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Uranium, cobalt, cuivre… la transition énergétique accélère la guerre mondiale des métaux

"On est en train de passer de l'ère du pétrole à l'ère des métaux", expliquait récemment la patronne du géant minier Eramet. Et déjà les pays, comme les industriels, tentent de garder ou prendre la main sur ces matières premières indispensables à la décarbonation de la planète.

Pour les énergies fossiles, l'étau se resserre. Crise du gaz, prix du carburant, urgence climatique… autant de facteurs qui ont accéléré le calendrier de la transition énergétique. En France, le plan d'investissement de 30 milliards présenté par Emmanuel Macron sera en grande partie redirigé vers cette thématique, tandis que le récent rapport sur l'énergie de RTE a conforté le choix du nucléaire en soutien aux énergies renouvelables.

Le temps presse car le pétrole, s'il continuera d'être massivement utilisé dans les dix prochaines années, va mécaniquement se raréfier, faute de nouveaux investissements. Si l'or noir n'a plus la cote, l'extraction de métaux a, elle, de très beaux jours devant elle.

"On est en train de passer de l'ère du pétrole à l'ère des métaux", résume sur BFM Business Christel Bories, PDG du géant minier français Eramet. "La demande va exploser d'ici 2030. On estime que sur certains métaux comme le cuivre, on va plus extraire sur les 30 prochaines années qu'on a extrait depuis le début de l'humanité."

La Chine accapare les terres rares

Le cuivre mais aussi le cobalt ou le lithium, et une multitude d'éléments que seuls les adeptes du tableau de Mendeleïev connaissent: niobium, gallium, indium… Sans oublier les fameuses terres rares, ce groupe de métaux (pas si rares, en réalité) qui joueront un rôle pivot dans les prochaines années.

Tous ont une utilité, plus ou moins importante, dans la transition énergétique pour les batteries (lithium, nickel, cuivre…), les panneaux photovoltaïques (silicium, gallium, indium…) ou les éoliennes (néodyme, dysprosium…).

Alors que le monde entier a entamé sa conversion écologique à marche forcée, l'approvisionnement e métaux devient crucial, surtout pour l'Europe où la plupart des mines sont désormais fermées. Au contraire, la Chine a su cannibaliser le marché des terres rares: en 2018, elle représentait 88% de la production mondiale, aux prix de dégâts environnementaux inimaginables sur le continent européen.

Les métaux communs se trouvent aussi à l'étranger notamment dans la cordillère des Andes pour le cuivre et le lithium. Le Chili sera ainsi un des pays pivots de ces productions stratégiques. Côté nucléaire, l'uranium français vient du Niger et le thorium, présenté comme le combustible nucléaire du futur, est majoritairement extrait en Chine. L'Europe n'a finalement pas grand-chose à prétendre même si la France exploite du hafnium, utilisé dans ses réacteurs.

L'Europe cherche ses solutions

En réalité, l'Europe risque de faire face aux mêmes problèmes de dépendance mondiale constatés lors de la crise sanitaire. L'année dernière, la Commission a entériné la création d'une Alliance européenne des matières premières, censée "connecter les acteurs industriels, les États membres et la société civile" pour renforcer l'autonomie stratégique de l'UE.

Mais les marges de manœuvre sont limitées. Le principal levier est le recyclage et l'amélioration des technologies pour réduire la quantité de métaux utilisées. Surtout, l'Europe compte sur ses entreprises pour sécuriser cet approvisionnement. "Nous avons des projets de recentrage vers les métaux de la transition énergétique" confirme Christel Bories. "Les projets que nous avons en cours de développement pourraient représenter entre 15 et 25% des besoins de l'Europe à l'horizon 2025 – 2030."

Reste encore l'option de nouvelles mines en Europe. Un sujet hautement controversé même si l'Union européenne disposerait de quelques réserves intéressantes notamment au Groenland (pays constitutif du royaume de Danemark) qui dispose de terres rares ou en Nouvelle-Calédonie (collectivité française) très riche en nickel.

Mines vertueuse?

De là à relancer massivement l'extraction? En 2019, le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) avait rendu un avis favorable sur ce sujet pour "lever le tabou" en France. Sans véritable espoir, tant l'image de la filière est associée aux dégâts environnementaux.

La filière assure pourtant être en mesure de proposer des mines ecolo-compatibles. "Si on commence à extraire ces métaux en émettant beaucoup de CO2, en ne faisant attention ni à l'environnement, ni à la biodiversité ni au bien-être des communautés, on n'aura pas répondu à la promesse écologique de cette transition" reconnait Christel Bories. La PDG d'Eramet souligne néanmoins qu'une mine "vertueuse" coûtera plus chère, d'où l'intérêt pour l'UE de mettre place des réglementations strictes à l'entrée de son marché avec une traçabilité des métaux importés.

Quelques grands producteurs de métaux dans le monde en 2020

République démocratique du Congo : 68% de la production mondiale de Cobalt
Chili: 29% de la production mondiale de cuivre et 22% de la production mondiale de lithium
Pérou: 11% de la production mondiale de cuivre
Australie: 49% de la production mondiale de lithium

Thomas Leroy Journaliste BFM Business