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Transports

"Vous ne ferez circuler aucun train": les cheminots de la SNCF font monter la pression à l'approche des JO

Dans un courrier que nous nous sommes procuré, des conducteurs préviennent qu'ils ne travailleront pas pendant l'événement planétaire, estimant être mal payés. Un site web a été mis en ligne comptabilisant les promesses de grève.

Si les contrôleurs de la SNCF ont été à l'origine de la dernière grève importante à la SNCF, les conducteurs de trains se rappellent au bon souvenir de la direction.

Estimant encore et toujours être mal payés malgré les augmentations consenties par la direction ces trois dernières années, ils menacent à nouveau de perturber le bon déroulement des Jeux olympiques de Paris.

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20:28

Dans un courrier (qui n'est pas issu d'un syndicat représentatif) que nous nous sommes procuré envoyé à Christophe Fanichet, patron de SNCF Voyageurs, des conducteurs réunis en "regroupement" préviennent: "dans l'état actuel des choses, vous ne ferez circuler aucun train pendant les Jeux olympiques. Nos CET (compte épargne temps, NDLR) sont pleins et en conséquence, nous sommes prêts à tenir dans la durée". Ils précisent que les Jeux paralympiques seront "épargnés".

"Nous sommes prêts à tenir dans la durée"

En décembre dernier, un conducteur nous confiait qu'effectivement, "les agents épargnent des congés payés sur les CET pour financer un mouvement extrêmement dur".

En cause donc les salaires. "Force est de constater que nous ne sommes pas rémunérés à hauteur de nos voisins Belges, Espagnols, Allemands ou encore au niveau du privé. (...) D'une manière générale, pouvez-vous justifier qu'un conducteur Eurostar soit rémunéré 5.500 euros net quand le même conducteur TGV chez SNCF Voyageurs perçoit entre 3.800 et 4.200 euros toutes primes incluses?", peut-on lire.

Lettre de cheminots SNCF envoyée à la direction
Lettre de cheminots SNCF envoyée à la direction © BFM Business

Et de poursuivre sur l'attractivité: "Qui en 2024 veut subir une formation de 1 an, apprendre 4.000 pages de règlements et procédures pour 21.500 euros brut annuel? De qui se moque-t-on?"

Évidemment, le moment est propice au rapport de force, "c'est maintenant ou jamais", souffle un conducteur.

"Sans réponse ou sans validation avec les organisations syndicales de l'une ou l'autre de nos deux propositions avec mise en place avant le 1er mai, nous vous promettons: zéro train pour les Jeux olympiques, obéissance passive et immédiate à la signalisation (100% des trains avec plus de 5 minutes de retard) et la création d'un collectif", peut-on lire dans le courrier.

Cette lettre illustre une nouvelle fois une action se faisant en dehors des syndicats de la maison SNCF. Syndicats qui pourraient d'ailleurs être dépassés comme lors du mouvement très massif d'un collectif de chefs de bord, en décembre 2022, qui a provoqué l'annulation de très nombreux trains.

En dehors des syndicats

Mais dans le même temps, un site Web baptisé Promesse de grève a été mis en ligne ces derniers jours par le syndicat FO. Il permet aux cheminots de déclarer leur intention de faire grève pendant les JO. Le compteur indique pour le moment 185 "promesses".

Rappelons que la direction de la SNCF explique que "sur trois ans, entre 2022 et 2024, les cheminotes et cheminots auront bénéficié d’une augmentation inédite de leur rémunération, de 17% en moyenne et jusqu’à 21% pour les premiers niveaux de salaires alors que dans le même temps, l'inflation cumulée s'est élevée à 13%".

Mais en réalité, c'est bien la décomposition du salaire qui provoque la grogne des cheminots en général, qu'ils soient conducteurs ou contrôleurs avec un salaire de base, assez bas, parfois même inférieur au Smic (entre 1.700 et 1.800 euros brut), et une multitude de primes versées en fonction de sa catégorie, de ses missions, de l'organisation du travail: primes de traction, de nuit, du dimanche, de travail, de résidence… Il y en a des dizaines.

Les cheminots dénoncent régulièrement cette construction. D'abord parce que ces primes sont très variables. Un cheminot en arrêt maladie peut ainsi perdre 40% de son salaire du fait de la non application de ces primes. Ensuite, certaines de ces primes sont ponctuelles.

Négociations tendues

Bref, les prochaines négociations risquent à nouveau d'être tendues, notamment en ce qui concerne les primes de présence accordées aux cheminots pendant les JO. La direction devra jouer serré. Reste qu'elle entend désormais négocier de manière globale sur les rémunérations, pas avec des catégories spécifiques de cheminots.

Sur les JO en tant que tels, la SNCF nous indique que les négociations sont "menées à l’échelle du groupe et de nouvelles rencontres (sont) prévues".

"Des discussions régulières se tiennent entre la direction du Groupe SNCF et les organisations syndicales concernant l'accompagnement des cheminots pendant les jeux olympiques et paralympiques, tant sur le plan financier que sur celui de l'organisation du temps de travail", nous précise l'entreprise.

Fin février, Patrice Vergriete, le ministre délégué aux Transports disait "n'être absolument pas" inquiet d'un risque de grève.

"Je ne crois pas un seul instant que les ouvriers, les salariés, les syndicats mettront en péril l'image de la France ou de leur entreprise aux yeux du monde entier, je n'y crois pas un seul instant. Il n'y aura pas grève, ce n'est pas du tout dans la culture ouvrière, ou alors je change de pays et je ne comprends plus rien au monde ouvrier", avançait-t-il.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business