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Faillites de restaurants, consommation en berne, prix en hausse... Le sushi est-il devenu trop cher pour les Français?

Des sushis - Illustrations

Des sushis - Illustrations - -

Alors que le pionnier du secteur Planet Sushi a sauvé sa marque in extremis, le marché du sushi souffre en France du fait de la hausse des prix.

Planet Sushi a sauvé sa peau. Mais au prix d'une réduction drastique de son parc de restaurants. Placée en procédure de liquidation début mars, la chaîne pionnière de la restauration rapide japonaise en France va céder 17 de ses restaurants en propre (sur les 19 qu'elle possédait) au fonds d'investissement français Montefiore.

"Un tiers n’est pas arrivé à redevenir rentable après la pandémie de Covid, précise la société. Ils sont tous repris en tant que restaurants et leurs emplois seront donc préservés, ce qui était la priorité de l’actionnaire Siben N’Ser."

L'entrepreneur Siben N’Ser qui a fondé Planet Sushi (un clin d'œil à Planet Hollywood) en 1998 à l'âge de 20 ans va conserver la marque et pourra poursuivre l'activité en franchise. Quatre nouvelles ouvertures sont prévues, assure la société, qui vont s'ajouter aux 39 restaurants actuels.

Accusant les autres chaînes de sushis de "concurrence déloyale", le fondateur de Planet Sushi vise notamment Sushi Shop, l'actuel leader du marché. C'est une bataille fratricide qui oppose les deux sociétés depuis des années. Les fondateurs de Planet Sushi et de Sushi Shop se sont connus sur les bancs du lycée à Paris. Si l'entente a été cordiale entre les deux groupes rivaux des années durant, le rachat de Sushi Shop en 2018 par le géant AmRest qui exploite les restaurants Pizza Hut, KFC ou encore Burger King en Europe a changé la donne. Le fondateur de Planet Sushi accuse le géant espagnol d'avoir copié ses méthodes et débauché ses cadres avec le rachat de Sushi Shop.

21 euros par personne

Au-delà de ces batailles judiciaires, c'est le secteur dans son ensemble qui n'est pas au mieux depuis quelques années. Le numéro 3 du secteur Eat Sushi qui visait 70 restaurants a par exemple revu ses ambitions à la baisse avec une trentaine de restaurants sur le territoire actuellement.

"Le sushi a reculé de 5 à 7% l'année dernière, confirme Bernard Boutboul, spécialiste de la restauration chez Gira. Il reste le produit le plus cher en restauration rapide et en livraison avec un prix moyen de 21 euros par personne contre 10-11 euros pour le burger et 12-13 pour la pizza."

Dans un contexte de forte inflation, le sushi fait les frais des arbitrages des consommateurs. A l'image d'ailleurs des achats de poisson frais en recul de près de 14% sur un an en grandes surfaces. D'autant que la préparation japonaise inclut principalement du saumon, un des poissons dont le prix a le plus flambé depuis un an. Le kilo de saumon frais en tranche s'affiche à près de 20 euros à Rungis contre moins de 10 en 2021. Les chaînes de restaurants doivent donc prendre sur leurs marges pour limiter la hausse des prix. Et à ce jeu-là, seules les plus grosses et les plus rentables peuvent se permettre un tel sacrifice.

Mais les difficultés du secteur sont peut-être plus profondes. Après avoir conquis les grands centres urbains, le sushi peine à devenir un plat vraiment populaire. Si la cuisine japonaise continue de séduire une clientèle de jeunes urbains aisés accro aux applications de livraison, elle n'a pas pénétré la France périphérique au même titre que le burger ou la pizza.

"C'est un marché qui est arrivé à maturité très rapidement, constate Bernad Boutboul. Mon sentiment c'est que les Français ne sont pas de grands amateurs de produits crus. La vague des kiosques en grande distribution a démocratisé le sushi mais on voit que même-là ça plafonne."

Passé l'euphorie des débuts, l'heure est désormais à la diversification pour ces kiosques qui sont très coûteux pour les magasins avec leur équipe dédiée. Ainsi Sushi Daily, un des leaders du secteur avec 300 kiosques installés dans les magasins Carrefour, Casino, Système U ou encore Monoprix propose désormais des poke bowl (un plat hawaïen qui n'a rien de japonais) et va même lancer une gamme de 10 plats de street food coréenne. La cuisine coréenne avec des préparations comme le bibimbap, ou le kimchi noodles rencontre un succès croissant en grande distribution (+63% en 2022) et pourrait détrôner la cuisine japonaise avec ses tarifs plus abordables.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco