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L’Etat favorable à un mariage entre Thales et Atos

Thales s'intéressait à la branche cybersécurité d'Atos

Thales s'intéressait à la branche cybersécurité d'Atos - AFP

Depuis un an, le groupe de défense lorgne les activités de cybersécurité d’Atos. Les ministères laissent Thales manœuvrer pour créer un champion français dans le secteur.

Atos est en pleine déroute. Il y a dix jours, le groupe de services informatiques a présenté son plan stratégique qui vise à se scinder en deux branches: les services informatiques d’un côté, le cloud et la cybersécurité de l’autre. Un démantèlement qui a provoqué une véritable fuite des investisseurs, effrayé aussi par le départ surprise du directeur général Rodolphe Belmer. Le cours de Bourse d’Atos s’est effondré de 40% en dix jours et encaisse 80% de perte en un an.

Le gouvernement s’est dit "attentif" à l’avenir d’Atos qui fournit la cybersécurité de l’Armée française et les supercalculateurs de l’Otan. Trois acteurs, déjà présents dans ce secteur, s’intéressent à cette pépite: Thales, Orange et Airbus. Trois groupes dont l’Etat français est actionnaire de référence qui sera au cœur de la restructuration d’Atos.

"Il faut aller plus loin et réfléchir à réorganiser la filière autour de deux acteurs au lieu de quatre", nous confiait récemment un ancien membre du gouvernement.

Création d’un champion français

Thales est, de loin, le plus offensif pour en prendre la tête. Il lorgne depuis un an cette pépite d’Atos dans la cybersécurité. [Le récit des coulisses sera à lire vendredi sur notre site]. En février, il s’est associé au fonds américain Bain, propriétaire du Français Inetum, pour envisager un rachat d’Atos. Refus immédiat de l’entreprise et l’Etat a calmé le jeu. "Le gouvernement ne veut pas de mouvement agressif, explique un bon connaisseur du dossier. Même s’il verrait d’un bon œil un acquéreur qui opère dans le secteur de la défense et proche de l’Etat".

Et Thales a les faveurs des pouvoirs publics. Le groupe se positionne au carrefour des ministères concernés par l’avenir d’Atos. Celui de l’Economie détient 26% de son capital et celui des Armées est son client pour sa cybersécurité, les logiciels de combat et son partenaire au sein de Naval Group pour les sous-marins. Grâce aussi à son actionnaire Dassault Aviation (25%), son PDG Patrice Caine a toutes ses entrées au "Pentagone français".

C’est d’ailleurs la direction générale de l’Armement (DGA) qui a "tiré la sonnette d’alarme il y a trois mois", explique une source proche du groupe, quand elle a observé les tensions entre le directeur général d’Atos, Rodolphe Belmer, et le président, Bertrand Meunier. Elle s’inquiète de l’avenir de cette activité de cybersécurité et "milite toujours pour la création de champion français qui lui soit proche" explique un bon connaisseur de la "DGA".

Bercy aux premières loges

Thales profite aussi du plein soutien de Bercy, son premier actionnaire. "Patrice Caine n’aurait jamais mené une offensive dans des domaines aussi sensibles sans l’aval de ses grands actionnaires" explique un de ses proches. "Un patron qui a l’Etat comme actionnaire de référence ne se lance pas sans son feu vert" confirme un dirigeant d’une entreprise dont Bercy est aussi au capital. Un haut dirigeant de Thales va même plus loin: "le directeur du Trésor siège au comité stratégique et valide, de fait, tout mouvement stratégique". De son côté, Emmanuel Moulin "dément jouer tout rôle actif dans ce dossier". Sa voix pèse d’autant plus qu’il reste très proche de Bruno Le Maire dont il a été le puissant directeur de cabinet pendant trois ans.

Pourtant, ces derniers mois, des interlocuteurs du ministère de l’Economie ont aussi distillé des messages plus ouverts à des dirigeants d’Atos. "Ils ne s’opposeront pas à des investisseurs étrangers tant que les intérêts dans la cybersécurité seront préservés" précise un proche du groupe. Un discours de façade pour ne pas être taxé de protectionnisme. Même si dans la réalité, plusieurs fonds d’investissement ont renoncé à entrer au capital d’Atos depuis un an, craignant de se heurter à l’Etat français.

La voie semble d’autant plus dégagée pour Thales qui est beaucoup plus déterminé que ses rivaux. Airbus manque de motivation. "Nous souhaitons nous développer dans la cybersécurité par partenariat mais pas par acquisition majeure, explique un dirigeant du groupe aéronautique. C’est trop loin de notre métier d’avionneur". Même son de cloche chez Orange. "Le groupe vient de changer ses deux dirigeants et n’a pas les moyens de bouger aujourd’hui", explique un dirigeant de l’opérateur télécom qui assure toutefois regarder le dossier. Dommage pour Atos qui aurait préféré une alliance avec Orange pour contrer les vélléités de Thales.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business