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Economie

Économiquement parlant, le pape François est-il de gauche?

Avec sa venue à Marseille, le débat sur l'orientation de la politique économique du pape François est relancé.

La venue du pape François à Marseille soulève des réflexions qui peuvent sembler éloignées de la foi catholique ou des valeurs chrétiennes. Elles portent sur l'orientation politique, et de fait économique, du Chef suprême de l'Église catholique romaine. Estne Pontifex cornu sinistrum ou, en français, le pape est-il de gauche? Est-il un conservateur de droite ou un progressiste de gauche?

Pour le Saint-père, qui est Argentin, cette notion peut sembler anecdotique. Mais son parcours, qui est passé par le courant de la "théologie du peuple" proche de la "théologie de la libération", lui a donné une sensibilité politique qu'il n'a jamais reniée.

Un pape "un peu mélenchoniste"?

Cette question est d'ailleurs soulevée depuis des années. Son énoncé est simple, et la réponse l'est plus encore: le pape François est indéniablement de gauche. Ses prises de positions sociales, sur les questions migratoires ou sur sa vision géopolitique le rendent même plus proche de LFI que des partis de gauche plus modérés.

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Même Jean-Luc Mélenchon l'a admis en dévoilant en 2017 qu'il était "le seul homme politique français de gauche qui lise toutes les encycliques!".

"Ce pape nous intéresse du point de vue de la géopolitique. Il a invité Bernie Sanders au Vatican ! [Il] nous aide beaucoup. Il est un peu 'mélenchoniste' !", avait déclaré sur le ton d'une demie plaisanterie le leader de gauche dans un entretien à Atlantico.

Les positions politico-économiques du pape sont même publiquement affichées dans deux textes explicites: l'exhortation apostolique Evangelii gaudium et l'encyclique sociale Laudato si'. Dans le premier, il expose clairement sa pensée sociale en dénonçant "une économie de l'exclusion", "la nouvelle idolâtrie de l'argent", "l'argent qui gouverne au lieu de servir", "la disparité sociale qui engendre la violence".

"C’est l’une des parties les plus représentatives du document, qui a suscité de nombreux commentaires, dont certains très critiques", note dans un commentaire Ildefonso Camacho Laraña, jésuite, professeur de morale à la Faculté de théologie de Grenade (Espagne).

La clameur de la terre et la clameur des pauvres

Dans l'encyclique Laudato si', le pape François met en parallèle la crise environnementale et la crise sociale qui selon lui ne peuvent être étudiées indépendamment. Il estime que "l’environnement humain et l’environnement naturel se dégradent ensemble".

"Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres", propose le pape.

Cette position fait clairement allusion à la crise migratoire et sa venue à Marseille -et "non en France" nuance le Vatican en soulevant un "problème méditerranéen"- annonce clairement un message à l'occident pour l'accueil des migrants. Cette déclaration est si prévisible qu'elle a déjà déclenché des réactions à droite et à l'extrême-droite comme en France, en Italie ou en Hongrie.

"Le pape François est-il devenu le Vicaire de la gauche immigrationniste et de l’islamisme conquérant ?", titrait en 2019 un article de Valeurs Actuelles.

"Le Medef n’aurait pas dit mieux"

Mais si le pape François est de gauche, quelle est sa position vis-à-vis des patrons? Pour le savoir, Geoffroy Roux de Bézieux, ex-patron du Medef, avait tenté de l'inviter en juillet dernier à LaRef, l'université d'été du Medef.

"Après Zelenski l’année dernière, j’avais choisi d’inviter le pape François à intervenir pour l’ouverture en vidéo. Avec une certaine crainte, car ce pape argentin est réputé proche de la théologie de la libération", raconte Geoffroy Roux de Bézieux dans un message posté lundi sur LinkedIn.

Le pape n'a pas pu venir, mais a adressé un message inattendu aux patrons français.

"Quelle ne fut pas ma surprise en recevant la lettre du Saint Père 'aux entrepreneurs de France' et surtout la première phrase: 'quand je pense aux chefs d’entreprise, le premier mot qui me vient à l’esprit c’est bien commun' et plus loin 'vous êtes un moteur essentiel de la richesse, de la prospérité et du bonheur public'", dévoile l'ancien patron des patrons en avançant que "le Medef n’aurait pas dit mieux".

En étant à la fois proche des faibles et proche des puissants, le pape François ne fait qu'appliquer la doctrine sociale de l'église. Il affiche sa volonté de réconcilier ceux qui font du profit et ceux qui en bénéficient. Créer plus de richesse pour mieux la partager. Et si le pape n'était ni mélenchoniste, ni capitaliste, mais tout simplement rocardien?

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco