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Prix des billets de train: +15% selon l'Insee, -7% selon la SNCF

Alors que l'opérateur met en avant une baisse sensible du prix moyen depuis juin dernier, l'Insee affirme que voyager en train coûte de plus en plus cher. Sur les trois derniers mois, les tarifs affichés ont, selon ses calculs, augmenté de 15,3%!

Les prix des billets de train ont-ils augmenté ou baissé ces derniers mois? La question taraude de nombreux clients de la SNCF qui ne cachent pas leur mécontentement sur les réseaux sociaux face à des tarifs qu'ils jugent en forte hausse, essentiellement sur les grandes distances. Exemple: cet internaute qui épingle un Paris-Nice à 250 euros l'aller simple...

Au point que parfois, l'avion est plus compétitif, un comble pour le train qui se veut le champion de la transition écologique.

Un constat que fait également l'Insee dans ses rapports très détaillés sur l'évolution des prix à la consommation (les chiffres détaillés sont à consulter dans le document "données" associée à la page).

+13,8% en mars, +11,7% en février sur un an selon l'Insee

Pour le statisticien, les prix du "transport de passagers par train" ont bondi au cours des trois derniers mois de 15,3%. Effet saisonnier? Pas vraiment. En comparant avec les prix d'avril 2020, l'Insee relève une augmentation de 14,6%. En mars, la progression annuelle atteignait 13,8% et en février 11,7%.

Cette flambée intervient certes après des années de baisse de prix (-6,1% entre 2019 et 2020 à cause de la situation sanitaire) et -0,4% entre 2018 et 2019. Mais de là à justifier une remontée aussi soudaine...

Comment l'Insee quantifie-t-elle les évolutions de prix? Elle multiplie les requêtes tarifaires pour tous types de billets en appliquant des pondérations, comme elle le fait dans tous les secteurs. Sa méthodologie est totalement transparente:

Une collecte de données par internet automatisée (webscraping) a été mise en place sur les sites internet de vente de billets de trains. Quotidiennement, un robot recueille les prix des billets avec quatre antériorités d’achat (2 jours, 10 jours, 30 jours et 60 jours avant le départ du train), suivant deux profils de consommateurs (avec ou sans carte de réduction) pour un échantillon de 250 trajets (allers simples), ce qui correspond à plus de 10.000 requêtes."

Cette approche permet de prendre en compte les effets du "yield management" appliqué par la SNCF qui consiste à faire évoluer, en temps réel, le prix du billet en fonction du taux de remplissage et du type de consommateur. Cette méthode tarifaire est également pratiquée par les compagnies aériennes.

Ces chiffres sont "faux" affirme la SNCF

L'envie d'évasion et de voyage exprimée par les Français ayant exacerbé la demande depuis le début de l'année, les prix des billets ont d'ailleurs davantage augmenté dans le secteur aérien et chez les autocaristes.

A la SNCF, ces chiffres sont néanmoins contestés et qualifiés de "faux". L'opérateur indique à BFM Business ne pas connaître "les contours de cette étude" (alors que la méthodologie est publique) ajoutant que les prix ont au contraire baissé de 7% depuis juin 2021, date de lancement de la nouvelle offre tarifaire AvantageS, une carte annuelle qui permet d'accéder à des prix plafonnés selon les distances. Et de souligner que 3,2 millions de cartes ont été écoulées depuis.

Le transporteur met également en avant de nombreuses promotions tout au long de l'année ou encore le succès des offres low-cost TGV Ouigo en expliquant que depuis son lancement il y a huit ans, 60% des clients ont voyagé pour moins de 25 euros, soit plus de 42 millions de voyageurs.

Renforcer l'offre Ouigo a sans doute permis à la SNCF de remplir davantage ses trains tout en faisant baisser le montant du panier moyen.

Pour autant, l'opérateur refuse de révéler le prix moyen de ses billets pour des raisons concurrentielles (secret des affaires)... Elle nous explique qu'elle calcule l’évolution (-7%) en fonction du panier moyen, c’est-à-dire l’ensemble du chiffre d’affaires (volume en €) sur une période / nombre de billets vendus.

Deux méthodes de calcul très différentes

Mais comment expliquer un tel écart entre les +15% de l'Insee et les -7% évoqués par la SNCF?

Certes l'Insee ne peut s'appuyer que sur les prix affichés par les sites de ventes de billets alors que la SNCF est en mesure de savoir quel prix en moyenne paie ses passagers. On peut comprendre qu'il y ait une différence. C'est ce qu'on observe dans les rayons de supermarchés quand les prix de certains produits atteignent des niveaux jugés trop élevés, les consommateurs s'en détournent pour acheter des produits plus abordables.

La SNCF vendrait donc nettement plus de billets à prix cassés que ne l'imagine l'Insee? L'institut statistique assure pourtant bien prendre en compte les tarifs jusqu'à deux mois avant le départ, période qui permet a priori d'obtenir de meilleurs prix à la SNCF. Mais ces deux mois d'avance ne semblent plus suffisants pour payer vraiment moins cher.

C'est en achetant son billet trois à six mois à l'avance que les clients obtiennent les tarifs les plus bas, avance le transporteur. Or, cette période d'achat n'est pas couverte par les calculs de l'Insee. Mais qui peut aujourd'hui programmer autant à l'avance ses déplacements?

Difficile de comprendre la réalité des tarifs

Cela dit, depuis un an, les prix ont-ils baissé ou augmenté? La question reste difficile à trancher car les méthodes de calcul sont finalement très différentes. D'un côté, la SNCF se base sur une moyenne du prix final payé par le client qui adapte son achat aux offres qui lui sont faites. Auquel cas, le montant du panier moyen peut baisser, quand bien même l’indice des prix le montre en hausse.

De l’autre, l’Insee réalise une simulation pour mesurer un indice des prix qui ne permet pas de "calculer un prix moyen du billet de train" mais "seulement l’évolution tarifaire de la dépense d’un consommateur représentatif si les trajets réalisés restaient les mêmes tout au long de l’année".

Une question au gouvernement

Ces différences de calcul entraînent en tout cas une grande confusion, comme le souligne Nicole Duranton, sénatrice RDPI de l'Eure qui a questionné le gouvernement en février dernier sur cette question.

"La méthode d'évaluation différente entre la SNCF et Insee ne permet pas réellement de comprendre la réalité des tarifs appliqués. En résumé, selon la période, les horaires, le trajet, le type de train, le mode de calcul, les tarifs SNCF peuvent paraître ou être plus ou moins chers". Bref, il est toujours aussi compliqué de savoir si les prix des billets de train en France sont en augmentation ou en baisse...

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business