône-Alpes. L'Ain, la Savoie et la Haute-Savoie ont des taux de chômage parmi les plus bas du pays, aux alentours de 5%.

Territoires riches et dynamiques, ils bénéficient notamment de l'influence de la Suisse voisine qui a un effet d’entraînement sur l’activité économique et l’emploi. Plus riches que la moyenne nationale (25.400 euros de revenu médian), les Savoyards bénéficient en outre de l'activité touristique très importante dans la région.

D'autres territoires moins riches sont pourtant eux aussi presque au plein-emploi. Des départements généralement situés à l'ouest comme la Mayenne, la Manche ou encore la Vendée qui avec 5,1% détient un des taux de chômage les plus bas de l'Hexagone. C'est d'ailleurs dans ce dernier département que se situe la commune des Herbiers au sud de Cholet qui peut s'enorgueillir d'avoir le plus faible de taux de chômage de France (3,3% de la population active).

L'étonnante réussite vendéenne

"Le dynamisme vendéen c'est le fruit de décennies de travail, estime Arnaud Ringeard, le président de la CCI de Vendée. Nous n'avons pas de très grandes entreprises mais un très grand nombre de PME et d'entreprises de tailles intermédiaires, nous en dénombrons 30.000. Surtout nous avons su conserver un tissu d'entreprises industrielles puisqu'elles représentent 30% du total contre 12% au niveau national. Nous sommes au niveau de la France d'il y a 50 ans !"

De l'entreprise de nautisme Bénéteau au fabricant de meubles Gautier en passant par le spécialiste de la construction Briand ou encore les groupes agroalimentaires Sodebo et Fleury Michon... La Vendée compte un grand nombre d'entreprises florissantes, et ce, dans des secteurs très divers. L'emploi n'est pas soumis aux cycles et aléas de tel ou tel secteur d'activité comme cela a pu être le cas dans le nord du pays avec la désindustrialisation et les déboires de la sidérurgie.

Une réussite sur le terrain de l'emploi d'autant plus notable que le département a un des plus faibles taux de cadres de France dans sa population. Ils ne représentent que 4,8% des habitants contre 9,5% au niveau national. Or ce sont les zones avec le plus fort taux d'encadrement (les grandes agglomérations) qui ont le moins de chômage en général. Les taux de chômage sur les catégories d'ordinaire les plus touchées que sont les ouvriers, les employés et les professions intermédiaires sont bien plus faibles qu'ailleurs.

Les acteurs locaux évoquent un état d'esprit "pro business" des acteurs publics qui facilitent les implantations, mais aussi des entreprises relativement petites, plus proches des salariés et un état d'esprit général porté sur le travail.

"Dans les chambres de commerce, nous organisons des stages en entreprise pour les collégiens durant les vacances scolaires, explique le président de la CCI de Vendée. Nous faisons 2000 conventions de stage par an. Au niveau national, nous sommes deuxièmes juste après la métropole lyonnaise."

"Je ne crois pas à la fatalité du chômage à 7%"

3 questions à Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi

BFM Business: Comment expliquez-vous ces écarts de taux de chômage?
T.G.: Il y a des explications historiques. Quand on regarde la Vendée, il y a une organisation de l'économie locale fondée sur les ETI et les PME qui servent de traction sur ce territoire. À Vitré en Bretagne, il y a une culture de la coopération entre le Département, la Région, les services de l'emploi... Quand une entreprise veut se développer, elle a un seul interlocuteur et n'a pas à taper à 50 portes. Ça change tout. C'est un comité France Travail avant l'heure !

BFM Business: Certains pensent que la France est déjà à son "plein-emploi" et ne descendra pas plus bas...
T.G.: Je ne crois pas à la fatalité d'un chômage à 6-7%. Regardez Les Herbiers, ils sont à 3%! Pour résoudre le problème du chômage il faut des carnets de commandes pleins et de l'activité. Mais là on se rend compte qu'il y a un décalage et des tensions sur l'emploi. Quand on a 400.000 emplois non pourvus et un chômage encore à 7%, ce n'est pas normal. Il faut un service de l'emploi plus efficace qui permette à chaque personne de retrouver le chemin de l’emploi et à chaque entreprise de recruter les talents dont elle a besoin. France Travail c'est comme un service RH pour l'ensemble de la Nation, ça va se mettre en place.

BFM Business: France Travail qui est censée remédier à ses problèmes va pourtant mettre du temps à se mettre en place...
T.G.:
Actuellement c'est expérimenté dans 18 départements sur 18 bassins d'emplois. Mais on va rapidement monter en puissance. Nous allons commencer par accompagner 40.000 bénéficiaires du RSA dans ces bassins d’emploi, en proposant un accompagnement conjoint avec les travailleurs sociaux des départements et de Pôle Emploi, qui assure la levée des freins sociaux notamment. Nous comptons monter progressivement à 250.000 d'ici l'année prochaine.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco