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Défense

Missiles contre drones low cost, les limites de la puissance militaire occidentale

La frégate française Languedoc a tiré des missiles antiaériens Aster 15 d'un coût unitaire estimé à plus d'un million d'euros, pour abattre deux drones à 20.000 euros.

La frégate française Languedoc a tiré des missiles antiaériens Aster 15 d'un coût unitaire estimé à plus d'un million d'euros, pour abattre deux drones à 20.000 euros. - MBDA

Pour abattre trois drones Shahed à 20.000 euros lancés par les rebelle houthis, la frégate Languedoc a utilisé des missiles antiaériens Aster 15 à 1 million d'euros. Cette stratégie est-elle viable à long terme?

En quelques jours, la frégate multi-missions (Fremm) Languedoc a abattu trois drones lancés par les rebelles houthis depuis le nord Yemen. Cette réplique s'est déroulée en Mer Rouge et les attaques visaient la Fremm pour la première, puis un pétrolier sous pavillon norvégien. Les drones ont chacun été détruits par des missiles antiaériens Aster 15.

La mission de la frégate française est une réussite tactique, mais elle soulève la question de la disproportion des moyens engagés par les armées occidentales face à un armement low cost. Pour abattre ces drones kamikazes, vraisemblablement des Shahed fournis par l'Iran à quelques dizaines de milliers d'euros pièce, la Marine nationale a utilisé de missile à plus d'un million d'euros l'unité.

Le jeu en vaut la chandelle puisque le but des houthis est de bloquer le trafic en mer Rouge, une voie maritime cruciale pour le commerce international. D'ailleurs, les marines américaines et britanniques n'hésitent pas à mettre les moyens pour sécuriser la zone. Mais si les attaques de drones se multiplient, la facture risque non seulement de peser lourd, mais aussi de vider les stocks de munitions des navires militaires. Les frégates françaises ne disposent à bord que de 16 Aster 15.

Un Shahed plus fort qu'un Aster?

Cette question a été soulevée par Stéphane Audrand, consultant français en risques internationaux, dès le mois d'octobre lorsqu'un navire américain a intercepté en neuf heures "19 cibles" en Mer Rouge.

"Une salve pas vraiment "de saturation", mais qui aurait vidé les silos d'une FREMM si elle était sur zone à sa place" a alerté Stéphane Audran dans un message publié sur X.

Un haut gradé français estime que cette méthode équivaut à utiliser "des marteaux pour écraser des mouches". Mais surtout, face à une attaque par saturation avec plusieurs centaines de drones, les moyens des frégates françaises seraient vite épuisés.

"Quand on tue un Shahed avec un Aster, en réalité c'est le Shahed qui a tué l'Aster", déclarait le chef d'état-major des Armées françaises, le général Thierry Burkhard, lors d'un colloque qui s'est tenu le 7 décembre à l'Institut Montaigne.
Benaouda Abdeddaïm : Les Houthis du Yémen attaquent le transport maritime en mer Rouge - 13/12
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Les armées occidentales sont confrontées à ces situations depuis des années dans les guerres dites asymétriques où des puissances mondiales affrontent des combattants moins bien armés. Mais désormais, cette stratégie militaire s'est imposée comme un standard. C'est la méthode utilisée par le Hamas le 7 octobre pour saturer l'Iron Dome israélien. Idem en Ukraine où la Russie épuise les stocks de munitions de l'armée ukrainienne avec des drones Shahed.

Perdre la supériorité aérienne

En Irak, les troupes américaines ont lancé l'alerte après des attaques lancées sur des aéroports ou l'ambassade des Etats-Unis à Bagdad avec des drones achetés pour quelques centaines d'euros dans la grande distribution. Chargés d'explosifs, ces engins de loisir deviennent redoutables. Pour les intercepter, l'US Army possède des batteries de défense C-RAM, des canons à tir rapide contrôlés par radar. Le général McKenzie, commandant des troupes américaines au Moyen-Orient, les a surnommés les "drones Costco", en référence à la chaîne de magasins discount.

"Utiliser des armes très chères sur un drone bon marché n'est ni rentable, ni efficace", déclarait à l'époque le général McKenzie en alertant même sur les risques de pertes de supériorité aérienne malgré la puissance des forces aériennes. Pour Fabian Hinz, chercheur à l'institut international d'études stratégiques (IISS) de Londres, "c'est un changement stratégique".

Le Pentagone voit ces attaques de drones comme "l'une des menaces les plus importantes auxquelles l'armée américaine est confrontée". En 2021, un budget de 636 millions de dollars a été consacré pour développer une défense efficace, mais aussi mieux adaptée à ces attaques.

Pour Stéphane Audran, "on ne peut pas se permettre de répondre dans la durée avec des missiles à un million d'euros, il faut trouver une solution à 2000 dollars".

Les pays occidentaux savent produire des munitions perfectionnées, mais onéreuses. Sauront-ils inventer des défenses antiaériennes low cost et efficaces ?

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama avec AFP Journaliste BFM Éco