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Comment le drone de combat turc Bayraktar est devenu un symbole de la résistance ukrainienne

La guerre en Ukraine a fait du drone turc Bayraktar TB2 un symbole de la résistance contre l'armée russe et un succès pour l'industrie turque de l'armement.

La guerre en Ukraine a créé un héros inattendu. Les militaires lui ont même dédié un chant devenu un tube parmi toute la population, les militaires et les civils. Il ne s'agit ni du fantôme de Kiev, cet aviateur de légende, ni de Wali, le "meilleur sniper du monde", mais d'un drone, un drone turc. Son nom, Bayraktar TB2. Ce ni le plus perfectionné, ni le plus élégant, mais il est efficace et d'un rapport "qualité prix" imbattable.

L'engin est fabriqué Baykar Makina, une entreprise dirigée par Selçuk Bayraktar, diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et gendre du président Recep Tayyip Erdoğan.

Il offre une autonomie de plus de 20 heures, se déplace à 250 km/h, vole à une altitude de 6800 mètres et couvre un rayon d'action de 150 km2. Il peut transporter 4 missiles à guidage laser. Son prix "catalogue" serait de l'ordre de 4 millions de dollars, mais il serait vendu deux fois moins. Selon Fortune, l'Ukraine ne le paierait qu'un million de dollars.

Un chanson devenue virale

Sur les réseaux sociaux, les forces ukrainiennes diffusent des vidéos montrant comment un seul drone peut immobiliser une colonne de blindés russes en envoyant un missile sur le char de tête et un autre sur celui qui ferme la marche. En deux tirs, tout un régiment se trouve immobilisé et exposé à terrain découvert. Et cela, sans perdre un seul combattant, ce qui explique qu'il soit devenu l'emblème de la résistance contre l'invasion russe.

En plus de cette chanson devenue virale parmi la population, le maire de la capitale, Vitaly Klitschko, a donné le nom de Bayraktar à un lémurien né dans le zoo de Kiev. Cette opération de communication vise évidemment la Russie pour qui ce drone bon marché devient le cauchemar de son armée.

L'Ukraine disposerait à ce jour de 34 Bayraktar TB2 dont 16 ont été livrés dès le début des hostilités. Kiev serait à ce jour le premier client export de Baykar Makina, mais déjà, de nombreux pays disent s'intéresser à ce drone radiocommandé que les experts jugent encore trop lourd, trop lent, ne volant pas assez haut et low cost.

Un succès commercial pour la Turquie

Toutefois, ce symbole de la défense ukrainienne devient peu à peu celui de l'industrie turque de l'armement. Selon Le Monde, le Bayraktar TB2 se vendent désormais comme des "petits pains". Après le Qatar, l'Éthiopie et le Maroc, des commandes ont été passés par l’Azerbaïdjan, l’Ukraine et la Pologne. La Lettonie est en cours de discussion. En 2020, même le Royaume Uni envisageait d'en acheter avant de signer pour les drones SkyGuardian de l'américain General Atomics.

Ce succès a même conduit 27 membres du Congrès américain a suspendre la vente de composants à la société turque dont les drones "déstabilisent le monde et menacent les intérêts américains".

En France, le message lancé par le Bayraktar fait son chemin. Dans une tribune publiée dans Atlantico, le député Fabien Gouttefarde (LREM) et Thierry Berthier, expert en intelligence artificielle, appellent à s'inspirer du modèle turc.

"Des cycles courts de R&D et d’innovation nous permettraient de développer ce qui nous manque. Tel un drone d’attaque de type Bayraktar TB2 à cout unitaire réduit (idéalement moins de cinq millions d’euros l’unité) et au développement de moins de 24 mois", estiment les deux signataires.

Ce message semble être une réponse aux industriels et aux politiques européens. Le projet Eurodrone, le drone MALE (Medium Altitude Long Endurance), avance lentement et n'équipera les armées française, allemande, espagnole et italienne qu'en 2029. La France avait pourtant dans ses cartons le nEUROn, un modèle conçu par Dassault, qui a atteint le stade du démonstrateur sans aller plus loin. Nous avons demandé à Dassault si le projet nEUROn pourrait être relancé. La question est restée sans réponse.

En attendant, l'industrie turque prend de l'avance. Sur son site, Baykar annonce la version TB3 de son drone et l'entrée en production d'un avion de chasse sans pilote.

Pascal Samama