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Le gouvernement et Dassault se penchent sur Atos

Le ministère de l’Economie est en train de recruter une banque conseil pour orchestrer la reprise des activités souveraines du groupe informatique. Dassault Aviation a commencé à étudier le dossier.

Il n’y a désormais plus le choix, l’Etat prend en main l’avenir d’Atos. Mardi 9 avril, le groupe de services informatiques dévoilera le plan de restructuration de sa dette de 4,65 milliards d’euros. En parallèle, le gouvernement s’est engagé mi-mars à "accompagner" le groupe et à "construire une solution nationale" autour des activités stratégiques de cybersécurité et des supercalculateurs d’Atos.

Le ministère de l’Economie va s’impliquer fortement dans le dossier. Selon plusieurs sources, l’Agence des participations de l’Etat (APE) est en train de recruter une banque d’affaires pour orchestrer cette opération. "Bercy veut se faire une idée claire de ces activités, explique un bon connaisseur du dossier. Rien n’est exclu, pas même que l’Etat investisse au bout du compte".

Le patron de BPI France, Nicolas Dufourcq, avait déclaré sur BFM Business fin mars qu’il était prêt à investir en tant qu’actionnaire minoritaire aux côtés d’un industriel. Jeudi dernier, Bruno Le Maire a déclaré au Sénat que l’Etat ne prend "de participation que lorsqu’il n’y a aucune alternative et que l’intérêt stratégique est en jeu", envoyant un signal clair sur Atos.

En attendant, le ministère pilote le dossier en "étroite collaboration" avec la direction générale de l’Armement, explique une source au fait de ces discussions. Car Atos dispose de plusieurs contrats avec le ministère des Armées sur la dissuasion nucléaire ou le contrôle commandes des centrales d’EDF. Ces métiers stratégiques sont regroupés au sein de sa division "Big data et Sécurité" (BDS), valorisée autour de 1,5 milliard d’euros. Contacté, le ministère de l’Economie n’a pas souhaité commenter.

Dassault Aviation entre en piste

Le gouvernement pousse le seul industriel à être encore dans le jeu: l’empire Dassault. Depuis l’abandon d’Airbus, il est le seul à être à la fois intéressé par cette division clé d’Atos et proche de l’Etat, son premier client. Les entreprises du groupe familial ne sont pourtant pas toutes alignées. L’éditeur de logiciel 3D Dassault Systèmes n’est pas intéressé et Thales traîne des pieds.

Mais selon nos informations, Dassault Aviation étudie le dossier. Les supercalculateurs et la cybersécurité d’Atos entrent déjà dans la conception du Rafale. "C’est un sujet sensible, politique et stratégique à tous les niveaux qui dure depuis plusieurs mois, reconnaît une source proche du groupe. Personne ne veut vraiment investir mais tout le monde fera un effort pour que BDS reste français".

Contactée, la direction de Dassault Aviation n’a pas souhaité commenter. Sauf que cette division d’Atos, d’un peu plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, contient trois métiers et Dassault Aviation ne semble pas prêt à tout reprendre. "Il y a une multitude d’activités, parfois très petites, note un bon connaisseur. Le groupe regarde quel périmètre il pourrait racheter".

Thales traîne des pieds

Selon plusieurs sources, il regarde les très stratégiques supercalculateurs. Mais le groupe se heurte à leur modèle économique, très dépendant de contrats publics qui perdent de l’argent. Dassault Aviation réfléchit aux moyens de les rentabiliser, la même problématique à laquelle s’est confronté Airbus lorsqu’il a étudié le dossier en début d’année. Il pourrait aussi s’intéresser à une autre petite activité d’Atos dédiée au Rafale: "Mission critical system" (MCS) qui fournit de la connectivité pour le combat aérien.

Reste ensuite à savoir si Dassault Aviation poussera Thales à reprendre la cybersécurité d’Atos, l’autre grande activité logée dans "BDS". "La donne a changé car nous avons racheté l’américain Imperva pour 3,6 milliards d’euros en décembre dernier", explique un porte-parole de Thales. "Ce n’est pas notre stratégie mais le conseil d’administration est souverain" avait déclaré son PDG, Patrice Caine sur BFM Business, fin mars. Une prudence de mise alors que ses deux grands actionnaires sont Dassault Aviation (24,6%) et l’Etat (25,7%), tous deux décidés à intervenir sur le sauvetage des activités souveraines d’Atos.

Une solution à plusieurs?

L’État aura pourtant du mal à forcer Dassault alors que le patron du groupe, Charles Edelstenne a toujours été réticent à se mêler du dossier Atos, comme il l’avait dit à Bruno Le Maire l’an passé, au salon du Bourget. L’ancien bras droit de Serge Dassault quittera pourtant ses fonctions en janvier prochain et sera remplacé par Eric Trappier, l’actuel patron de Dassault Aviation, réputé plus diplomate.

Ces derniers jours, un autre scénario circulait. Celui d’une "solution de place" autour de BDS, soutenue par l’Etat, faisant référence à la "solution nationale" mise en avant par le ministère de l’Economie mi-mars. "Plusieurs industriels du secteur de la défense comme Dassault Aviation, Thales et Airbus investiraient ensemble, avec des grands utilisateurs des supercalculateurs", esquisse un bon connaisseur du dossier, comme OVH dont le nom est par exemple régulièrement cité ou Devoteam qui avait manifesté son intérêt sur BFM Business. Un vieux serpent de mer auquel pas grand monde ne croit pour le moment.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business