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L’État réfléchit à investir dans les activités sensibles d’Atos

Bercy étudie une prise de participation minoritaire dans la division BDS. Atos plaide pour un statu quo alors que les candidats à sa reprise dévoileront leurs offres d’ici la fin de la semaine.

Elles ne pèsent pas grand-chose dans la restructuration d’Atos et pourtant tout le monde en parle. Les activités dites "sensibles" du groupe de services informatiques sont au cœur du casse-tête du gouvernement qui a promis de les protéger. Elles regroupent la cybersécurité et les supercalculateurs pour le ministère des Armées et certaines sont habilitées "secret défense". Selon plusieurs sources, elles réalisent environ 500 millions d’euros de chiffres d’affaires, dont environ la moitié directement liée à des contrats avec l’État.

Le ministère de l’Économie va se doter d’une action de préférence, lui donnant des droits spécifiques sur la gouvernance, dans Bull, la filiale où ces activités sensibles sont logées. Mais comme une partie des supercalculateurs sont en dehors, l’État étudie la possibilité d’intervenir, en plus, dans la structure qui chapeaute Bull. La fameuse division "BDS" (big data & sécurité) qu’Atos a failli vendre à Airbus pour 1,8 milliard d’euros.

"Bercy réfléchit aussi à entrer comme actionnaire minoritaire chez BDS", explique une source proche du dossier.

Le ministre de l’Économie a promis de "construire une solution nationale de protection des activités stratégiques". Contacté, son cabinet n’a pas souhaité commenter. Son administration aux manettes, l’Agence des participations de l’État (APE), n’y semble pourtant pas favorable. "L’État ne veut pas racheter BDS!, tranche une source. Il a déjà négocié une option pour racheter Bull au cas où…"

La DGSE, les missiles et les Rafale

Ensuite, Atos n’est pas favorable à ce que l’État entre au capital de BDS, qui réalise 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires pour seulement 2,5% de marge en 2023. Le groupe est en pleine restructuration et va accueillir de nouveaux repreneurs. "Quel que soit l’actionnariat, l’État pourra agir", a tenté de rassurer le président d’Atos lors d’une audition au Sénat il y a deux semaines.

Le groupe milite pour attendre la fin de la négociation avec ses créanciers. Et pose déjà ses conditions financières: "il faut que ce soit fait dans des conditions de valorisation cohérentes", avait ajouté Jean-Pierre Mustier devant les sénateurs. Autrement dit, il en coûterait 180 millions d’euros à l’État pour 10% de BDS, valorisé à 1,8 milliard d’euros.

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Comme l’a révélé BFM Business, le ministère de l’Économie étudie aussi un adossement de ces activités sensibles à un industriel français dont il est proche. Dassault Aviation se penche sur le dossier, notamment pour une petite société d’Atos, Mission Critical Systems, logée elle aussi chez Bull. Car "MCS" s’occupe de la communication entre les Rafale, construit par Dassault Aviation.

Thales s'est déjà intéressé à MCS

Mais pas seulement. Selon nos informations, elle héberge une activité dédiée aux écoutes de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ainsi que des contrats de simulation de missiles pour la direction générale de l’Armement. Contacté, le ministère des Armées n'a pas commenté.

MCS fournit également des "logiciels d'information et de commandements pour la défense et la sécurité intérieure, explique Atos dans son rapport annuel. Le logiciel Digital Battle Management System a été retenu par l’Armée française comme base du système de gestion de combat unifié de la France au sein du programme Scorpion".

C’est pour cela que l’État encourage Thales à s’y intéresser, alors qu’il est son premier actionnaire avec 26% du capital. Selon nos informations, le géant de la défense et de la sécurité a d’ailleurs approché Atos en début d’année pour lui racheter MCS mais le groupe a refusé. Contacté, Thales n’a pas commenté.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business