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Voyageurs pros: comment la SNCF veut profiter du "flight shaming"

Cible stratégique de l'opérateur, les "pros" reprennent le train. Ils privilégient d'ailleurs de plus en plus le chemin de fer à l'avion avec des entreprises sensibles à la réduction de leur empreinte carbone. Un objectif sur lequel la SNCF veut capitaliser.

Avec la crise sanitaire et le recours massif au télétravail, les déplacements professionnels se sont effondrés, notamment à la SNCF (-60% en 2020). Une source de fortes inquiétudes pour l'opérateur: historiquement, les voyageurs "pros" représentent 20% de son trafic mais 40% de son chiffre d'affaires.

Avec le début du retour à la normale dans les entreprises, les salariés nomades vont-ils reprendre leurs déplacements? Au départ, la SNCF affichait un certain pessimisme mais les dernières observations semblent redonner le sourire aux dirigeants de la compagnie.

"Nous avons de bonnes nouvelles: 60% des voyageurs ayant un tarif pro sont de retour par rapport à la même période en 2019. Et même ils sont 75% sur le segment des très petites et moyennes entreprises. Il y a une série de signaux faibles qui alimentent notre optimisme", nous explique Alain Krakovitch, directeur de Voyages SNCF.

Professionnels: 20% du trafic, 40% du CA

Et de citer le bon remplissage de la classe Business des trains Thalys et Lyria comme les prévisions des organisations de salons qui pensent réaliser 60% de leurs chiffres d'affaires sur les trois derniers mois de l'année. "Il y a une forme de rattrapage", ajoute Alain Krakovitch .

Surtout, le transporteur constate, à travers des études et des échanges, une réelle volonté des entreprises et des salariés à voyager à nouveau. "46% des entreprises n'imposent plus de restrictions, moins d'un tiers limitent les voyages et 89% estiment que le voyage d'affaires ne sera pas remis en cause pour les visites clients, les formations, les salons...", souligne Alain Krakovitch.

Sur ce segment stratégique, la SNCF table ainsi sur un retour proche des niveaux de 2019 d’ici 2023. Un mouvement bien plus rapide qu'initialement prévu. Reste que la SNCF doit désormais s'adapter à de nouvelles demandes et comportements de la part des entreprises et des salariés nomades.

La mobilité durable, une demande grandissante des clients pros

Outre les avantages connus de l'offre pro, comme la flexibilité des billets et le temps de voyage optimisé, la SNCF estime qu'elle a de nouveaux atouts à faire valoir comme la sécurité sanitaire et les enjeux de responsabilité sociale qui résultent de ces profonds changements.

"La mobilité durable est devenue un argument, or choisir le TGV c'est agir pour la planète", explique Jérôme Laffon, directeur marketing de Voyages SNCF.

Ainsi, selon le transporteur, de plus en plus d'entreprises (comme Orange) interdisent l'avion si le train est une alternative pour des voyages allant jusqu'à 3 voire 4 heures, c'est deux heures de plus que la limite imposée par la loi Climat.

Selon une étude, 72% des clients Entreprises de Voyages SNCF recommandent en priorité à leurs salariés l’utilisation du train pour des trajets de plus de 200 kilomètres.

La SNCF entend bien s'inscire dans ce mouvement avec des outils qui permettent aux entreprises de piloter de manière fine et personnalisées leur empreinte carbone liée aux voyages en train.

3500 demandes pour la carte Forfait télétravail

Dans le même temps, l'opérateur va mettre en place de nouvelles offres "réalisées en co-construction" avec les entreprises". Elles seront dévoilées dans le courant de l'année prochaine. Il s'agit également d'accentuer ses offensives commerciales notamment autour de la carte Liberté, une carte de réduction plutôt tournée vers les professionnels.

Et enfin capitaliser sur sa nouvelle carte Forfait télétravail qui après un mois d'existence a passé la barre des 3500 abonnements. En fait, la moitié des 7000 clients historiques professionnels ont déjà basculé sur cette offre.

En répondant à ces nouvelles attentes, la SNCF estime être sur les rails pour accentuer le retour des voyageurs pros. Il faudra néanmoins composer avec la concurrence de Thello (Trenitalia) qui débarque prochainement sur le très stratégique axe Paris-Lyon en grande vitesse.

"C'est important. Trenitalia a une offre intéressante avec trois classes de voyage dont une premium. Mais ils vont être confrontés à un vrai sujet: la fréquence (l'opérateur italien proposera dans un premier temps deux rotations quotidiennes, NDLR) or c'est une dimension très importante pour le voyageur d'affaires", glisse Alain Krakovitch.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business