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Vente à perte de carburant: les questions en suspens autour de cette annonce inédite

Comment sera appliqué ce dispositif et surtout quand: l'annonce de l'éxecutif laisse beaucoup de zones d'ombre.

Face à la hausse chronique des prix du carburant, le gouvernement opte pour une solution sans précédent: autoriser la vente à perte de l'essence par les distributeurs.

Rappelons que ce mécanisme revient tout simplement à revendre un produit moins cher que son prix d'achat. Si depuis une loi de 1963 cette pratique est interdite (et peut donner lieu à une amende de 75.000 euros), certaines dérogations existent notamment pour des produits qui "présentent un caractère saisonnier marqué". Dans la grande distribution en revanche, la loi de 2018 impose une marge minimale de 10%.

Le dispositif doit donner "des résultats tangibles pour les Français" estime Élisabeth Borne, la Première ministre. Mais pour le moment de très nombreuses questions restent en suspens.

Comment le dispositif va être appliqué?

Pour le moment, on n'en sait rien, Élisabeth Borne n'a pas précisé le cadre de cette mesure ni sa durée, évoquant une possibilité offerte "pendant quelques mois afin de permettre" aux distributeurs de "baisser davantage les prix".

Qui pourra appliquer la vente à perte?

Là encore, le mystère reste entier. Aucun distributeur ou groupe pétrolier sollicité samedi soir par l'AFP n'a souhaité réagir immédiatement à l'annonce de la cheffe du gouvernement.

En réalité, seul un groupe intégré comme Totalénergies qui produit, raffine et distribue les carburants aurait la possibilité de jouer sur toutes les composantes du prix. Rappelons que le pétrolier a déjà annoncé un blocage à 1,99 euro le litre.

Pour les autres, une telle mesure sera-t-elle économiquement viable? Rien n'est moins certain.

Une chose est sûre, les stations traditionnelles ne pourront pas lutter, selon un des syndicats de la filière.

"Pouvons-nous le faire? Je dis non parce que pour nous le carburant est notre coeur de business, c'est une situation incompréhensible (...) pour les stations qu'on essaye de protéger depuis des années, c'est le coup de grâce" commente sur BFMTV, Francis Pousse, président du syndicat professionnel Mobilians qui représente 5800 stations-service traditionnelles (hors grandes surfaces) dont 3400 stations affichant l'enseigne Totalénergies.

"Nous pompistes, il est hors de question qu'on vende à perte", insiste-t-il à l'AFP. "Mes adhérents vivent à 40, 50% voire plus de la vente du carburant, donc s'ils vendent à perte, je leur donne trois mois". Dans un marché déjà très tendu, il rappelle que la marge nette des stations traditionnelles, est de "1 à 2 centimes" (par litre) en temps normal.

Dans quels délais?

Les automobilistes attendent une baisse de prix rapide des prix. Mais la mesure proposée par l'exécutif prendra du temps à être mise en place pour deux raisons.

Comme le précise Laurent Neumann, éditorialiste politique sur BFMTV, "il faudra un avenant à la loi qui de 1963 qui interdit la vente à perte ou une nouvelle loi et une nouvelle loi c'est long à voter, on peut alors imaginer que cette nouvelle loi n'entre en viguieur qu'en 2024".

Sur RTL ce dimanche, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement précise qu'une proposition de loi sera intégrée au texte qui prévoit l'anticipation des négociations commerciales entre les distributeurs et les industriels. Cette loi sera débattue à l'Assemblée nationale de manière 'imminente" précise-t-il, a priori "début octobre".

Par ailleurs, en adoptant cette mesure, la France "contredirait les règles européennes" poursuit Laurent Neumann "et Élisabeth Borne ne dit pas comment on adapterait notre législation au niveau européen".

Peut-on vraiment compter sur une baisse de prix?

Difficile à dire. Dans la grande distribution, la marge sur le carburant tourne autour de de 1 à 3% par litre. Certains vendent déjà "à prix coûtant" l'essence qui fait alors office de produit d'appel.

Avec la vente à perte, les grandes surfaces vont à nouveau pouvoir se battre sur ce marché ultra concurrentiel mais dans quelle mesure?

"Chacun prend sa part", souligne Elisabeth Borne assurant qu'il "est normal de mettre à contribution les gros industriels.

"On ne dit pas que l'essence va tomber à 1,40 euro dans toutes les stations pendant 6 mois. On dit qu'il peut y avoir des opérations commerciales qui peuvent être conduites", explique ce dimanche sur RTL Olivier Véran, porte-parole du gouvernement.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business