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Concurrence dans le TGV: Trenitalia dans le rouge en France (et ça ne risque pas de s'arranger)

Le premier adversaire de la SNCF sur la grande vitesse afficherait une perte de plus de 34 millions d'euros pour sa première année complète d'exploitation. Et son avenir s'avère compliqué.

C'est le symbole de l'ouverture à la concurrence dans le ferroviaire en France. Fin 2021, Trenitalia lançait ses Flèches rouges à l'assaut de la SNCF sur le très juteux marché de la grande vitesse entre Paris et Lyon, poussant jusqu'à Milan en Italie.

La compagnie ferroviaire, filiale de l'opérateur historique italien, s'est très vite distinguée avec le confort proposé dans ses trains à grande vitesse et se félicitait en décembre dernier d'avoir transporté deux millions de passagers depuis son lancement. De quoi faire grossier le gâteau du train et faire baisser les prix globalement.

Roberto Rinaudo, président de Trenitalia France - 23/10
Roberto Rinaudo, président de Trenitalia France - 23/10
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Pour autant, financièrement, le compte n'y est pas. Selon l'Informé, Trenitalia France a enregistré une perte de 34,5 millions d’euros pour sa première année d'exploitation complète en 2022, pour un chiffre d'affaires de 37 millions.

Contactée par BFM Business, Trenitalia "ne confirme pas" ces chiffres et ne souhaite pas communiquer sur ses "élements financiers".

Néanmoins, l'opérateur "tient à préciser qu'attendre et atteindre la rentabilité dès la première année d'exploitation n'est pas la priorité lorsqu'on entre sur un marché, et d'autant plus en tant que premier acteur alternatif, ce qui est semble assez logique et attendu". Et de se dire "en phase avec ses plans (à l’exception de la Maurienne), en termes de trafic, de revenu… et au delà concernant la satisfaction client".

Rouleau-compresseur du TGV sur Paris-Lyon

Évidemment, la compagnie a attaqué le marché avec une politique de prix agressive et uil faut se faire connaître avec de la publicité afin de se faire une (petite) place mais cela ne suffit pas à expliquer un tel déficit.

D'abord, Trenitalia a du mal à faire le poids face au rouleau-compresseur TGV sur l'axe Paris-Lyon, le plus emprunté d'Europe, avec seulement cinq allers-retours par jour contre plus de 20 pour la SNCF.

Par ailleurs, le taux de remplissage des trains (autour des 60%) n'est pas à la hauteur des attentes. La clientèle affaires, cruciale pour le modèle économique de Trenitalia avec ses trois classes à bord, n'est également pas encore totalement au rendez-vous.

Un éboulement qui fait mal à Trenitalia

Une situation compliquée qui n'a pas vraiment vocation à s'arranger. Son développement en France est aujourd'hui bridé par l'important éboulement en vallée de la Maurienne qui a eu lieu en août dernier et qui l'empêche désormais de rejoindre Milan depuis Paris. La reprise des liaisons ferroviaires directes n'est pas prévue avant cet été.

"Ce qu'on a calculé jusqu'en juillet 2024, ce sont 500.000 clients qui ne pourront pas prendre un train. Nous n'avons pas les chiffres de la quantité de clients concernés par des annulations. Mais c'est considérable" confirmait en octobre dernier Roberto Rinaudo, l'ancien patron de la filiale française.

Une situation d'autant plus dommageable que le taux de remplissage des trains vers Milan était de 85%.

Des péages toujours plus chers

Autre épine dans le pied: l'augmentation des coûts du péage payé à SNCF Réseau, filiale à 100% de la SNCF, pour avoir le droit de rouler sur la ligne à grande vitesse. Ils font partie des plus chers d'Europe, notamment sur Paris-Lyon.

Si Trenitalia a obtenu un rabais, ce qu'on appelle un "tarif différencié" pour deux années (et négocie actuellement afin de le prolonger encore un an), à partir de la quatrième année d'exploitation, Trenitalia devra payer le prix fort. Un prix fort qui va lui-même augmenter de 8% cette année. De quoi considérablement peser sur sa rentabilité.

D'ailleurs, l'entreprise appelle régulièrement la France à baisser ces frais d'accès pour stimuler la concurrence.

L'espagnol Renfe en embuscade

Pour l'opérateur, les solutions ne sont pas multiples. Il peut renforcer son offre sur Paris-Lyon (d'autant plus qu'une modernisation de la signalisation permettra à court terme d'y faire passer plus de trains) et/ou diversifier son offre vers d'autres villes.

Trenitalia a ainsi évoqué plancher sur des liaisons régionales en participant aux appels d'offre d'ouverture à la concurrence dans les TER, qui entreraient en synergie avec son offre à grande vitesse.

Une ligne Paris-Madrid est également en réflexion mais il faudra composer avec le second concurrent de la SNCF, l'espagnol Renfe qui s'est lancé en juillet 2023 sur Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid et qui ne cache pas ses ambitions.

"L'objectif est de faire des connexions entre Paris et Barcelone et Paris et Lyon. On pense aussi à la ligne Paris-Lyon-Marseille", a déclaré Susana Lozano, directrice projet international de Renfe France. De quoi venir concurrencer frontalement Trenitalia…

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business