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Transports

Flambée des prix des billets d'avion vers l'Outre-mer: les compagnies tentent de se justifier

Face à des coûts spécifiquement en hausse vers ces destinations, les opérateurs demandent au gouvernement de revoir les dispositifs de continuité territoriale.

+31,6%. C'est l'augmentation en avril, sur un an, des prix des billets d'avion à destination des Outre-mer depuis la Métropole. Si on compare à avril 2019, l'inflation atteint 30,3% avec certaines disparités, les plus fortes hausses étant observées sur la Guyane et les Antilles.

Même tendance au départ de l'Outre-mer: l’augmentation des prix des billets atteint 28,3% par rapport à avril 2019. La Martinique et la Guadeloupe affichent les hausses les plus fortes (respectivement +45% et +44,3%), tandis que la Guyane et La Réunion présentent des augmentations plus faibles, respectivement +29,2% et 16,8%.

Une situation sans précédent qui inquiète les professionnels du tourisme mais aussi les responsables politiques de ces collectivités au nom de la continuité territoriale. Au point qu'une commission d'enquête parlementaire soit lancée afin de comprendre pourquoi ces tarifs flambent autant. Car l'inflation est supérieure à la moyenne de tous les vols (+20,1% sur un an, +19,8% pour les vols internationaux).

Des billets en hausse de 45% depuis La Martinique

Interrogées, les compagnies aériennes françaises desservant ces destinations ont tenté de se justifier. Dans un communiqué, la Fnam, l’organisation professionnelle du secteur aérien représentant plus de 95% du transport aérien français, met d'abord en avant une augmentation spécifique des coûts.

"Les compagnies ont rappelé l’existence d’un décalage persistant des prix du kérosène dans les Départements français d’Amérique et à la Réunion avec ceux pratiqués en Métropole. Les comparatifs laissent en effet apparaître un prix supérieur de l’ordre de 25% dans les Départements français d’Amérique et de 10% à la Réunion. Pour mémoire, le seul prix du kérosène représente de l’ordre d’un tiers des coûts des compagnies aériennes", peut-on lire.

"Le prix supérieur à La Réunion est notamment la conséquence d’une hausse récente et significative du prix du fret maritime facturé au Comité des Importateurs d’Hydrocarbure", précise la Fnam.

"En ce qui concerne les Départements français d’Amérique, un contentieux a été engagé par les compagnies aériennes devant le tribunal administratif à la suite de l’augmentation substantielle du prix du kérosène depuis le 1er juin 2022 de la part de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles, acteur en monopole pratiquant un système de péréquation entre des produits administrés et un produit non réglementé comme le kérosène" poursuit la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers.

Elle dénonce également "l’augmentation des taxes et redevances (navigation aérienne, sûreté) ces derniers mois".

Des hausses de coûts exogènes affirment les compagnies

En résumé, le secteur estime que ces hausses sont exogènes et appelle donc les pouvoirs publics à "prendre les mesures qui permettront aux compagnies aériennes de continuer de proposer des services aériens compétitifs aux passagers. Cela inclut également la refonte des dispositifs de continuité territoriale afin de mieux répondre aux attentes exprimées".

A travers le principe d’égalité de la mobilité et d’unité de la République, l’Etat accorde en effet 257 euros par an et par habitant pour les Corses au titre de cette continuité territoriale mais seulement 16 euros pour les Ultramarins.

"Des dispositifs existent, il faut certainement les remanier, les amender, et je crois que la discussion doit se faire entre l’Etat et les collectivités territoriales", souligne Pascal De Izaguirre, président de la Fnam et PDG de Corsair.

Enfin, le secteur met "en garde contre les projets de taxation supplémentaire des billets d’avion pour financer les infrastructures de transport ferroviaires en métropole". Une attaque directe contre le plan ferroviaire du gouvernement à 100 milliards d'euros d'ici 2040.

Refus total d'une nouvelle taxe pour financer le rail

Le Scara, le Syndicat des compagnies aériennes Autonomes (qui regroupe la moitié des compagnies aériennes françaises), avait déjà dit tout le mal qu'il pensait de cette perspective.

"Taxer toujours plus le transport aérien épuise ses capacités de financement de solutions pour atteindre ses objectifs en matière environnementale: carburants durables (bio et synthétique), compensation CO2, progrès technologiques, etc", alertait le syndicat.

Le Scara rappelle que le secteur finance déjà à hauteur de 200 millions d'euros par an les infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et portuaires via l’éco-contribution mise en œuvre en 2020, une taxe sur les billets d’avion (dite "taxe Chirac").

Le plan ferroviaire à 100 milliards ne sera en effet pas financé en totalité par l'Etat qui devrait mettre 20 milliards d'euros (voire un peu plus) dans le pot à travers la Loi de programmation des finances publiques. L'Europe, les régions mais aussi les sociétés d'autoroute et l'aérien seront également mis à contribution.

"Il est normal que des sociétés qui ont des marges confortables et sont en bonne santé - je pense aux sociétés d'autoroute - contribuent au financement. Notre réseau est bien construit. On peut peut-être financer, par des péages ou par des contributions fiscales, le train ou des modes de transport moins polluants. C'est un débat qu'on va avoir d'ici l'été", a déclaré Clément Beaune, le ministre délégué aux Transports.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business