Sam Bankman-Fried reconnu coupable: retour sur les temps forts du procès FTX

Le procès de l'ex-patron de FTX s'est achevé jeudi 2 novembre par la reconnaissance de sa culpabilité. BFM Crypto revient sur les temps forts de ce procès aux multiples rebondissements.

Quatre semaines après l’ouverture de son procès, le verdict est tombé. Sam Bankman-Fried, l’ex-patron de la bourse crypto FTX, a été reconnu coupable jeudi 2 novembre de 7 chefs d’accusation. L'homme de 31 ans a notamment trompé ses investisseurs et détourné l'argent de ses clients pour son enrichissement personnel, ainsi que pour combler les pertes de sa filiale de trading Alameda Research. Plus de 8,7 milliards de dollars de cryptomonnaies de clients et entreprises ont disparu à la suite de l'effondrement de FTX en novembre 2022.

Son procès s’était ouvert le 3 octobre dans un tribunal de New York, voyant défiler de nombreux témoins, du côté de l’accusation et de la défense. Même Sam Bankman-Fried a décidé de prendre la parole à la fin du procès, ce qui est rare dans les procès pénaux aux Etats-Unis. Ces témoignages ont permis de mieux cerner le personnage qui se cache derrière l'ancienne star des cryptos qui encoure aujourd'hui jusqu’à 110 ans de prison. Si ses avocats feront probablement appel, sa peine sera donnée par le juge fédéral en charge du procès FTX, Lewis Kaplan, le 28 mars 2024.

Une semaine avant sa chute, FTX était valorisée plus de 32 milliards de dollars. Aujourd'hui, plus de 9 millions de créanciers (particuliers et entreprises) n'ont plus accès à leurs fonds et ne savent pas quand ils pourront les récupérer. BFM Crypto revient sur les temps forts de ce procès de grande ampleur.

• Des jurés qui n’ont jamais entendu parler du bitcoin

Dans le cadre d’un procès pénal aux Etats-Unis, des jurés (qui constituent un "jury populaire") sont interrogés par les deux parties (l’accusation et la défense). Ils doivent rendre un verdict sur la culpabilité de l’accusé, "au-delà de tout doute raisonnable" et à l'unanimité.

Le premier jour du procès a été consacré à la sélection d’un jury impartial, c'est-à-dire qui connaissait le moins possible cette affaire ainsi que le monde des cryptomonnaies. Après avoir posé plusieurs questions au premier panel de jurés, notamment sur leur rapport aux cryptomonnaies, le juge fédéral a sélectionné 12 personnes. Les jurés "qui pourraient décider du sort de SBF n’ont peut-être jamais entendu parler du bitcoin. Pourtant, dans une petite salle d’audience de Manhattan, ce seront eux qui enverront SBF en prison ou le libéreront", avait pointé le média The Block.

• Ce livre polémique sorti le jour de l’ouverture du procès

Le jour de l’ouverture du procès est sorti un livre qui a affolé la communauté crypto. Il s'agit d'une biographie de SBF intitulée "Going Infinite", par l'auteur américain Michael Lewis. Ce dernier s'est entretenu avec SBF, avant, pendant et après la chute de FTX. On y apprend notamment que SBF a tenté de payer 5 milliards de dollars Donald Trump pour éviter qu'il se représente à l'élection américaine de 2024. Au delà du montant évoqué, SBF se demandait surtout si tout cela était bien "légal". Le scénario ne s'est finalement jamais produit: les discussions ce sont poursuivies jusqu'à ce que FTX explose, faisant fondre la fortune de l'ex-milliardaire.

BFM Crypto, le Club : Le vrai visage de Sam Bankman-Fried révélé à son procès - 16/10

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• Ce Français, premier témoin, qui a perdu 100.000 dollars sur FTX

Marc-Antoine Julliard, un négociant en cacao d'origine française, a perdu plus de 100.000 dollars en cryptos avec la faillite de FTX en novembre 2022. Ce dernier fait partie des 9 millions de créanciers ayant perdu l’accès à leurs fonds au moment de la chute de FTX. L'homme a déclaré qu’il avait fait confiance à SBF lorsque ce dernier a tweeté que les "actifs allaient bien" quand la situation a commencé à se dégrader pour la bourse crypto.

L'ancien patron de FTX finira par supprimer ce tweet. Marc-Antoine Julliard tente alors de récupérer ses cryptomonnaies, en vain. En effet, pour faire face à l'afflux massif des utilisateurs avec la tempête qui frappait FTX, la plateforme a cessé tout retrait possible. Le 11 novembre, FTX annonce se placer sous la protection de la loi américaine sur les faillites (chapitre 11) le 11 novembre.

• "C'est lui qui a mis en place le système": le témoignage choc de Caroline Ellison, ex-compagne de SBF

Le 11 novembre 2022, Caroline Ellison quittait la tête de la firme de trading Alameda Research, tombée en même temps que FTX. Agée de 28 ans, Caroline Ellison a une relation singulière avec SBF, à la fois professionnelle et personnelle, puisqu'elle fut sa petite-amie de l'été 2020 au printemps 2022. D'un point de vue professionnel, elle rejoint en mars 2018 Alameda Research, en devient co-dirigeante en octobre 2021 avec Sam Trabucco, avant d'en prendre le contrôle en août 2022 à la démission de ce dernier.

Au début du procès de SBF, les avocats ont fait de Caroline Ellison une coupable idéale, discréditant son rôle en tant que patronne de la firme de trading. SBF avait prévenu Caroline Ellison de couvrir Alameda Research aux fluctuations du marché, ce qu’elle n’aurait pas fait, pointaient les avocats. Loin d'être destabilisée, celle qui plaidera coupable des 7 mêmes chefs d'accusation que SBF, tiendra une ligne de défense précise. SBF "m'a donné des instructions pour commettre ces crimes", a déclaré cette dernière lors du procès. "C'est lui qui a mis en place le système" qui a permis de siphonner les fonds de clients de FTX, a-t-elle assuré.

Alors que SBF avait dévoilé le journal intime de Caroline Ellison l'été dernier, elle est rentrée dans son jeu, révélant à son tour le train de vie de l'ex-milliardaire. Lors de son témoignage, elle a notamment présenté aux juges un Google Doc dans lequel elle avait dressé une liste des "choses qui font paniquer" SBF. Ce dernier voulait acheter le réseau social Snapchat ou encore lever des fonds auprès du prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane. Il cherchait aussi à "amener les régulateurs à sévir contre Binance". Sa stratégie était bien rodée. Cette dernière a aussi décrit la stratégie marketing employé par ce dernier pour se donner un air de patron simple, à l'inverse de son réel train de vie à base de jets privés et de voitures de luxes.

• Alameda Research pouvait "retirer des fonds illimités": le témoignage cinglant de Gary Wang

Après Caroline Ellison, le témoignage de Gary Wang, co-fondateur de FTX et directeur de la technologie de la bourse crypto, a sonné comme un coup de tonnerre. Au même titre que cette dernière, il a reconnu la culpabilité de SBF dans la chute de FTX.

"Nous avons autorisé Alameda Research à retirer des fonds illimités", a admis le monsieur 'code' de FTX, devant le procureur américain. "Où ces privilèges spéciaux ont-ils été accordés?", a demandé le procureur américain. "Dans le code", a-t-il répondu.

L'homme de 31 ans, ami de lycée de SBF, a révélé qu'en juillet 2019, SBF lui a demandé de créer une "porte dérobée" permettant à Alameda Research d'emprunter l'argent des clients de FTX. Au final, Alameda Research pouvait emprunter jusqu'à 65 milliards de dollars. Jusqu'à 14 milliards de dollars de fonds des clients de FTX ont transité vers la filiale de trading.

• Le train de vie de star de Sam Bankman-Fried

Après Caroline Ellison et Gary Wang, l'ex-cadre dirigeant de FTX Nishad Singh, a également enfoncé le clou. Lorsque ce dernier a découvert "un trou" de 8 milliards de dollars dans les comptes des clients de FTX, il s'est dit "aveuglé et horrifié", admettant avoir eu des pensées suicidaires au moment de l'effondrement de FTX.

Ce dernier a longuement évoqué l’ancien train de vie du dirigeant de FTX. Par exemple, SBF avait "rencontré les personnes les plus impressionnantes de sa vie", lors d’une soirée après le Super Bowl chez Michael Kives, un ancien agent hollywoodien, connu pour son large carnet d'adresses. Au cours de cette soirée, SBF a croisé Hillary Clinton, alors en campagne électorale pour la présidentielle américaine, mais également de nombreux acteurs, dont Orlando Bloom, Kate Hudson et Leonardo DiCaprio. Cette soirée n'est qu'un exemple du train de vie de l'ex-milliardaire dont la fortune était estimée à plus de 26 milliards de dollars au sommet de FTX.

• Le témoignage chaotique de SBF, entre confusion et déclarations insolites

De plus en plus seul dans ce procès, SBF a finalement décidé de témoigner au cours de la troisième semaine du procès. "J'ai fait plusieurs petites erreurs et aussi de grosses erreurs", a admis l'accusé. "La plus importante a été, de loin, de ne pas avoir mis en place une équipe de gestion des risques", a poursuivi ce dernier.

"Avez-vous escroqué qui que ce soit?", lui a demandé son avocat Mark Cohen. "Je n'ai pas fait cela", a répondu ce dernier. L'ex-star des cryptomonnaies a souvent évoqué un problème de mémoire pour esquiver les questions destabilisantes de la procureure amércaine Danielle Sansson. Il était plus simple pour lui de tenir un argumentaire: Caroline Ellison était la principale coupable.

A mesure que FTX grandissait, "il est devenu intenable pour moi de diriger les deux sociétés", a expliqué l'ancien milliardaire. Dès lors, "je n'étais plus impliqué dans la gestion quotidienne d'Alameda", a-t-il précisé.

De même, SBF a fait une déclaration étonnante lors du procès. Il a indiqué qu’il avait lancé Alameda Research en 2017 après avoir discuté avec deux personnes lui expliquant "avec enthousiasme" l'univers des cryptomonnaies. Or, à la question de savoir ce que ce dernier connaissait aux cryptomonnaies en 2017, SBF a déclaré vendredi dernier, "fondamentalement, je n’y connaissais rien".

• "Il se croyait au-dessus de la loi": SBF reconnu coupable de tous les chefs d'accusation

Avec une témoignage confus, SBF n'a pas réussi à convaincre le jury. Jeudi 2 novembre, à l'unanimité, il a été reconnu coupable de 7 chefs d'accusation. "Sam Bankman-Fried pensait qu'il était au-dessus de la loi. Le verdict d'aujourd'hui prouve qu'il se trompait", a déclaré, dans un communiqué, le ministre de la Justice, Merrick Garland.

"Nous respectons la décision du jury, mais nous sommes très déçus du résultat", a réagi, de son côté, Mark Cohen, l'avocat de SBF. "M. Bankman-Fried maintient qu'il est innocent et va continuer à contester avec vigueur les charges retenues contre lui."

Si ses avocats vont sûrement faire appel, la peine de SBF sera donnée par le juge fédéral Lewis Kaplan le 28 mars 2024.

Pauline Armandet