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Comment la hausse des taux a pulvérisé le modèle économique de la majorité des fintech

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[AVIS D'EXPERT] Beaucoup de start-up de la fintech dépendaient des levées de fonds pour survivre. Mais l'envolée des taux a changé la donne. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

La fintech – une désignation très large, allant des start-up de paiement aux applications de trading, en passant par les néobanques – va mal. La hausse des taux d’intérêt a largement réduit les levées de fonds. Ce qui a ruiné un modèle de développement fondé sur l’acquisition forcenée de clients, elle-même basée sur une quasi-gratuité de nombreux services. Or ceci, qui générait évidemment une non-rentabilité structurelle, était compensé par les investisseurs, dès lors qu’ils pouvaient lever, compte tenu du niveau des taux, presque gratuitement des fonds.

Dans une intéressante interview au journal spécialisé Sifted, Simon Schmincke, gérant de Creandum (un fonds d’investissement comptant dans son portefeuille Klarna, Pleo ou Trade Republic) en tire les conclusions.

Désormais, explique-t-il, seules se maintiendront les fintech rentables, ce qui ne représente que 30% de l’ensemble. Et celles qui survivront devront fortement renforcer leur rentabilité. Il n’y aura pas d’échappatoire. Les mirifiques valorisations que les plus grosses fintechs ont pu atteindre, reposant sur l’argent injecté par des investisseurs beaucoup plus que sur la taille de leur bilan, ne sont plus justifiables. Elles ne leur permettront ni de trouver des acquéreurs, ni de s’introduire en Bourse – malgré les annonces récemment lancées à ce propos par certaines, comme Klarna (qui a pourtant drastiquement réduit sa valorisation).

Une bulle spéculative

En revanche, le gérant de Creandum attend des fusions et acquisitions dans un secteur qui a désormais compris qu’il ne peut plus continuer à ne pas de soucier d’avoir des marges négatives.

En somme, comme d’autres segments de la tech, la fintech a souffert d’attirer trop d’argent, de la part d’investisseurs insuffisamment clairvoyants et trop suiveurs. L’ensemble du secteur a fini par représenter une bulle spéculative – comme cela sera le cas dans cinq ans pour l’IA et la climtech, prédit Simon Schmincke – qui a éclaté depuis un an. Une correction de marché est donc en cours, dont on peut attendre qu’elle criblera les meilleurs et les renforcera même.

Un schéma classique donc. Mais suffit-il à décrire la situation? La fintech a été marquée par l’apparition de véritables champions: Klarna, Revolut, N26, Starling, SumUp… (cette liste est loin d’être exhaustive). Mais si ceux-ci se soucient à présent d’extérioriser des résultats, leur rentabilité reste très fragile. Et elle parait loin d’être suffisante pour financer leur développement.

Par ailleurs, il faut tenir compte des nombreux échecs de solutions nouvelles pourtant portées par de solides maisons-mères. En France, on note ainsi les abandons d’Orange Bank et d’Anytime, d’AuMax et de Ma French Bank, de Shine… (ici encore, la liste n’est pas exhaustive). Et cette situation est loin de se limiter à la France.

Une rentabilité qui s'effrite chez les banques

Il faut donc élargir la focale et considérer quelques fondamentaux très simples. En France, on comptait 250 fintech en 2015. Elles étaient plus de 1.000 en 2023. Dans le même temps, le nombre de ménages ayant un crédit est passé de 46,5% à 43,4% (fin 2022). En 2008, le taux atteignait 52,6%. Avant son gonflement assez artificiel lié aux confinements à partir de 2020, le taux d’épargne brut des ménages ne dépassait pas 15% des revenus en 2019. Il était de 16,1% en 2009.

Obnubilés par les ouvertures de comptes et les souvent excellents résultats des banques, on a généralement manqué de voir ces signaux de rétractation (tenant à différentes raisons) du marché de la banque de détail ces quinze dernières années. Un recul que marque un ROE moyen (pour "return on equity" ou rentabilité des capitaux propres) des banques françaises de 7% en 2022, soit 1,7% de leur Produit net bancaire (l’équivalent du chiffre d’affaires pour les banques), contre 2,3% en 2010.

Dès lors, la réussite des fintech imposait, en répondant à de véritables attentes, de prendre de larges segments de clientèle aux banques classiques et/ou d’élargir ce marché. A ce stade, en Europe (c’est un peu moins vrai aux Etats-Unis) elles n’ont réussi à faire ni l’un ni l’autre.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor