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Défense

Ce que l'on sait du Shahed-136, ce drone kamikaze iranien que la Russie déploie en Ukraine

Pour économiser ses couteux missiles, la Russie utilise des Shahed-136, des drones low cost équipé d'un moteur chinois

Pour économiser ses couteux missiles, la Russie utilise des Shahed-136, des drones low cost équipé d'un moteur chinois - Ministère iranien de la Défense

Depuis plus d'un an et demi, les Russes utilisent régulièrement des Shahed-136, des drones kamikazes iraniens. Peu chers et efficaces, ils permettent à Moscou d'économiser ses missiles. Avec l'aide des Etats-Unis, Kiev aurait une parade.

Le conflit en Ukraine est comme un laboratoire d'armement international. Alors que Kiev a à sa disposition des armes européennes, américaines ou turques, la Russie est loin de se contenter de systèmes produits au sein de la fédération. Pour preuve, les drones dont l'utilisation est de plus en plus massive sont fournis par l'Iran, l'un des rares pays à soutenir militairement Vladimir Poutine. Selon un rapport de la CIA publié en juillet 2022, Moscou en aurait acheté plusieurs centaines.

Téhéran fournit différents tupes d'UAV (Unmanned Aerial Vehicles, en français, véhicule aérien sans pilote), des drones de combat (Mohajer-6 et Shahed 129), mais surtout des Shahed-136, des kamikazes aériens produits par l'Iranian Aircraft Industrial Company (HESA). Ceux utilisés par la Russie sont marqués de l'inscription "Geran-2", l'appellation russe du Shahed 136. L'Iran l'a utilisé en 2021 via des groupes houthis au Yémen et en 2022 pour détuire le quartier général du mouvement séparatiste kurde.

Des débris identifiés

La Russie utilise depuis plus d'un an et demi des Shahed-136, mais aussi des Shahed-131, la précédente génération, plus petite, plus légère et qui emporte des charges moins puissantes. Ces drones kamikazes ont servi dès septembre 2022 à détruire un bâtiment administratif à Odessa qui abritait le quartier général du commandement ukrainien Sud. Quelques jours plus tard, ils ont une nouvelle fois été utilisés pour des frappes sur Bila Tserkva, une ville située dans l'Oblast de Kiev à moins de 100 kilomètres de la capitale ukrainienne. Durant cette nuit du 5 octobre 2022, 6 "Geran-2" ont été tirés ne faisant qu'un blessé. Des débris ont permis d'identifier ces bombes volantes.

Plus récemment, comme il y a trois jours, les forces russes ont eu recours à ces mêmes drônes explosifs de conception iranienne au cours de plusieurs attaques souvent nocturnes et ciblant par exemple des infrastructures énergétiques comme la centrale de Dnipro. Dans la nuit du 21 au 22 mars derniers, la Russie a lancé plus de 60 drones Shahed, ainsi que presque 90 missiles de différents types, contre l'Ukraine dans le cadre d'une des attaques les plus massives des derniers mois. Ces frappes de grande ampleur avaient entraîné des coupures d'électricité dans au moins sept régions ukrainiennes et endommagé des "dizaines" d'installations selon l'opérateur ukrainien Ukrenergo.

Un moteur de Coccinelle

Il ne s'agit pas d'un petit drone grand public modifié à des fins militaires. Ce modèle mesure 3,5 mètres de long pour 2,5 mètres de large. Il n'est pas piloté à distance pour par exemple abattre une cible en mouvement, mais en programmant les coordonnées GPS d'un objectif fixe. Il peut parcourir 200 kilomètres à faible vitesse et faible altitude pour l'atteindre. Ils sont lancés depuis des camions équipés de rack de 5 drones.

Ces drones suicides iraniens sont facilement reconnaissables à leur forme triangulaire avec des stabilisateurs aux extrémités et au bruit de leur moteur qui s'entend de loin et permet aux Ukrainiens d'en abattre. Ces derniers les surnomment "les cyclomoteurs du ciel", car leur bruit ne souffre aucune discrétion. Comme le montrent ces débris, le Shahed-136 utiliserait un moteur chinois MD550. Ce moteur thermique est en fait la version chinoise du moteur allemand Limbach L550E, moteur inspiré du bloc Volkswagen qui équipait les "Coccinelle". On le trouve pour 17,7 dollars sur le site MadeInChina.

Des sanctions américaines contre des entreprises chinoises impliquées

Mais leur faible prix, environ 20.000 dollars, permet à la Russie de les envoyer en nombre et surtout d'économiser ses missiles de croisière à près de 2 millions de dollars l'unité. Mais ces drones low cost sont efficaces si, comme l'indiquait à l'AFP Jean-Christophe Noël, chercheur à l'Ifri, "l’adversaire ne dispose pas de moyens pour s’en protéger ou riposter". Dès septembre 2022, Washington avait annoncé l'envoi de systèmes anti-drones Titan. Ils permettent, selon BlueHalo, son fabricant, de brouiller en seulement minutes les fréquences des Shahed. Depuis plusieurs mois, l'armée de l'air ukrainienne parvient en effet à abattre régulièrement plusieurs de ces engins lorsqu'ils sont déployés grâce à sa défense antiaérienne.

Début février 2024, le Trésor américain avait rendu publiques de nouvelles sanctions contre des entreprises et personnalités iraniennes, ou leur apportant un soutien, impliquées notamment dans la fabrication de drones de combat Shahed. Les sanctions ciblaient ainsi des entreprises chinoises à Hong Kong accusées d'avoir fourni des composants à des entreprises et personnes déjà visées par des sanctions américaines. Il y a une dizaine de jours, Kiev a revendiqué une attaque de drone sur un site industriel au Tatarstan, une république russe située à plus de 1.000 kilomètres de l'Ukraine. Cette frappe visait entre autres un site d'assemblage de drones.

"C'était une opération du GUR, une attaque de drones ukrainiens sur une entreprise assemblant des drones Shahed. Des dégâts importants ont été infligés au site", affirmait à l'AFP une source au sein du secteur ukrainien de la défense, sans préciser si l'attaque avait été lancée depuis le territoire russe ou ukrainien.
Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco