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Télétravail, semaine de 4 jours: et si l'important c'était l'organisation globale du temps de travail?

Plus que le travail à distance, n'est-ce pas le sacro-saint système des 9h/18h, et des 35 heures par semaine qu'il faut revoir pour favoriser la souplesse réclamée par les salariés? Réponse dans ce débat organisé sur BFM Business.

Si le télétravail a émergé brutalement en France avec la crise du covid, tout comme la volonté des salariés de mieux préserver leurs vies personnelles, il n'est pas non plus devenu la règle.

Selon une étude Ifo et Econpol Europe, les salariés français télétravaillent 0,6 jour par semaine en moyenne contre 0,9 jour à l'échelle mondiale. Selon une autre étude, les salariés français sont en présentiel 3,5 jours chaque semaine, contre 3 chez les Suisses, 2,6 chez les Britanniques et 2,5 jours chez les Espagnols.

Différents facteurs expliquent cette tendance. Certaines entreprises entendent limiter le recours au télétravail pour des questions de productivité, et pour certains salariés, le télétravail les éloigne trop de la vie de bureau, de la sociabilisation et passer sous les radars.

Les télétravailleurs bénéficient moins de promotions

D'ailleurs, selon une étude américaine de Live Data Technologies, les télétravailleurs (sans aucune journée de présentiel) ont été 30% moins nombreux à obtenir l'an dernier une promotion que leurs homologues qui ne télétravaillent pas.

Selon un autre sondage, 50% des travailleurs en présentiel ont reçu une augmentation, 41% seulement pour ceux en distanciel, les dirigeants souhaitant à 90% vouloir récompenser ceux qui font l'effort de venir, et plus on monte en hiérarchie, plus les travailleurs à distance sont désavantagés.

"C'est aux Etats-Unis mais c'est assez logique car la question est: qu'est ce que la personne apporte à l'organisation? Un manager qui est en télétravail ne va pas pouvoir jour son rôle de lien social, par conséquent, son apport à l'entreprise est moins évident au-delà du métier qu'il fait", explique sur BFM Business, Benoit Serre, vice-président de l'ANDRH (Association nationale des DRH) à l'occasion d'un débat sur la question.

"L'information doit circuler de manière tout aussi efficace pour les gens en télétravail et ceux au bureau", ajoute Paul Sauveplane, secrétaire général d'Alan. Pour cette start-up qui favorise le télétravail, des process d'information très précis ont été mis en place, pour ne pas pénaliser ceux qui ne sont pas présents physiquement au bureau.

"Vous n'avez pas plus de poids dans la décision en étant au bureau qu'en ne l'étant pas, poursuit Paul Sauveplane. C'est plus stimulant que de passer ses journées en réunion.

"Ce qui m'épuise c'est d'assister à une réunion d'une heure pour parler trois minutes", assène ce dernier.

La semaine des 4 jours comme alternative?

La semaine des quatre jours peut aussi constituer une alternative permettant à la fois de répondre à la quête des salariés en limitant les conséquences sur la productivité.

Exemple chez The Boson Project où le vendredi n'est plus travaillé. C'est une expérimentation "qui permet un temps plus productif au travail dans la semaine", explique Rose Ollivier, directrice de l'observatoire dans cette entreprise.

Mais ce n'est pas figé. "On peut être amené à travailler car on a un métier très orienté vers le client. Sur l'année, ça s'équilibre et cela a fait baisser la pratique du télétravail qui impliquait un grand travail de coordination", explique-t-elle.

Pour Paul Sauveplane d'Alan, "ce n'est pas une aspiration des salariés".

"La seule chose que nos salariés demandent, c'est de pouvoir organiser leurs journées, c'est cette flexibilité et le fait de leur faire confiance", précise le secrétaire général d'Alan.

Un constat totalement partagé par Benoît Serre de l'ANDRH. "J'ai toujours été assez dubitatif sur la semaine des quatre jours, ça intensifie le travail. Il y a un vrai raisonnement à avoir: est-ce que le modèle de calcul hebdomadaire du temps de travail est le bon? Si on semestrialisait ou si on développait encore plus l'annualisation, avec des semaines hautes et des semaines basses?"

Créer de la souplesse dans le système du travail hebdomadaire

"Détendre un peu le système très 9h/18h, 35 heures par semaine qui emmerde tout le monde" pourrait répondre à la fois aux besoins des salariés et des directions, estime Benoît Serre.

Exemple avec la fonction de comptable, qui doit être absolument au bureau une semaine par mois "mais quel intérêt de le faire venir cinq jours par semaine?"

"La vraie aspiration des gens c'est gagner en liberté d'organisation dans mon travail, et pour mieux équilibrer mes vies, c'est ça vers quoi il faut tendre", poursuit le responsable de l'ANDRH.

"Le télétravail c'est un aspect, la semaine des quatre jours c'est un aspect. Il faut créer de la souplesse dans le système", souligne Benoît Serre.

Reste que toucher au temps de travail hebdomadaire en France est très délicat. "Le temps de travail hebdomadaire, c'est le marronnier du progrès social en France depuis un siècle, poursuit le spécialiste des RH. Dès qu'on y touche, tout le monde se lève en hurlant".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business