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Hausse des salaires: la branche des hôtels, cafés et restaurants joue les bons élèves

Après plusieurs années sans renégociation de sa grille salariale, la branche de l'hôtellerie-restauration a acté deux revalorisations successives en 2022 et en 2023. Des accords qui interviennent dans un contexte d'inflation et de pénurie de main d'œuvre.

C'est un des chantiers principaux de la conférence sociale qui s'ouvre ce lundi: la revalorisation des grilles de salaires au sein des branches par rapport au Smic. Et si certaines font figure de mauvais élèves en la matière, d'autres ont joué le jeu, ces derniers mois, comme le secteur des hôtels-cafés-restaurants.

Au sein de cette branche, -qui ne comprend pas la restauration rapide-, l'exercice du dialogue social a été efficace comme en témoignent les deux accords conclus en 2022 et 2023. Le premier a instauré une hausse de 16,4% en moyenne des niveaux de salaires définis par la grille de la branche, entrée en vigueur en avril 2022. Quant au second, il acte une revalorisation moyenne de la grille de 5,2%, effective depuis le 1er octobre dernier.

"Le cumulé des deux accords représente une hausse entre 12 et 37% selon les niveaux de la grille", salue Emmanuel Achard, le président de la commission sociale du syndicat patronal, Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR).

"On a souhaité cette année privilégier surtout les niveaux 1 et 2 de la grille" précise Éric Abihssira, vice-président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih). "En avril 2022, les niveaux 4 et 5 avaient plutôt été revalorisés".

4,6% de hausse de l'indice du salaire de base

Toutefois, cela ne signifie pas que les salariés ont bénéficié de hausses de cette envergure sur leurs bulletins de paie. Selon la Dares, l'indice du salaire mensuel de base (SMB) du secteur a gagné 4,6% entre mars 2022 et mars 2023, bien loin des 16% de hausses moyennes de la grille de salaires entrés en vigueur au printemps 2022.

Pour rappel, le montant du SMB "correspond généralement à celui de la première ligne du bulletin de paye d'un salarié", précise la Dares sur son site. Autrement, il correspond au salaire brut avant déduction des cotisations sociales et versement des prestations sociales, sans les primes et les heures supplémentaires.

L'Umih, le syndicat numéro un des patrons de l'hôtels et restaurants, évalue également les hausses effectives moyennes à environ 4%, selon son vice-président Éric Abihssira.

Mais une partie de cette augmentation n'a eu seulement pour effet de rattraper le Smic. Car, comme près de la moitié des branches professionnelles en France, celle de l'hôtellerie-restauration avait un bas de grille de salaires inférieurs au salaire minimum, dont 42% des salariés du secteur bénéficient. Même si les salariés sont toujours payés au moins au Smic (c'est une obligation légale), ce phénomène entraîne un écrasement des salaires en bas de grille et un blocage dans l'évolution des rémunérations.

Un "rattrapage" du Smic nécessaire

"C'est pourtant l’une des rares professions où on a un ascenseur social avec des directeurs d’hôtel qui ont commencé en bas de l’échelle ou des commis de cuisine qui finissent chef", rappelle Eric Abihssira.

Toutefois, avec les revalorisations du Smic plus fréquentes qui ont eu lieu ces derniers mois en raison de l'inflation, les bas de grilles sont encore plus susceptibles de se faire rattraper par le Smic. Le bas de la grille de l'hôtellerie-restauration était d'ailleurs repassé sous le salaire minimum entre les deux accords conclus respectivement en 2022 et en 2023. Une situation à laquelle le nouvel accord a permis de remédier puisque l'échelon numéro un de la grille se situe à 11,72 euros de taux horaire minimum brut (contre 11,52 euros pour le Smic actuellement).

En même temps qu'elle a légitimé une hausse de salaires pour les employés de restaurants, l'inflation a aussi mis à mal les trésoreries de nombreux restaurants affectés à la fois par la hausse du prix de certaines matières premières et des coûts de l'énergie. D'autant que la hausse des charges et des salaires n'a pu être répercutée qu'en partie sur le prix des menus.

Les Experts : Conférence sociale, faut-il monter les salaires ? - 13/10
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Des recrutements plus difficiles pour les gérants

Malgré cela, certains établissements n'ont pas attendu ces accords de branche pour augmenter les salaires de leur personnel. C'est le cas de l'établissement des Grands Buffets à Narbonne dont les choix de la direction en matière de politique salariale ont été relayés par Ouest France.

"On paie de toute façon au-delà des niveaux sociaux compte tenu de la nécessité de fidéliser nos équipes et de recruter", estime aussi Eric Abihsirra.

Les chefs de restaurants sont en effet confrontés depuis la crise sanitaire à une pénurie de main d'oeuvre qui les oblige à se montrer plus accommodants et plus attractifs. Un contexte qui donne de facto aux revendications salariales davantage de poids, alors que la grille de la branche n'avait pas été revalorisée depuis 2018.

Si la CFDT, signataire du dernier accord avec FO, salue cette étape clé de la revalorisation des grilles de salaires, le syndicat n'entend pas s'arrêter là.

"La CFDT attend aussi avec impatience la suite des négociations sur l’amélioration des conditions de travail et plus particulièrement sur les coupures et la prise en compte des jours de repos", précise l'organisation dans un communiqué mis à jour début septembre.

"La hausse des salaires est une condition nécessaire pour redonner de l'attractivité à nos métiers mais elle n'est pas suffisante", confirme Emmanuel Achard, également à la tête d'un hôtel en Provence. 'Il faut une réorganisation qui permet à la fois une qualité de vie au travail et une vie personnelle construite".

Nina Le Clerre