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Elle envoie un mail à caractère raciste au travail, la Cour de cassation invalide son licenciement

Bien que les messages aient été envoyés via la messagerie professionnelle de la salariée, la juridiction a estimé qu'ils s'inscrivaient dans un cadre privé car ils étaient adressés à deux collègues et n'avaient pas vocation à être rendus publics.

La messagerie professionnelle ne fait pas sauter toutes les barrières de la vie privée. C'est ainsi que l'on pourrait résumer une récente décision de la Cour de cassation. Mercredi, la juridiction s'est exprimée sur un litige opposant la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Tarn-et-Garonne et l'une de ses salariées qui a été licenciée pour faute grave en mars 2017. Il était reproché à cette technicienne de prestations d'avoir envoyé un mail à caractère raciste à deux de ses collègues et ce, via la messagerie professionnelle.

La Cour de cassation a finalement donné raison à la salariée qui avait saisit la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et a condamné la CPAM du Tarn-et-Garonne à lui payer la somme de 3.000 euros. "Ce qu'elle retient, c'est le respect de la vie privée", explique Sandrine Henrion, avocate au cabinet Herald. "Elle estime que ces messages ont été adressés à deux collègues et qu'il s'agissait d'un groupe privé et qu'il n'y avait pas de vocation à ce que ce soit rendu public. C'est la raison pour laquelle elle a finalement invalidé ce licenciement."

"Il semblerait que l'employeur a eu communication de manière fortuite du message, donc ça montre bien que ce n'était pas destiné à avoir une vocation publique."

"L'absence d'abus a fait pencher la balance"

Dans sa décision, la Cour de cassation rappelle que "le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de sa vie privée." "Il en résulte qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail", ajoute la juridiction.

Par ailleurs, elle estime que le principe de neutralité applicable aux agents qui participent à une mission de service public est inopérant car "la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée dans ces courriels auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues." De même, la caisse primaire d'assurance maladie n'a apporté "aucun élément tendant à prouver que les écrits de l'intéressée auraient été connus en dehors du cadre privé et à l'extérieur de la CPAM du Tarn-et-Garonne et de la CPAM de la Haute-Garonne et que son image aurait été atteinte."

"L'envoi de neuf messages privés en l'espace de onze mois ne saurait être jugé comme excessif, indépendamment de leur contenu."

Enfin, la Cour de cassation a été attentive à la notion d'abus dans le recours à la messagerie professionnelle. "Normalement, la messagerie professionnelle ne doit être utilisée que pour des messages professionnels et l'employeur a normalement une visibilité là-dessus", reconnaît Sandrine Henrion. "La Cour de cassation a considéré que cette salariée n'avait pas exagéré car elle n'a envoyé que 9 messages à caractère privé dans l'année. C'est l'absence d'abus qui a fait pencher la balance."

Timothée Talbi