BFM Business
Industries

Fusion Renault-Fiat Chrysler: et si l’État français cédait l’intégralité de ses actions?

L'État perdra la moitié de ses parts dans le cas d'une fusion Fiat-Renault

L'État perdra la moitié de ses parts dans le cas d'une fusion Fiat-Renault - LOIC VENANCE, MARCO BERTORELLO / AFP

Dans le cas d'une fusion entre Renault et Fiat Chrysler, l'État perdrait la moitié de ses parts dans le groupe automobile ainsi que ses droits de vote doubles. De quoi s'interroger sur son maintien dans le capital.

L’annonce a provoqué un véritable coup de tonnerre dans le monde de l’automobile. Lundi, le constructeur italo-américain Fiat Chrysler (FCA) a présenté un projet de fusion avec son homologue français Renault. Un mariage qui permettrait de donner naissance au troisième groupe mondial du secteur avec des ventes annuelles de 8,7 millions de véhicules.

FCA a proposé un rapprochement à 50/50. Autrement dit, les actionnaires du constructeur italo-américain et ceux de Renault détiendraient chacun la moitié du nouveau groupe.

L’État français, premier actionnaire de Renault avec 15,01% des parts, s’est dit "favorable" à ce projet de fusion. Il a néanmoins posé ses conditions et entend bien obtenir des garanties. Bruno Le Maire exige à ce titre que les emplois et les sites industriels français soient préservés et que l’opération se fasse dans le cadre de l’alliance Renault-Nissan, ce qui donnerait naissance au premier groupe automobile mondial avec 15 millions de véhicules. Il souhaite également que les intérêts français soient bien représentés dans la gouvernance et que ce géant de l’automobile prenne part au projet lancé avec l’Allemagne de création d’une filière européenne de batteries.

Parts divisées par 2 et perte de la minorité de blocage

Mais l’État aurait-il vraiment intérêt à maintenir sa présence dans le groupe Renault si ce rapprochement venait à se concrétiser? La question peut légitimement se poser. D’abord parce que l’État verrait son influence se réduire puisque ses parts seraient mécaniquement divisées par deux, à 7,5%, dans le cadre d’une fusion à parité.

Ensuite, parce qu’il perdrait ses droits de vote doubles qui lui confèrent actuellement un rôle décisionnaire de première importance dans le groupe Renault. FCA a en effet indiqué qu’il "n’y aurait pas de report des droits de vote double existants", rapportent Les Échos. Dans le même temps, l’État actionnaire perdrait donc sa minorité de blocage qui, comme son nom l’indique, lui permet de bloquer une décision d’assemblée générale.

Dans ces conditions, la CGT a fait part de ses préoccupations. Le syndicat qui redoute que la fusion ne s’accompagne de suppressions d’emplois, souhaite voir l’État conserver "une minorité de blocage permettant de faire prévaloir les intérêts français".

Le gouvernement italien a pour sa part annoncé qu’il pourrait demander une symétrie dans les participations publiques, la présence de l’État français au capital de Renault étant une "anomalie", selon Claudio Borghi, député de la Ligue du vice-président du Conseil Matteo Salvini. Cette prise de participation permettrait éventuellement de mettre en place une minorité de blocage franco-italienne dans le groupe futur. Reste que l’État français devra s’accorder avec l’État italien pour que cela fonctionne. Ce qui semble loin d'être évident.

2,5 milliards d'euros à récupérer 

On pourrait également penser que l’opportunité de céder ses parts arrive à point nommé pour l’État qui se trouve actuellement dans une situation délicate alors que l’alliance Renault-Nissan est fragilisée après avoir été secouée par l’affaire Carlos Ghosn.

Aussi Bruno Le Maire a-t-il fait part à plusieurs reprises de la volonté du gouvernement de se désengager des entreprises purement commerciales pour se concentrer sur les activités stratégiques et ses fonctions régaliennes. C’était en tout cas l’argument invoqué pour justifier la privatisation d’ADP. Ajouté à cela, le gain de 2,5 milliards d’euros que la vente des parts de l’État dans Renault lui rapporterait au cours actuel. Pas négligeable.

"L'État serait légitime à rester"

Bien que l’État français risque de perdre une partie de son pouvoir décisionnaire au sein du futur groupe Renault-Fiat, l’hypothèse d’une cession totale de ses parts ne semble pas à l’ordre du jour dans les rangs de la majorité. Pour l'heure, l'État ne veut pas intervenir dans les discussions menées entre les deux groupes. Il compte avoir son mot à dire en tant qu'actionnaire à l'issue de ces négociations, notamment sur les questions liées à l'emploi. 

Bruno Bonnell, député LaREM et vice-président de la commission spéciale pour la loi Pacte estime ainsi que le projet "a le mérite d’être ambitieux et européen" mais dit "rester prudent". S’il reconnaît qu’"il n’y a pas de tabou sur le principe général des participations de l’État", il assure que la question d'une éventuelle vente des titres Renault "ne se pose pas" pour le moment. D’autant que, selon lui, "l’État serait légitime à rester" pour des raisons stratégiques dans ce futur géant de l’automobile qui serait "encore plus stable". Car "il y a des technologies de pointe dans l’industrie automobile", conclut-il. 

Paul Louis