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Culture

Restitution de deux tableaux de Renoir et Sisley spoliés sous l'Occupation

Le tableau de Sisley, "Les Péniches", spolié à un galeriste juif pendant la guerre.

Le tableau de Sisley, "Les Péniches", spolié à un galeriste juif pendant la guerre. - Ministère de la Culture

Deux tableaux, un Renoir et un Sisley, spoliés à un galeriste juif pendant la guerre, vont être restitués ce jeudi à ses ayants droit.

La ministre de la culture Rachida Dati doit restituer jeudi un tableau d'Auguste Renoir et un autre d'Alfred Sisley aux ayants droit d'un galeriste juif, Grégoire Schusterman (1889-1976), spolié pendant l'Occupation.

Il s'agit des Cariatides de Renoir, représentant deux femmes nues dans un style art déco, peint en 1909 et qui est une variante d'autres panneaux décoratifs dont deux appartiennent à la collection Barnes aux Etats-Unis. Le galeriste l'avait acquis aux enchères en 1939.

Le deuxième tableau, intitulé Les Péniches, a été peint en 1870 par le peintre britannique né en France Alfred Sisley et représente un port normand dans lequel sont amarrées des péniches.

La Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) a considéré que Grégoire Schusterman "avait dû vendre les deux tableaux en raison des persécutions antisémites, pour fuir Paris et subsister pendant la guerre et qu'il s'agissait donc de ventes forcées". Elle a dès lors recommandé leur restitution à ses ayants droit, a précisé à l'AFP le ministère de la Culture.

Retrouvé en Rhénanie

Après la Seconde Guerre mondiale, les Cariatides ont été récupérées par les Alliés au château de Thalhausen, en Bavière. Les Péniches de Sisley ont été retrouvées en Rhénanie.

Les tableaux ont ensuite été "transportés au (point de rassemblement des œuvres) de Munich pour le Renoir et à celui de Baden-Baden pour le Sisley, puis rapatriés en France. Ils ont été sélectionnés en 1950 parmi les 15.000 dernières œuvres revenues d'Allemagne et non restituées et sont devenus des oeuvres 'Musées nationaux récupération' (MNR)", selon le ministère.

Depuis les années 1950, les oeuvres MNR ont été confiées aux musées de France. Elles sont répertoriées et peuvent être rendues aux descendants des propriétaires spoliés, souvent après de longues démarches, facilitées depuis 2019 par une mission créée spécifiquement au sein du ministère de la Culture afin d'accélérer les difficiles recherches sur leur provenance.

En 1950, Les Péniches et les Cariatides ont été confiées à la garde du musée du Louvre, puis, en 1986, du musée d'Orsay. L'œuvre de Sisley a été déposée au musée de Dieppe en 1954 et celle de Renoir a été conservée successivement au musée Masséna puis au musée des beaux-arts Jules-Chéret de Nice et, à partir de 1995, au musée Renoir de Cagnes-sur-Mer.

Notes clandestines

Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont pillé méthodiquement les œuvres d'art détenues par les juifs, qui ont été revendues, collectionnées par les hauts dignitaires ou destinées au mégaprojet de musée "Führermuseum" de Hitler.

Dans la France occupée, les œuvres pillées transitaient par le musée du Jeu de Paume, à Paris, avant d'être envoyées en Allemagne. Elles ont aussi fait l'objet d'un important trafic, évoqué au cinéma par le récent film Le tableau volé de Pascal Bonitzer.

Grâce aux notes clandestines prises par une attachée de conservation, Rose Valland, quelque 60.000 oeuvres et objets ont été récupérés en Allemagne et renvoyés en France, sur une estimation de quelque 100.000 spoliés. Un chiffre qui "semble sous-évalué, de nombreuses familles n'ayant pas signalé la disparition de leurs biens à la Libération", souligne le ministère.

Les deux tiers d'entre eux, environ 45.000, ont été restitués à leurs propriétaires avant 1950. La plupart des autres pièces ont été vendues, à l'exception de quelque 2.200 non réclamées, confiées à titre provisoire à la garde des musées nationaux.

Au total, depuis 1950, 188 oeuvres et objets MNR et assimilés ont été restitués.

Contrairement aux œuvres MNR, d'autres œuvres spoliées entrées dans les collections publiques ne pouvaient être restituées qu'au cas par cas avec l'adoption d'une loi spécifique, en vertu du principe d'inaliénabilité des oeuvres d'art des musées.

Une loi-cadre du 22 juillet 2023 a ouvert une dérogation à ce principe pour les biens spoliés dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Le propriétaire public (Etat ou collectivité territoriale) peut désormais décider la restitution d'un bien spolié après avis d'une commission administrative ad hoc.

M. R. avec AFP