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Problème de peinture sur l'A350: Airbus et Qatar Airways s'accusent d'entraves avant le procès

Dans le même temps, l'avionneur européen confirme qu'il a adopté un nouveau composant pour le fuselage de ses appareils

Nouveaux rebondissements dans l'affaire de la peinture de l'Airbus A350. Sur le terrain juridique et technologique.

Pour rappel, en décembre 2022, Qatar Airways annonce attaquer son fournisseur devant la justice britannique après avoir cloué au sol ses appareils, considérant qu'un effritement de peinture sur le fuselage pose des problèmes importants de sécurité.

Elle exige alors 200.000 dollars d'indemnisation par avion et par jour d'immobilisation, soit environ 2,5 milliards de dollars à ce stade. Quelques jours plus tard, en réaction à cette annonce, Airbus annule un contrat distinct pour la livraison de 50 A321neo.

Le procès doit avoir lieu à l'été 2023 pour juger l'affaire dans le fonds. Mais ce jeudi, Airbus et Qatar Airways ont tous deux dénoncé devant la justice britannique des entraves mises par leur adversaire dans la préparation du procès.

Dans un mémoire remis à la Haute cour de Londres à l'occasion d'une nouvelle audience préliminaire et que l'AFP a consulté, Airbus déclare se heurter "à de longs retards, suivis de réponses peu utiles, obstructives et évasives" de la compagnie aux demandes de documents qu'il lui adresse pour préparer le procès.

Les divulgations de documents de la part de Qatar Airways, demandées en justice par Airbus, sont "déficientes de façon inacceptable" et présentent des "lacunes évidentes", selon l'avionneur.

Airbus estime ainsi n'avoir reçu que 11% d'environ 900 bulletins de maintenance d'A350 jugés nécessaires et demandés par ses experts. Il s'étonne également de n'avoir reçu aucun document ou correspondance adressés au PDG de la compagnie Akbar Al Baker, ou émanant de lui, en lien avec les problèmes de l'A350.

A moins que Qatar Airways "n'adopte une approche coopérative, les parties ne seront pas en mesure de remplir les étapes requises avant le procès", s'inquiète l'avionneur.

La compagnie qatarienne juge elle dans son mémoire que le calendrier est "serré mais tenable" et se dit prête à répondre à des "demandes ciblées". Or selon elle, la stratégie d'Airbus est de faire des "demandes de divulgation (de documents) toujours plus importantes", parfois avec un très faible préavis, alors que l'avionneur dans le même temps n'a "pas fourni d'informations" en réponse à des demandes de la compagnie.

Nouvelle feuille de cuivre

Qatar Airways dénonce également le comportement d'un expert d'Airbus qu'elle accuse d'avoir tenté de prélever des échantillons de peinture d'un avion sans que cela ait été prévu. Elle met aussi en avant la "réponse totalement inadéquate" d'Airbus à ses questions sur les réparations qu'elle a apportées aux A350 d'autres compagnies qui ont rencontré le même problème.

L'avionneur a en tout cas confirmé à Reuters qu'il utilise depuis la fin de l'année dernière un nouveau type de feuille de cuivre perforée (PCF) dans le fuselage de ces appareils long-courrier.

Cette feuille vient se placer entre la peinture et le fuselage de carbone pour garantir la solidité du fuselage en cas de foudre. "Le PCF est utilisé sur les pièces de la partie arrière des avions livrés à partir de fin 2022", a déclaré un porte-parole d'Airbus.

Si Airbus concède que cette modification de matériel utilisé devrait permettre de résoudre le problème d'effritement de la peinture du fuselage, il considère toujours que son ancienne approche technique ne pose pas de problème de sécurité.

L'AESA soutient la position d'Airbus

Rappelons que tout commence en juin 2020 lorsque Qatar Airways annonce l'immobilisation de 23 A350 de sa flotte exigée par le régulateur du pays. Elle dit avoir constaté "des fissures, dont certaines graves, en particulier autour des fenêtres, une exposition de la protection contre la foudre et des dommages à la protection contre la foudre".

Qatar Airways soutenait alors que ce problème pouvait entrainer un incendie des réservoirs de carburant. Conclusion, la sécurité des vols est compromise

Très vite, l'avionneur confirme cette usure pouvant exposer un filet métallique intégré au fuselage en matériaux composites mais souligne qu'il s'agit d'un problème "cosmétique".

Une explication confirmée en juin dernier par l'AESA, le principal régulateur européen de l'aviation qui a déclaré n'avoir trouvé aucune preuve que la peinture ou l'érosion de surface sur les appareils représentait un problème de sécurité.

"Nous avons inspecté l'avion. Nous n'avons vu aucun dommage qui pourrait impliquer des problèmes de sécurité", a déclaré Patrick Ky, directeur exécutif de l'Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA).

Olivier Chicheportiche avec AFP