Sexe, super-héros et échange de fluides: Zep fait sa rentrée

Le créateur de Titeuf retrouve son compère Tébo pour un nouveau Captain Biceps où il se moque des récentes productions Marvel et DC. Il sort également la suite de Happy Sex, recueil de gags érotiques.

Rentrée chargée pour Zep. Après avoir imaginé en janvier dernier Paris en 2119, le créateur de Titeuf publie ce mois-ci la suite de Happy Sex, recueil de gags érotiques, et retrouve son compère Tébo pour un septième tome des aventures de Captain Biceps. Un album né d’une envie commune de retrouver "le doux bruit" des crânes qui se brisent, comme dirait Biceps: "Au bout d’un moment, ça manque, oui", sourit Zep. "On avait envie d’écraser un peu de cervelle", complète Tébo, qui a récemment travaillé sur les aventures du forcément plus sage Mickey: "C’était assez soft et j’avais envie d’une bonne bagarre entre mecs habillés en collant!" 

Depuis la sortie du sixième album il y a cinq ans, les récits super-héroïques ont proliféré dans les salles obscures. "Quand on a commencé Captain Biceps, on inventait beaucoup de super-héros et de super-méchants, parce que le grand public ne les connaissait pas - à part les Quatre Fantastiques, Hulk et Spider-Man. Maintenant, c’est devenu la culture populaire", explique Zep. "Même Iron Man n’était pas connu. C’est le film avec Robert Downey Jr. qui l’a fait connaître du grand public", précise Tébo.

Iron Man par Zep et Tébo © Glénat

Grâce à Disney-Marvel, les adaptations de comics comptent désormais parmi les productions les plus lucratives de Hollywood. Une cible parfaite pour le burlesque régressif de Tébo et Zep. "Dans Biceps, on exploite le potentiel comique des super-héros - ce que les films font assez peu", souligne Zep, fan de Jack Kirby (les Quatre Fantastiques) et Steve Ditko (Spider-Man) mais resté hermétique à ce genre de propositions cinématographiques: "Je n’aime pas les films de super-héros. Ça m’ennuie. Je trouve fastidieuses leurs longues scènes explicatives. Autant ça marche en BD, autant je n’arrive pas à y croire quand je vois dans les films les mecs en costume." 

"J’aime bien les déjections, les échanges de fluide"

Captain Biceps est un exercice de style: chaque gag commence par la rencontre de Biceps avec un super-héros et se termine par la défaite de celui-ci. Au milieu, Tébo et Zep s’amusent comme des sales gosses. Si les explosions de cervelle ont été bannies des films et des comics Marvel et DC, Captain Biceps prend un malin plaisir à écrabouiller, écarteler et torturer Batman, Thanos ou encore Iron Man. Groot finit en meuble Ikea. Fourmi-Man est éparpillé façon puzzle. Aquaman se noie dans l’urine de Captain Biceps. Grâce au trait de Tébo, les souffrances infligées par Captain Biceps - tout comme les explosions de tripes et les déjections dont le dessinateur est friand - restent bon enfant. 

"C’est un bon moteur comique", souligne le papa de Titeuf. "J’aime bien les déjections, les échanges de fluide. C’est très marrant, c’est notre côté animal. Je trouve ça assez graphique. C’est ce qui est particulier avec Biceps: le dessin de Tébo reste toujours joli et marrant, même quand il dessine quelque chose de trash. Il peut dessiner une crotte de chien et c’est marrant." 

Malgré le sort réservé à certains des super-héros les plus populaires du moment, Tébo et Zep n’ont pas hésité une seule seconde à employer leur véritable nom. Au début de la série, il y a vingt ans, ils avaient été contraints d’en inventer de nouveaux: "Pendant six albums, on a changé les noms", raconte Tébo. "Dans les premières histoires publiées dans le magazine Tchô, on utilisait les vrais noms, mais une semaine avant de boucler le bouquin, on nous a demandé de tout changer et j’ai dû ajouter aux noms un i ou un e", se souvient le dessinateur. "C’était un peu ridicule. C’est plus cool de mettre les vrais noms: c’est marrant de détruire des personnages qu’on a vénérés", poursuit Zep en rappelant que Biceps a notamment affronté Superdupont (avec la complicité de Gotlib).

Stan Lee par Zep et Tébo © Glénat

Dans le nouvel album, Captain Biceps affronte le plus grand des super-héros: Stan Lee. Tébo et Zep s’amusent avec l’image du créateur génial "qui pond des super-héros à la chaîne": "Je voulais le mettre sur des toilettes où il chie des super-héros. Zep m’a dit que c’était peut-être un peu trash", explique Tébo. "On a finalement repris cette idée à la fin lorsque Hulk sort du rectum de Stan Lee." "Cette image est incroyable", s’enthousiasme Zep. "C’est improbable à dessiner. C’est une page qu’on n’aurait pas pu faire avant parce que Stan Lee n’était pas aussi populaire. Maintenant, [grâce à ses apparitions dans les films Marvel], pratiquement tout le monde sait qui il est." 

"Raconter un super coup n’a pas grand intérêt"

Les super-héros sont omniprésents dans l’œuvre de Zep. Il a même imaginé, au temps de son blog, leur vie sexuelle. Sujet lui aussi majeur des BD de Zep, le sexe n’est pas présent dans Captain Biceps, mais dans Happy Sex, dont le deuxième tome sort le 18 septembre chez Delcourt. "L’idée, c’est de parler du quotidien, partir de l’intime pour aller vers l’universel. Ce sont des problématiques qui touche tout le monde - contrairement à celles d’être en collants jaunes et de faire régner la justice", indique Zep, qui a imaginé pour les besoins de Happy Sex un sex-toy en forme de … Titeuf. Dix ans après un premier volet truculent, le Genevois a voulu se pencher sur les nouvelles pratiques entourant la sexualité.

"En dix ans, pas mal de choses ont changé. Il y a de nouvelles histoires à raconter. On baise toujours de la même manière, mais la manière de se rencontrer [a changé]. [Il y a un] rapport plus conso au sexe… Même si on a vu 100.000 films pornos et qu’on peut parler de trucs crades dans les séries, parler de sexe dans le couple reste quand même quelque chose de casse-gueule, qui dérape assez souvent, dont on ne rit pas forcément."

Une idée qui sert de point de départ à de nombreux gags: "ce qui est drôle, c’est de raconter les ratages. Raconter un super coup n’a pas grand intérêt", poursuit encore le lauréat du Grand Prix d’Angoulême, qui s’est amusé à imaginer un ménage à trois avec Pascal Brutal. Si les fans de Riad Sattouf seront comblés par cette apparition ("il est super bien dessiné", souffle Tébo), ceux de Captain Biceps seront déçus: le meilleur super-héros de tous les temps ne sera pas invité dans les pages de Happy Sex: "J’ai un problème: si on lui enlève son costume, il n’a pas de nez", révèle Zep. "Fred [Tébo, NDLR] a essayé de le dessiner avec un nez, mais ça ne fonctionne pas du tout. Biceps a une couille sur la tête, ce qui peut être drôle à la limite, mais l’absence de nez est un vrai problème pour moi."

Pascal Brutal dessiné par Zep dans Happy Sex 2 © Delcourt

Captain Biceps, tome 7, L’Increvable, Tébo (dessin) et Zep (scénario), Glénat, 48 pages, 10,50 euros. Déjà en librairie. Une intégrale de la série sort le 9 octobre.

Happy Sex 2, Zep (scénario et dessin), Delcourt, 64 pages, 17,50 euros. Sortie le 18 septembre.

Jérôme Lachasse