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"C'est un scandale absolu": le patron d'Intermarché vent debout contre la proposition de loi sur les négociations

Invité sur BFM Business, Didier Duhaupand a à son tour fustigé le texte du député Descrozaille qui veut redonner du pouvoir aux industriels dans les négociations commerciales.

La proposition de loi du député Frédéric Descrozaille n'en finit pas de faire des remous dans la grande distribution. Après la charge de Michel-Edouard Leclerc sur Twitter, le coup de sang du patron de Lidl sur RMC, c'est au tour du président d'Intermarché de tirer la sonnette d'alarme contre ce texte qui sera examiné à partir du 16 janvier prochain à l'Assemblée Nationale.

Invité sur BFM Business ce vendredi, Didier Duhaupand n'a pas mâché ses mots contre cette proposition qualifiée d'inflationniste par la grande distribution.

"C'est un scandale absolu qui est en train de se passer", estime l'actuel patron du Groupement des Mousquetaires.

"Cette proposition de loi est une folie pour les consommateurs. Dans tout match, il y a deux équipes et un arbitre qui décide des règles. C'est la première fois qu'on laisse une équipe écrire elle-même les règles."

Le distributeur fait référence ici à l'article 3 de cette proposition de loi aux termes duquel si la négociation des prix n'aboutit pas entre le distributeur et l'industriel, c'est le prix décidé par ce dernier qui pourrait s'imposer. Or, avec la hausse des prix, notamment de l'énergie, les distributeurs craignent que les tarifs qu'ils seraient obligés d'accepter soient en très forte hausse, ce qui nourrirait la spirale inflationniste en rayons.

"Cette proposition est une folie"

Pour rappel, la législation actuelle permet aux distributeurs en cas d'absence d'accord de prolonger les prix d'achat négociés durant l'année précédente le temps de trouver un nouvel accord. Or avec la hausse des coûts, le maintien des prix d'achats de l'année précédente risquait de fragiliser les petits industriels.

C'est pour éviter une multiplication des faillites dans le secteur de l'agroalimentaire que le député Frédéric Descrozaille a fait cette proposition de loi. Le but étant de rééquilibrer selon lui le rapport de force entre une poignée de grands distributeurs et des dizaines de milliers d'industriels contraints de vendre leurs produits en grande distribution.

Un argument rejeté en bloc par le patron d'Intermarché.

"C'est une présentation complètement biaisée, estime Didier Duhaupand. [Le député] a parlé de plusieurs dizaines de milliers d'industriels. La plupart de ces industriels et notamment le syndicat des petits industriels qui représente 90% de ceux qui produisent dit "attention cette proposition de loi est une folie, elle va générer une hausse de prix de 40 à 50%"."

Le risque c'est qu'en cas de refus des nouveaux tarifs par la distribution, les industriels ne livrent plus les magasins.

"Les industriels n'hésitent pas, rappelle-t-il. Que ce soit Evian, Coca Cola, les grands industriels du café... Ils n'hésitent pas à couper leurs livraisons. Ces grands industriels multinationaux pour eux la France ça représente 1-2% de leur bilan, ils n'en ont rien à faire, ils n'hésiteront pas à couper les livraisons si nous n'acceptons pas sans discuter."

Des craintes jugées excessives par Jean-Philippe André, président d'Haribo France et de l'Ania, l'association des grands industriels de l'alimentaire.

"[Avec l'actuelle législation] En cas de désaccord, on est obligé de pratiquer les anciens prix mais avec 10% d'inflation vous comprenez bien que c'est impossible, a-t-il affirmé sur BFM Business ce jeudi. Il faut faire en sorte d'aller au bout des négociations mais si dans un cas de figure, vous avez un industriel qui dit "à ces conditions-là je ne peux pas", on prend le temps, on discute ensemble, on va peut-être voir le Médiateur et dans un nombre infinitésimal de cas, si je dois rompre, je peux rompre."

Le texte qui a été étudié et amendé ce mercredi 11 janvier en commission des affaires économiques sera discuté en séance plénière le 17 janvier prochain.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco