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Le gouvernement peu emballé par l’offensive d’Airbus sur Atos

Des actionnaires du groupe informatique réclament un appel d’offres ouvert à tous les candidats au rachat des activités de cybersécurité.

Au sein du gouvernement, la candidature d’Airbus pour la future filiale d’Atos, Evidian, rencontre peu d’enthousiasme. Des voix discrètes critiquent l’influence et le pouvoir des Allemands dans le groupe. Et surtout dans sa filiale dédiée aux activités de défense "Airbus Defence and Space" dont le siège est en Bavière.

"Le gouvernement la considère comme une société allemande", explique une source proche du dossier.

Un handicap, alors qu’Airbus propose de la rapprocher d’Evidian qui, à partir de l’été prochain, regroupera les métiers de cybersécurité, digital et les supercalculateurs d’Atos. Le gouvernement reste "attentif" à cette branche dite de "souveraineté nationale" alors qu’elle travaille avec l’Otan et l’armée française.

"Airbus est peu apprécié au ministère des Armées depuis le fiasco sur l’avion du futur" ajoute une autre source impliquée dans l’avenir d’Atos. Le constructeur aéronautique a été perçu comme le défenseur des intérêts allemands dans son bras de fer avec Dassault pour ce projet européen. Le ministère de l’Economie est plus nuancé mais prend ses distances.

"Airbus est un groupe européen dont nous sommes actionnaires (11%), avec lequel nous travaillons très bien et qui est un acteur économique majeur pour notre pays" explique-t-on à Bercy.

Airbus plus Allemand que Français

Un contraste qui tranche avec le soutien au rival Thales dont l’Etat détient 26%. Le groupe dirigé par Patrice Caine est aussi candidat au rachat des activités de cybersécurité d’Atos. Mais son président Bertrand Meunier refuse une alliance avec Thales. En tout cas, "le gouvernement ne nous a jamais indiqué sa préférence" assure-t-on chez Atos.

"C’est vrai que nous sommes considérés comme européen, alors que Thales est perçu comme uniquement français, décrypte un haut cadre d’Airbus. Nos activités de défense ont une vision allemande".

C’est pour cette raison qu’Airbus a pris les devants. L’avionneur s’intéresse à Atos depuis plus d’un an, comme l’avait révélé BFM Business en mars dernier. Il propose de prendre 29,9% du capital d’Evidian, selon Les Echos, pour remplir les exigences d’Atos, alors que Thales ne s’intéresse qu’aux métiers de cybersécurité.

L'actionnaire Sycomore réclame un appel d'offres

La bataille entre les deux groupes français ravit les actionnaires d’Atos. Ils comptent bien en profiter pour faire monter les enchères alors que le cours de Bourse a chuté de 75% en un an. Mais ils craignent qu’Atos ne favorise Airbus pour échapper aux griffes de Thales. "Si la direction veut ouvrir le capital d’Evidian, elle doit lancer un appel d’offres pour tous les candidats, explique Cyril Charlot, responsable de Sycomore, l’un des actionnaires minoritaires les plus actifs. Il n’est pas question de faire une transaction de gré à gré". Hervé Lecesne veut rester positif mais ne dit pas autre chose. Il fait partie d’un petit groupe d’investisseurs qui pèse près de 5% du capital d’Atos. "Il est un peu tôt et tout le monde attend la publication des résultats annuels 2022, confie-t-il. Mais les négociations avancent".

Chez Atos, on promet que le "processus est ouvert à tous ceux qui ont des projets à proposer mais Airbus s’inscrit dans notre projet de création d’Evidian". La réalité semble bien différente. "Nous sommes seuls à discuter" assure un proche d’Airbus. Selon nos informations, le groupe aéronautique a même mandaté Ernst and Young et Alvarez & Marsal pour commencer l’audit des comptes d’Atos.

Un avantage de taille alors que, selon plusieurs sources, aucune discussion n’a lieu ni avec Thales, ni avec One Point. Le "petit poucet" de l’informatique avait proposé une offre de rachat de 4,2 milliards d’euros des activités digitales, cyber et "big data" d’Atos au mois de novembre. Pire, selon nos informations, le président d’Atos a éconduit une nouvelle approche du patron de One Point, David Layani, avant les fêtes. Il a en revanche reçu en octobre le PDG de Thales, Patrice Caine, pour lui signifier qu’il ne signerait pas de transaction avant la création d’Evidian en juin prochain… Pour le moment, Airbus est seul dans la course qui va durer jusqu’à l’été prochain.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business