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Vente à perte de carburant: un syndicat professionnel dénonce "une situation incompréhensible"

La Première ministre Élisabeth Borne a annoncé que les distributeurs pourront vendre de l'essence "à perte" pendant quelques mois afin de leur permettre de "baisser davantage les prix".

Face à la hausse du prix des carburants, Élisabeth Borne a surpris en annonçant ce samedi dans un entretien au Parisien que les distributeurs pourront vendre de l'essence "à perte" pendant quelques mois.

"Avec cette mesure inédite, nous aurons des résultats tangibles pour les Français, sans subventionner le carburant", a-t-elle assuré, après avoir rappelé que la vente à perte était interdite par la loi depuis 1963.

Jusqu'où les prix du carburant peuvent-ils grimper ?
Jusqu'où les prix du carburant peuvent-ils grimper ?
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Cette annonce a suscité la stupeur de Francis Pousse, président du syndicat professionnel Mobilians qui représente 5800 stations-service traditionnelles (hors grandes surfaces) dont 3400 stations affichant l'enseigne Totalénergies.

"C'est une décision que je réprouve" assène-t-il sur BFMTV ce dimanche. "Mes adhérents ne sont pas protégés par cette autorisation de vente à perte. Et en plus j'ai appris que cette autorisation serait (faite) spécifiquement pour les grandes surfaces".

"Pouvons-nous le faire? Je dis non parce que pour nous le carburant est notre coeur de business, c'est une situation incompréhensible (...) pour les stations qu'on essaye de protéger depuis des années, c'est le coup de grâce, c'est très anxiogène pour les adhérents que je représente" poursuit-il.

"S'y prendre comme ça en mettant à mal possiblement 20% des stations françaises, c'st inéquitable. Je vous rappelle qu'en 1980 on avait 40.000 stations service traditionnelles contre 5000 aujourd'hui" rappelle le responsable.

Alors que Totalénergies a déjà plafonné le prix des carburants à 1,99 euro le litre dans la plupart de ses stations, le dirigeant voit dans cette nouvelle mesure une réponse aux grandes surfaces, leur permettant "de se battre" sur ce marché ultra concurrentiel, alors que le prix de marché "va bientôt dépasser les 1,99 euro" a-t-il déclaré à l'AFP.

"Hors de question"

"Nous pompistes, il est hors de question qu'on vende à perte", insiste-t-il à l'AFP. "Mes adhérents vivent à 40, 50% voire plus de la vente du carburant, donc s'ils vendent à perte, je leur donne trois mois".

Dans un marché déjà très tendu, il rappelle que la marge nette des stations traditionnelles, est de "1 à 2 centimes" (par litre) en temps normal.

Francis Pousse se dit aussi "sceptique" sur l'effet de cette mesure sur le pouvoir d'achat, car si les prix des fournisseurs des grandes surfaces continuent d'augmenter, elles ne pourront "pas se permettre de perdre 15 centimes sur chaque litre d'essence".

Il attend "des engagements rapides et fermes" du gouvernement pour protéger ses adhérents de cette "dérégulation du marché".

Aucun distributeur ou groupe pétrolier sollicité samedi soir par l'AFP n'a souhaité réagir immédiatement à l'annonce de la cheffe du gouvernement.

Les prix des carburants en France sont remontés régulièrement cet été: la semaine dernière en moyenne, le SP95-E10 se vendait à 1,9359 euro le litre (+0,9 centime par rapport à la semaine précédente), le gazole à 1,88 euro (+2,3 centimes) et le SP-98 à 2 euros (stable).

Ces tarifs sont au plus haut depuis avril pour l'essence et février pour le gazole, selon les statistiques du ministère de la Transition écologique.

Olivier Chicheportiche avec AFP