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Aéronautique

L'Europe spatiale s'ouvre au privé et lance un concours pour la fourniture d'un vaisseau-cargo

A Séville, l'Agence spatiale européenne et les dirigeants européens ont annoncé un nouveau programme de vaisseau-cargo au-delà de l'orbite basse, considéré comme une première "brique" avant des vols habités.

L'Europe spatiale a fait de petits pas vers plus d'autonomie et engagé un changement d'approche, ce lundi 6 novembre, à son sommet de Séville. Le patron de l'Agence spatiale européenne (ESA) Josef Aschbacher a proposé une "compétition entre des entreprises européennes innovantes", pour la fourniture d'un vaisseau-cargo. Un service qui "pourrait évoluer plus tard vers un véhicule habité et servir d'autres destinations au-delà de l'orbite basse", c'est-à-dire plus loin que l'ISS. L'investissement, déjà sécurisé à l'ESA à hauteur de 75 millions d'euros, sera abondé par des entreprises.

Le programme de vaisseau-cargo permet de "dire, voilà nous devons maintenir de grandes missions, mais nous démarrons petit pour ne pas perdre de temps", a expliqué une source proche des discussions.

Ce concours préfigure la nouvelle approche qu'entend adopter l'ESA, sur le modèle de la Nasa, en achetant des services de lancement à des industriels plutôt qu'en développant elle-même des programmes.

Un principe qui s'appliquera "sans limite à la capacité", c'est-à-dire pour tous les types de lanceurs, a précisé Josef Aschbacher à l'issue du Sommet.

Le monde "se tient à un moment-pivot de l'exploration spatiale", a rappelé le chef de l'Agence spatiale européenne (ESA) Josef Aschbacher, avec une "nouvelle économie" et des entreprises privées qui "révolutionnent le paysage, des lanceurs jusqu'à l'exploration".
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Le principe du "retour géographique" remis en cause

Les 22 membres de l'ESA (la plupart des pays de l'UE, le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège), s'en sont tenus à sa proposition d'un concours entre industriels pour fournir un service de vaisseau-cargo jusqu'à la Station spatiale internationale (ISS) d'ici 2028.

Dans sa résolution finale, le Conseil a donné son aval à "ce rôle innovant pour l'Agence d'être un client d'ancrage, qui rend possible des développements technologiques avec un partage des risques bien compris avec les entreprises", selon le texte.

Le Conseil de l'ESA embrasse désormais la "concurrence", qui est "souhaitable dans le contexte de l'accès européen à l'espace". Un principe qui va se heurter à celui actuellement en vigueur du "retour géographique", prévoyant que l'investissement de chaque pays se traduise par des retombées industrielles équivalentes pour ses entreprises. Josef Aschbacher a d'ailleurs indiqué que ce principe "doit maintenant être remis en question".

Une première étape avant les vols habités

L'Europe n'a aujourd'hui pas de moyens propres pour envoyer des astronautes dans l'espace, et Josef Aschbacher rappelle volontiers qu'elle doit choisir si elle veut une place à la mesure de ses ambitions, ou si elle doit se contenter d'un "strapontin" dans les fusées des autres puissances spatiales.

Dans un rapport commandé par l'ESA, des experts appelaient en avril l'Europe à garantir une "présence permanente et indépendante" sur les orbites terrestre et lunaire, ainsi que sur la Lune.

"Si on veut faire des vols habités, c'est une première étape", selon une autre source proche des discussions. "Il faut être capable d'envoyer un cargo sur une station et de revenir. C'est la première brique", a-t-elle ajouté.

Un soutien de 340 millions d'euros pour Ariane-6

Le deuxième grand sujet abordé par le Conseil a été la "crise des lanceurs", qui "est la plus sérieuse" dans l'histoire de l'Europe spatiale, selon le patron de l'ESA.

Avec un lanceur lourd Ariane-6 dont le vol inaugural interviendra au mieux en 2024, et un lanceur léger Vega-C toujours pas retourné en vol, le continent dépend des fusées de l'Américain Space X, les fusées russes Soyouz n'étant plus à l'ordre du jour.

Les Etats doivent trouver un modèle d'exploitation à long terme pour Ariane 6, qu'il va falloir subventionner, une fois atteint son rythme de croisière, à partir du 16e vol à l'horizon 2027-2028. Un soutien de l'ordre de 340 millions d'euros a été acté à l'issue de négociations entre la France, l'Allemagne et l'Italie, les trois principaux contributeurs au programme Ariane-6.

Pour la petite fusée italienne Vega-C, clouée au sol après un accident en décembre 2022, la subvention des Etats pourra atteindre 21 millions d'euros annuels du 26e au 42e vol, selon Josef Aschbacher.

Nina Le Clerre avec AFP