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Les détectives privés continuent de fasciner, loin des réalités du métier

Martine Baret, qui gère l'agende de détectives Duluc à Paris

Martine Baret, qui gère l'agende de détectives Duluc à Paris - Bertrand Guay / AFP

Martine et Jean-Claude Baret gèrent l’agence de détectives Duluc à Paris. A l'occasion de la sortie de la BD Atom Agency, ils racontent l'évolution de leur métier.

Août 1949. Les bijoux de la Bégum, alias Om Habibeh, l’épouse du prince sultan Aga Khan III, sont dérobés par le truand marseillais Paul Leca dans le sud de la France. L’affaire, retentissante, est devenue si célèbre qu’elle aurait inspiré à Hergé une aventure de Tintin, Les Bijoux de la Castafiore. Presque soixante-dix ans après, elle est le point de départ d'une nouvelle BD, Atom Agency (Dupuis), dont le lancement a été organisé chez Duluc, mythique agence parisienne de "privés". L’occasion de confronter le mythe à la réalité.

Piliers de l’agence depuis quarante-cinq ans, Martine et Jean-Claude Baret se souviennent bien de cet été 1949 et de l’affaire de la Bégum. "Nous, on l’a vécu. Mais on était trop jeune pour la traiter", lance Martine Baret, dont le père a acheté l’agence Duluc en 1945. "J'ai retrouvé dans Atom Agency ma jeunesse: les autobus, les décors, les affiches de catchs, le phrasé... L’ambiance est très bonne."

"La brigade des cocus"

Suivant le modèle de Gil Jourdan, célèbre BD policière des années 1950 et 1960, Atom Agency raconte l’histoire d’un jeune homme, Atom Vercorian, qui rêve de devenir détective privé et fonde son agence. Son enquête sur la disparition des bijoux de la Bégum va offrir à ce fils de flic l’occasion de s’illustrer...

Fin connaisseur du milieu, Jean-Claude Baret pointe que ces personnages nés dans l'imagination du scénariste Yann et du dessinateur Olivier Schwartz "correspondent au célèbre inspecteur Roger Borniche et à son fils Christian, qui avaient une agence de détectives privés." À cette époque, l'âge d'or de la profession, "il devait y avoir quatre privés sur la place de Paris", complète sa femme. "Et c’était surtout les divorces. On les appelait la 'Brigade des cocus'."

Duluc
Duluc © Bertrand Guay / AFP

"Qui dit arme, dit soucis."

Yann et Olivier Schwartz ont privilégié le réalisme. Au lieu de prendre modèle sur des archétypes, comme Humphrey Bogart et Robert Mitchum, le duo s’est inspiré de… Charles Aznavour. Yann et Olivier Schwartz racontent avoir été marqués en particulier par l’allure du chanteur qui "représente bien la période de l’après-guerre" avec "son côté artiste qui cachetonne, de type qui a faim, qui en veut et qui est prêt à tout".

Contrairement aux idées reçues et aux aventures racontées dans Atom Agency, les privés se rendent "très peu sur le terrain" et le métier "n’est pas particulièrement dangereux", précise le couple Baret. Pour autant, il nécessite des compétences particulières: "Il faut être extrêmement intelligent", indique Martine Baret. Son mari, qui se contente de glisser que certains dossiers peuvent être "un peu chaud", ajoute qu’il peut cependant "rentrer dans le lard" lorsque la situation l’y oblige.

Ce dernier évoque alors à demi-mot une de ses affaires, "un dossier à caractère personnel". Il n’en dira pas plus, si ce n’est qu’il a été repéré et qu’un "groupe" l’a attendu devant son hôtel pour le "dissuader" de poursuivre son enquête. Cet incident reste un cas isolé: son métier, martèle-t-il, consiste à "éviter l’affrontement". Contrairement à Humphrey Bogart ou à Atom Vercorian, les époux Baret ne distribuent pas des bourres-pifs et ne portent pas d’armes à feu. "Il est fortement déconseillé d’avoir une arme", martèle Jean-Claude Baret. "Qui dit arme, dit soucis." En bons raconteurs d'histoires, Yann et Olivier Schwartz adorent les soucis et Atom Agency regorge donc de scènes d'action.

Extrait d'Atom Agency
Extrait d'Atom Agency © Dupuis 2018

"L’huissier faisait le constat des draps"

Le métier a bien changé depuis les années 1940. La "brigade des cocus" n’existe plus. Le constat d’adultère est désormais un loin souvenir. Le dernier remonte à une quinzaine d’années, se souvient Jean-Claude Baret: "Il fallait l’avis du juge, c’était toute une procédure. C’est nous qui donnions le feu vert, qui disions à l’huissier que l’on pouvait entrer dans la chambre [où étaient les amants]. Et on n’avait pas intérêt à se planter!" Pour s’assurer de l’adultère, "l’huissier faisait le constat des draps", ajoute Martine Baret.

Leurs journées sont désormais principalement consacrées à des enquêtes financières. Les clients ne se déplacent plus et contactent le couple "par le canal des avocats". Jean-Claude Baret enquête actuellement sur un bronze et doit retrouver ses différents acheteurs. Une affaire qui le plonge dans l’Espagne des années précédant et suivant la Seconde Guerre mondiale: "J’ai peur que ça m’amène assez loin..."

Atom Agency, Yann (scénario) et Olivier Schwartz (dessin), Dupuis, 56 pages, 15,95 euros.

pour en savoir plus

"La Petite bédéthèque des savoirs" sort Le Grand Banditisme par Jérôme Pierrat (scénario) et David B (dessin). Jérôme Pierrat connaît bien le sujet: il a notamment écrit un livre d’entretiens avec le multirécidiviste Redoine Faid. Cette histoire de la pègre française retrace l’évolution d’un grand banditisme qui a toujours été l’un des plus habiles pour suivre les évolutions de la société et se renouveler.

Le Grand Banditisme, Jérôme Pierrat (scénario) et David B (dessin), Le Lombard, “La Petite bédéthèque des savoirs”, 72 pages, 10 euros.

Jérôme Lachasse