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Normes, seuils, administratif: les premières pistes de Bercy pour simplifier la vie des entreprises

Bercy a fini ses consultations auprès des chefs d’entreprises et va reprendre plusieurs de leurs propositions. Bruno Le Maire promet des mesures de simplification "drastiques". La loi Pacte II sera présentée fin mars.

La loi Pacte II passe aux travaux pratiques. Après six semaines de consultation sur le terrain et en ligne auprès des chefs d’entreprises, Bercy va désormais s’atteler à la rédaction de son projet de loi. Le ministère doit faire le tri parmi les 5.400 propositions des 30.000 personnes consultées. La plateforme Make.org, qui a organisé la consultation en ligne, a déjà recensé les idées les plus populaires.

Il y en a 23, reparties en cinq catégories: simplification des procédures, quotidien des entreprises, adaptation de l’administration aux usagers, rationalisation et suppression de normes, et droits sociaux. Des mesures portées en majorité par des petits patrons expérimentés (48% des participants sont auto-entrepreneurs ou dirigeants de TPE, et 55% ont entre 45 et 64 ans). Et connues de longue date.

Les Experts : Bruno Le Maire promet un "choc de simplification" - 06/12
Les Experts : Bruno Le Maire promet un "choc de simplification" - 06/12
25:53

Arrêter de "pourrir la vie des chefs d’entreprises"

Les dirigeants de Make.org en conviennent: il n’y a pas de surprise particulière dans les propositions des chefs d’entreprises. Leurs griefs ou recommandations sont rabâchés depuis des années, et ce n’est pas la première fois non plus que l’État promet d’y remédier: "choc de simplification" de Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal en 2013 et 2016, loi pour "un État au service d’une société de confiance" (dite "droit à l’erreur") de Stanislas Guerini en 2018, loi Pacte de Bruno Le Maire en 2019, loi "d’accélération et de simplification de l’action publique" (dite "Asap") en 2020.

Un enchaînement de lois qui montre bien à quel point "simplifier est compliqué et Bruno Le Maire le sait", nous dit un de ses proches collaborateurs.

Mais le ministre de l’Économie et des Finances a une croissance à nourrir et un budget à tenir, et après de nombreuses baisses d’impôts depuis 2017, il n’a plus le choix s’il veut continuer à aider les entreprises: cela passera par la simplification en 2024.

"La paperasserie et l’administratif limitent l’innovation et la création de richesse" tranche un proche de Bruno Le Maire. "Nous devons donc absolument supprimer tout ce qui pourrit la vie des chefs d’entreprises, et notamment des petits patrons, qui ressentent un sentiment d’injustice sociale et de gâchis économique", ajoute cette même source. 

Un "coffre-fort numérique" pour envoyer des documents

Parmi les propositions que Bercy regarde favorablement, il y a la volonté des dirigeants de ne plus avoir à renvoyer les mêmes documents à des administrations différentes. Une perte de temps pointée du doigt par le président de la République lui-même lors de sa conférence de presse du 16 janvier. Les chefs d’entreprises souhaitent envoyer les documents demandés une seule fois, charge ensuite aux administrations de les partager entre elles.

La CPME propose par exemple la mise en place d’un "coffre-fort numérique" dans lequel les entreprises déposeraient leurs documents et où les administrations viendraient chercher leurs informations. Bercy est favorable à l’idée et réfléchit à l’exécution. Pour un conseiller de Bruno Le Maire, ce "dîtes-le nous une fois" pourrait aussi passer par la mise en place d’un moteur de recherche en commun entre les administrations, qui permettrait de repérer le document recherché et envoyé à l’une d’entre elles.  

François Asselin, président de la CPME - 10/01
François Asselin, président de la CPME - 10/01
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Un test avant l'entrée en vigueur de nouvelles règles

Autre mesure retenue par les équipes de Bruno Le Maire, et déjà annoncée en réalité par Élisabeth Borne lors de l’évènement Impact PME: le "Test PME". Les chefs d’entreprises, et notamment les petits patrons, se plaignent des mesures et des normes prises sans avoir étudié au préalable leurs conséquences sur l’activité et la gestion au quotidien de leur entreprise. Ils réclament donc la mise en place d’un "Test PME", qui simulerait l’impact des lois avant qu’elles ne soient votées.

Le dispositif existe déjà en Suisse et en Allemagne, et est réclamé par toutes les organisations patronales: Medef, CPME et U2P. Bercy travaille à la création d’un comité ad hoc, qui évaluerait le coût de chaque nouvelle norme et règle, et dont l’Insee pourrait faire partie.

Possibilité de relever les seuils 

Le ministère compte aussi aller plus loin sur la question des seuils, qui revient régulièrement dans la bouche des patrons de PME. La loi Pacte avait déjà fait un premier ménage, en passant de 199 à 3 le nombre de seuils sociaux dans les PME, et en supprimant le seuil des 20 salariés. Seuls trois seuils s’appliquent désormais: 11, 50 et 250 salariés. Un toilettage unanimement salué et plébiscité par les chefs d’entreprises.

Mais c’est le seuil des 50 salariés qui concentre désormais l’essentiel des difficultés. Quand une entreprise embauche son cinquantième salarié, elle doit en effet faire face à de nombreuses nouvelles taxes: 1% logement, contribution à la formation professionnelle, versement mobilité transport ou encore le forfait social. À ces cotisations s’ajoutent des obligations sociales qui n’existent pas sous les 50 salariés, comme la déclaration des cotisations sociales, l’obligation d’avoir un règlement intérieur et la mise en place d’un CSE.

Autant de nouvelles règles que le patronat voudrait désormais repousser au seuil des 100 salariés. Cette idée de relever les seuils est regardée favorablement à Bercy, d’autant qu’Emmanuel Macron l’avait là aussi donné en exemple de simplification lors de sa conférence de presse. Mais le relèvement du seuil de 50 à 100 salariés entrainerait un manque à gagner significatif pour l’État. Bercy réfléchit donc au financement de la mesure. 

Réduire le nombre de normes

Reste enfin la question des normes, largement mise en avant par les chefs d’entreprises consultés, et qui disent "étouffer" sous leur poids. Bercy estime leur nombre à 400.000 en France, et leur coût en termes de pertes d’activités économiques entre 2,5 et 3,8 points de PIB. Le ministère ne veut pas s’engager dans un objectif chiffré de réduction de ces normes, mais fait un calcul simple: "si on réduit leur nombre de 25%, on gagnerait presque un point de PIB".

L’entourage de Bruno Le Maire fait donc de la maîtrise des normes une priorité économique. À défaut de pouvoir drastiquement réduire leur nombre, "d’autant qu’il y aura toujours plus de normes avec les exigences environnementales et technologiques", explique un proche du ministre, Bercy veut a minima accompagner les entreprises et les aider à les appliquer.

Thomas Sasportas