BFM Business
Emploi

Seniors: pourquoi certains DRH écartent rapidement leurs candidatures

Selon une étude d'un cabinet spécialisé, 68% des DRH "ont déjà écarté d’emblée" des candidatures de profils seniors. Les salaires élevés ne sont pas la seule raison de cette mise à l'écart.

L'emploi des seniors est au coeur de la réforme des retraites avec comme objectif un retour ou un maintien dans l'emploi. Depuis quelques années, les choses évoluent puisque selon une récente étude de la Dares, à 56,9% en 2022 (+0,9 point en un an), le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans a atteint un nouveau record.

Lechypre d’affaires : La France reste mauvaise élève par rapport à l'emploi des seniors - 07/09
Lechypre d’affaires : La France reste mauvaise élève par rapport à l'emploi des seniors - 07/09
1:35

Reste que la France fait figure de mauvais élève au niveau européen, avec un taux d’emploi des seniors inférieur de 5,5 points à la moyenne de l’Union européenne (62,4%). L’Hexagone se classe ainsi 17e sur 27.

Il faut dire que les blocages restent puissants dans les entreprises. Selon une étude* Opinionway pour le cabinet de conseil spécialisé dans les resources humaines Grant Alexander, si les qualités de cette population sont reconnues (expérience, compétences...), les directions hésitent toujours autant à les recruter.

68% des DRH ont déjà écarté d’emblée des candidatures de profils seniors

"Un tiers des recruteurs (32%) a ainsi déjà écarté d’emblée les candidatures de profils seniors, répondant à une demande de la direction. Et près d’un recruteur sur deux (45%) reconnait en effet que la direction lui a déjà donné comme consigne de privilégier des profils plutôt jeunes", souligne l'étude.

Les chiffres sont encore plus élevés si on considère les directions des ressources humaines (DRH). "74% ont déjà eu comme consigne de la part de leur direction de privilégier des profils plutôt jeunes, et 68% ont déjà écarté d’emblée des candidatures de profils seniors", peut-on lire.

C'est dans les métiers au contact du public que ces freins sont les plus importants. Le secteur du commerce, des transports, de l’hébergement et de la restauration a plus souvent tendance à privilégier les profils jeunes (51% contre 45%) ou encore à écarter les candidatures des profils les plus seniors (39% contre 32%).

Les salaires élevés de cette population ne sont pas la seule raison de cette mise à l'écart.

Difficultés pour travailler avec les plus jeunes

"Les manageurs évoquent d’autres freins, en premier lieu liés à des difficultés rencontrées par ces salariés notamment pour travailler avec les plus jeunes. Les seniors peuvent en effet éprouver des difficultés à comprendre les attentes des salariés plus jeunes (69%) et à assimiler leurs processus de travail (65%), voire même à accepter que les jeunes salariés puissent apporter un regard et des compétences pertinentes (63%)", explique l'étude.

Un prétendu manque d'adaptabilité aux nouveaux outils ou aux nouvelles formes de travail sont également mises en avant. Ainsi, 63% des recruteurs considèrent que les salariés de 55 ans ou plus ont du mal à comprendre les évolutions technologiques et digitales, et 58% à s’adapter aux évolutions des modes de travail.

Au final plus d’un recruteur sur deux (58%) reconnait que les salariés seniors éprouvent des difficultés à trouver leur place dans l’entreprise.

Là encore les DRH "se montrent plus sévères que les autres recruteurs vis-à-vis des salariés seniors. Pour 70% (contre 65%) ils ont du mal à comprendre comment les jeunes salariés qui rejoignent leur équipe travaillent au quotidien, et 74% considèrent qu’ils éprouvent des difficultés avec les évolutions technologiques et digitales (contre 63%)".

Moduler les salaires des seniors, la solution?

Les recruteurs justifient également cette timidité envers les seniors par un déficit d’accompagnement au sein de l’entreprise pour préparer ces seniors à de nouveaux métiers (54%), et 45% pour actualiser leurs compétences. Soit une "politique de l’entreprise insuffisamment volontariste envers ces seniors".

Dans le même temps, directions et DRH estiment que des outils existent pour corriger cette situation comme des sessions de formation pour actualiser leurs savoirs (80% y sont favorables) ou pour qu’ils acquièrent d’autres compétences métiers (77%).

"79% des recruteurs jugent efficace la mise en place d’un temps partiel pour que les salariés les plus âgés aillent progressivement vers la retraite, et 77% voient d’un bon œil la mise en place d’outils RH pour aider les collaborateurs à l’accompagnement lors du départ à la retraite", peut-on également lire.

Plus clivante, une piste serait de moduler la rémunération des collaborateurs de 55 ans et plus lorsqu’ils sont en fin de carrière, une mesure jugée efficace par 74% des recruteurs pour faciliter l'emploi des seniors.

Changer d'état d'esprit

"Il est nécessaire de proposer des modes de collaboration plus flexibles que le CDI, en mode projet, avec par exemple pour les cadres et dirigeants le management de transition; et des formats adaptés, en développant les temps partiels", explique dans cette étude Henri Vidalinc, président de Grant Alexander.

Plus globalement "il nous incombe collectivement de changer d’état d’esprit et de trouver des réponses. Il faut tout d’abord travailler sur les biais et accompagner les dirigeants et les collaborateurs, via notamment du coaching, de la formation, pour faire évoluer les mentalités, les comportements, et inclure vraiment! Il faut aussi continuer à investir sur les seniors en leur donnant la possibilité de parfaire leurs compétences ou d’en acquérir de nouvelles" poursuit-il.

*: Cette étude a été réalisée auprès de 589 managers "recruteurs" (salariés qui encadrent au moins une personne et participent au processus de recrutement dans leur entreprise), dont un sur-échantillon de 60 DRH. Tous les répondants travaillent dans des entreprises du secteur privé de 50 salariés et plus. Cet échantillon de recruteurs est issu d’un échantillon de 1.389 salariés représentatif de la population des salariés des entreprises privées de 50 salariés et plus. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas. Les interviews des dirigeants ont été menées par téléphone du 19 au 24 septembre 2023. OpinionWay rappelle par ailleurs que les résultats de ce sondage doivent être lus en tenant compte des marges d'incertitude: 1,9 à 4,4 points pour un échantillon de 500 répondants.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business