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Inflation: accusé par le gouvernement de ne "pas jouer le jeu", le patron d’Unilever se défend

Epinglés par le gouvernement aux côtés de Nestlé et Pepsico, l'industriel Unilever -qui détient notamment les marques Amora, Dove, Sun, Magnum et Carte d’or- s'est défendu.

Unilever riposte. Alors que l'industriel fait partie des groupes accusés par le gouvernement de ne pas "jouer le jeu" pour engager des baisses de prix, le patron de sa filiale française, a décidé de se défendre pour la première fois, ce mercredi, dans les colonnes du Figaro.

"Si le gouvernement estime que nos prix n’ont pas baissé en rayon dans les tout derniers mois, il a raison", a admis Nicolas Liabeuf. En revanche, il dément catégoriquement ne pas avoir été affecté par l'inflation, ou pire encore, en avoir profité.

"S’il considère que nous avons augmenté nos marges depuis deux ans ou que nous n’avons pas pris notre part pour amortir le choc inflationniste, il a objectivement tort", a-t-il lancé.

Il a même affirmé avoir "consenti des efforts considérables". "J'ai obtenu du siège mondial d’Unilever les moyens de faire un effort pour aider les consommateurs français à passer ce cap de l’inflation", a-t-il garanti au quotidien. Il a tout de même évoqué la nécessité de trouver "un équilibre entre la satisfaction des consommateurs, la préservation des volumes produits dans nos trois usines françaises (...) et un niveau de prix nous permettant de préserver les équilibres financiers de notre filiale".

Un besoin de visibilité sur les coûts pour négocier les prix

Pour preuve, selon lui, Unilever France a "absorbé" plus de 130 millions d'euros de surcoûts sur les 250 millions d'euros que la filiale a subi en raison de l'inflation. Il assure ainsi une baisse de sa marge sur 2022 et au premier trimestre 2023. À contre-courant avec les consignes du gouvernement, le président d'Unilever France a expliqué avoir opté pour des promotions plutôt que des baisses de prix, estimant qu'elles étaient plus utiles aux ménages modestes.

Quant aux baisses de prix que cherche à provoquer le gouvernement en avançant de trois mois les négociations, le dirigeant n'y croit pas. Non seulement, il sera compliqué de chambouler le calendrier, affirme-t-il, arguant un besoin de "visibilité" sur les coûts comme l'énergie ou les matières premières agricoles. Mais il remet également en cause l'efficacité de ces discussions anticipées.

"Je ne suis pas sûr que l’on voie beaucoup de baisses de prix en rayon à la suite des renégociations à venir", anticipe-t-il.

"Le discrédit sur toute la filière"

Il estime tout d'abord que la hausse des prix, bien que moins forte, se poursuivra un peu en 2024, en raison notamment de la tendance à la hausse persistante sur certains produits comme le sucre, les œufs et le lait. "Il est très compliqué de baisser nos tarifs alors qu’ils n’ont pas assez monté, ni en 2022 ni en 2023", ajoute-t-il.

C'est aussi la méthode employée par le ministre que Nicolas Liabeuf veut dénoncer.

"Le 'name and shame' jette le discrédit sur toute la filière, prévient Nicolas Liabeuf. Cela n’aura qu’un effet: rendre les consommateurs suspicieux et accélérer le mouvement de déconsommation déjà visible dans les rayons", a-t-il déploré.

Une stratégie qui représente, selon lui, un danger "pour tous les acteurs", y compris les distributeurs.

Mis bout à bout, ces éléments créent un climat peu propice à l'investissement. C'est en tout cas le message d'avertissement à peine voilé que l'industriel a voulu envoyer au gouvernement. "Le siège mondial d’Unilever est sensible à l’attractivité des différents marchés où il est présent", a souligné le patron de la filiale tricolore qui cherche à lancer une nouvelle ligne de production dans une des usines implantées France.

"La situation actuelle dans le pays ne m’aide pas", a-t-il prévenu.
Nina Le Clerre