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Transports

Dans un rapport, des sénateurs dénoncent le "modèle à bout de souffle" de la SNCF

Le sénateur de l’Eure Hervé Maurey (Union centriste) et Stéphane Sautarel, sénateur LR du Cantal appellent à "remettre à plat" le modèle et le financement de la SNCF.

La SNCF est à nouveau épinglée dans un rapport. Après celui de l'ART (Autorité de régulation des Transports) pointant une ouverture à la concurrence trop lente, c'est au tour du Sénat d'apporter sa contribution. Et elle est (sans surprise) sévère.

Dans ce rapport de 320 pages intitulé "Comment remettre la SNCF sur les rails" rédigé par le sénateurs de l’Eure Hervé Maurey (Union centriste) et celui du Cantal, Stéphane Sautarel (LR), le modèle de financement de l'opérateur est jugé obsolète et exige "une remise à plat".

Malgré les réformes (1997, 2014), en particulier la dernière de 2018 qui acte l'ouverture à la concurrence et la fin du statut de cheminot pour les nouveaux entrants, les deux sénateurs estiment que la SNCF est face aux mêmes difficultés structurelles débouchant sur un retard de développement.

Une viabilité économique qui n'est pas assurée

"Notre pays est devenu un frein au développement de l’espace ferroviaire européen", peut-on lire. Un paradoxe quand on sait l'importance du train dans l'objectif de réduction des émissions de CO2 en France.

Ces difficultés sont historiques et structurelles selon le rapport, elles sont liées au modèle de financement: "la réforme de 2018 ne sera pas suffisante pour assurer la viabilité économique de la SNCF et du système ferroviaire", peut-on lire. Le rapport dénonce notamment le tour de passe-passe de la reprise de 35 milliards d'euros de dette par l'Etat. Cette reprise "est revenue de fait à accorder a posteriori les subventions d’investissement qui auraient dû être versées depuis 15 ans", souligne la Cour des comptes citée dans le rapport.

Et si la SNCF est parvenue à dégager un bénéfice en 2021 après 3 milliards d'euros de pertes un an plus tôt, ce n'est pas grâce à la bonne santé des activités de transports ferroviaires en France. Le rapport souligne les bonnes performances de Keolis et Geodis qui représentent désormais la moitié des revenus de l'opérateur. Sans oublier la cession d'Ermewa pour 1,1 milliard d'euros.

"La dynamique financière des activités périphériques masque la faiblesse financière de l’entreprise" raillent les rapporteurs.

Séparer SNCF Réseau de la SNCF

Une faiblesse due à des surcoûts, notamment pour les trains du quotidien. Le rapport pointe notamment les différences flagrantes avec l'Allemagne: les coûts de roulage de ces trains seraient 60% supérieurs à ceux roulant outre-Rhin, estime-t-il.

"Cette situation tend à s’aggraver puisqu’entre 2006 et 2018, les contributions des régions aux TER ont augmenté de 92% en France tandis qu’elles ont baissé de 34% en Allemagne", ajoute-t-on.

Autre faiblesse épinglée: le modèle de financement de SNCF Réseau, la filiale en charge du réseau, basé sur le paiement de péages par SNCF Voyageurs (qui exploite les trains) et par les actuels et futurs concurrents de la SNCF. Le rapport dénonce l'augmentation programmée du coût de ces péages qui vont devenir "insoutenables" et le modèle en lui même.

"Ce modèle de financement, qui fait dépendre la situation et les perspectives financières de SNCF Réseau ainsi que le renouvellement des infrastructures ferroviaires des bénéfices de SNCF Voyageurs et du TGV, n’est ni sain, ni viable et les conséquences de long terme de la crise sur la profitabilité de la grande vitesse pourraient en affecter l’équilibre" peut-on lire. La solution préconisée est de séparer de manière définitive SNCF Réseau de la SNCF à l'image de EDF et RTE.

Pour le rapport, cette situation freine les capacités d'investissements sur le réseau qui selon les sénateurs stagnent depuis 2016. Dans ses derniers résultats annuels, la SNCF souligne au contraire le maintien de ses investissements (10,3 milliards d'euros) principalement orientés vers la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire national, surtout celui du quotidien.

Réduire les effectifs

Enfin, les deux sénateurs estiment que la SNCF est plombée par l'importance de ses effectifs appellant à "des mesures courageuses", soit "une forte contraction" de la masse salariale de plus de 2% par an. De quoi générer 1 milliard d'euros d'économies d'ici 2026 selon eux.

Exemple avec le personnel à bord: "en France, trois fois plus d’agents sont nécessaires pour faire circuler un train qu’ailleurs en Europe". Le coût moyen du transport est ainsi estimé à 22 centimes par passager et par kilomètre sur les trains des réseaux TER, Transilien et Intercités, quand il est de 19 centimes en Allemagne et 14 centimes en Italie.

Ces réductions d'effectifs doivent se faire dans les ateliers de maintenance où le nombre de salariés est "surdimensionné", à travers la modernisation du réseau et notamment l'automatisation généralisée des aiguillages (ce qui est loin d'être le cas pointe le rapport) et sur une plus grande polyvalence des agents, polyvalence qui selon les auteurs n'existe pas, ce qui contribue au maintien d'un système "archaïque et à bout de souffle", se désole Hervé Maurey...

Le rapport aborde également la politique tarifaire des TGV basé sur le "yield management" (tarifs qui évoluent en fonction du remplisage et donc de la demande). "Il faut un prix au siège fixe, clair et lisible pour remplir les trains. Et des prix plus bas pour le faire préférer à ses concurrents que sont la voiture et le covoiturage", préconise Stéphane Sautarel, cité par Le Parisien. La SNCF met en avant de son côté sa nouvelle approche commerciale avec des prix désormais plafonnés.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business