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Critères de pénibilité: ce que propose le projet de réforme des retraites

Bruit, travail de nuit ou encore froid: certains critères de pénibilité permettent à un salarié de partir plus tôt à la retraite. Le projet de réforme veut faire évoluer certains paramètres.

La pénibilité est l'un des grands enjeux de la réforme des retraites, et l'une des raisons de la mobilisation des syndicats contre elle. Les salariés exposés à certains risques, comme le bruit ou le travail de nuit, peuvent aujourd'hui partir plus tôt à la retraite grâce aux points accumulés sur leur compte professionnel de formation (C2P). La réforme des retraites envisage de faire évoluer certains critères.

• Comment la pénibilité est-elle prise en compte?

Un salarié du secteur privé ou agricole exposé à un ou plusieurs risques professionnels dans l'exercice de son métier, comme le bruit ou le travail de nuit, peut aujourd'hui ouvrir un compte professionnel de prévention (C2P). Ce compte permet d’accumuler des points, qui servent ensuite à financer des formations professionnelles, à passer à temps partiel sans perte de salaire ou encore à bénéficier d’un départ anticipé à la retraite.

Le C2P est né sous le quinquennat Hollande, sous le nom de compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). À son arrivée à l'Élysée, Emmanuel Macron supprime le terme de "pénibilité" et simplifie le dispositif, en supprimant quatre critères sur les dix jusqu'alors pris en compte. Le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les agents chimiques dangereux en sont alors exclus.

• Comment cumule-t-on des points?

Un salarié exerçant un métier "pénible" et exposé à un facteur de risque cumule 4 points par an (8 points s'il est né avant 1956). Un salarié exposé à plusieurs facteurs de risque accumule, lui, 8 points par an (16 points s'il est né avant 1956). Ces points s'accumulent sur le compte du salarié jusqu'à ce qu'il les utilise ou qu'il parte en retraite. Attention: à l'heure actuelle, il n'est pas possible de cumuler plus de 100 points.

• Comment utiliser ces points pour la retraite?

Dans le cas de la retraite, les points accumulés sur le C2P peuvent être utilisés pour partir avant l'âge légal. Dix points permettent d'obtenir un trimestre et il est possible d'utiliser jusqu'à 80 points pour anticiper son départ (sur le maximum de 100 points, 20 points sont obligatoirement réservés à la formation professionnelle). Plus concrètement, un salarié peut gagner jusqu'à huit trimestres, donc partir deux ans plus tôt à la retraite.

• Quels sont les critères de pénibilité aujourd'hui ?

Six critères de pénibilité sont aujourd'hui pris en compte. Trois critères se rapportent aux rythmes de travail:

  • le travail de nuit,
  • le travail en équipes successives (en 3x8 par exemple)
  • et le travail répétitif.

Trois autres critères se rapportent à l'environnement professionnel:

  • le milieu hyperbare (c'est-à-dire dans un lieu où la pression est supérieure à la pression atmosphérique, sous l'eau par exemple),
  • le bruit
  • et les températures extrêmes.

Mais être exposé à l'un de ces risques n'est pas suffisant. Pour pouvoir accumuler des points sur son C2P, il faut atteindre certains seuils d'exposition. Pour les températures extrêmes, par exemple, un travail est considéré comme pénible s'il est exercé sous une température inférieure à 5°C ou supérieure à 30°C. Pour le travail de nuit, c'est au moins une heure de travail entre minuit et 5 heures et 120 nuits par an.

• Que va changer la réforme des retraites?

La réforme des retraites, dans son état actuel, propose d'abaisser les seuils d'acquisition de points pour le travail de nuit (100 nuits au lieu de 120 nuits par an) et pour le travail en équipes successives (30 nuits au lieu de 50 nuits par an). Selon le gouvernement, cela permettrait d'ouvrir des droits à 60.000 personnes supplémentaires. L'exécutif s'engage également à supprimer le plafond de 100 points maximum sur le C2P.

La valeur des points sera aussi renforcée pour la formation professionnelle ou le temps partiel: un point permettra de financer 500 euros de formation, contre 375 euros aujourd'hui, et dix points permettront de passer à mi-temps sans perte de salaire pendant quatre mois, contre trois mois aujourd'hui. L'exécutif a également annoncé la création d'un congé de reconversion pour les salariés souhaitant quitter ces métiers pénibles.

Par ailleurs, le report de l'âge légal de départ à 64 ans d'ici 2030 va automatiquement reculer l'âge de départ possible en cas de pénibilité. Plus concrètement avec l'exemple d'un salarié, éligible au C2P, qui aurait accumulé les 80 points nécessaires pour partir deux ans plus tôt à la retraite: auparavant, il pouvait partir à 60 ans au lieu de 62 ans, désormais ce sera 62 ans au lieu de 64 ans.

• Et pour les critères supprimés en 2017?

Le gouvernement refuse de réintégrer les critères supprimés en 2017, comme le réclament les syndicats, les estimant "trop difficiles à mesurer". L'exécutif a néanmoins proposé des mesures spécifiques au sujet des risques ergonomiques (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques), évoquant la création d'un "fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle" doté d'un milliard d'euros.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV