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Avec Revolut ou N26, la banque de demain est-elle déjà apparue?

Revolut vise 40 millions de clients d’ici la fin de l’année

Revolut vise 40 millions de clients d’ici la fin de l’année - Revolut

[AVIS D'EXPERT] Avec le développement du numérique, la banque n’est plus incarnée par une agence mais par une appli mobile qui colle aux usages de consommation. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Se demander si la banque de demain est déjà apparue est une question plus que rhétorique. C’est qu’au cours de ces dix dernières années, un phénomène tout à fait nouveau dans le domaine bancaire est survenu: l’émergence d’acteurs financiers nativement internationaux, dont le développement n’est pas centré sur un marché d’élection. En Europe, il s’agit notamment de Klarna (paiements fractionnés) ou de Raisin (épargne et dépôts) mais également de néobanques comme N26 et surtout Revolut. Car, aujourd’hui, Revolut est certainement l’acteur qui pourrait le plus être reconnu comme "la" banque de demain.

Traditionnellement, la banque de détail reposait sur une relation personnelle de confiance – ce qui faisait de l’agence son relais principal. Dans le cadre de tout projet fondé sur l’épargne ou le crédit, le banquier était un interlocuteur obligé mais bien à part.

Dans un monde numérique, la relation bancaire devient une assistance de tous les jours, appuyée sur de nouveaux outils de dépenses, de budget, d’aide aux choix, d’économies. La banque n’est plus incarnée par une agence mais par une appli mobile qui colle aux usages de consommation. Ces outils existent. L’enjeu aujourd’hui est de les standardiser ; de trouver la formule qui leur permet d’être utiles au plus grand nombre, sans engager des investissements colossaux. C’est là un pari que Goldman Sachs a raté avec son essai de banque de détail Marcus mais que les grands établissements américains tentent particulièrement de relever, avec succès jusqu’à présent pour Life Plan, l’outil de Personal Finance Management de Bank of America, ou pour Chase UK, véritable "banque tirelire" associée aux dépenses et première incursion remarquée de JP Morgan Chase en Europe.

Revolut, une super appli financière

Et puis, il y a Revolut. A peine une banque (une offre quasi inexistante en termes de crédit et d’épargne) mais une super appli financière. Nous avons déjà eu l’occasion, dans ces colonnes, de souligner l’approche originale de cette néobanque fondée il y a moins de dix ans en Lituanie et comment elle est allée chercher ses premiers clients dans les aéroports.

Revolut n’a pas voulu être seulement une banque en ligne, ce qui aurait été banal – et c’est sans doute l’erreur qu’ont commise nombre d’autres nouveaux acteurs, d’Orange Bank à N26 aujourd’hui. D’emblée, Revolut a visé à accompagner l’ascension du mobile comme premier outil d’achat et de gestion financière. Seul Paypal poursuivait le même objectif mais sans coller aux nouveaux modes de consommation d’une clientèle choisie, comme Revolut s’y efforçait.

Aussi quand, aujourd’hui, Revolut affiche de fortes ambitions, on est assez tenté de les suivre. Car Revolut – qui entend conquérir le Brésil, la Nouvelle-Zélande et l’Inde très prochainement – n’entend plus être comparée aux autres néobanques. Elle veut devenir la première banque européenne et la banque principale pour la majorité de ses clients.

Qu’importe que son chiffre d’affaires 2022 réalisé dans une trentaine de pays paraisse presque ridicule (850 millions de livres). Qu’importe que l’obtention d’une licence bancaire au Royaume-Uni semble anormalement traîner. Revolut ouvre plus d’un million et demi de comptes par mois! Elle vise 40 millions de clients d’ici la fin de l’année et, en France, son deuxième marché en termes de croissance, son application est la plus téléchargée après celle du Crédit Agricole. Qui dit mieux?

De nouvelles offres encore éclatées

Seulement, sur quels leviers Revolut compte-t-elle appuyer de telles ambitions? D’après ce qui a été récemment dévoilé, le crédit à la consommation et, à terme, le crédit immobilier. Et… c’est tout? Non, Revolut va également offrir un compte joint, des ETF et une offre "Ultra".

Cela paraît presque irréel alors que tous les segments de la banque de détail sont aujourd’hui en train de se recomposer: moyens et facilités de paiement, gestion intelligente des dépenses, banque plateforme et banque invisible, accompagnement de l’épargne… Sans parler des nouvelles thématiques: banque des usages, bien-être financier, fin des découverts… Autant d’offres nouvelles mais encore éclatées qui n’attendent que des assembleurs qui les standardisent – une position pour laquelle la dimension internationale de Revolut serait décisive. Mais autant d’offres et de dimensions nouvelles que Revolut ne paraît pas particulièrement résolue à explorer, calant ses ambitions sur des offres bancaires très rudimentaires qui, pour le coup, souffrent difficilement la comparaison avec celles des néobanques les plus inventives (Starling, Monzo, Chime, SoFi, …), toutes entrées cependant sur leur marché national.

Pour que le mobile devienne à une très large échelle l’interface bancaire privilégiée, il faudra sans doute une génération. C’est en général le temps que requièrent en effet les grandes innovations bancaires. Restent donc encore de 15 à 20 ans. Et pour qu’apparaisse la banque de demain, beaucoup reste ainsi à faire, ce qui paraît normal. Mais, visiblement, beaucoup reste également à imaginer, ce qui est bien plus problématique.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor