BFM Crypto
Régulation

Comment l'écosystème crypto a vécu la grande réunion au Louvre des banquiers centraux

Le marché des cryptomonnaies atteint 2000 milliards de dollars

Le marché des cryptomonnaies atteint 2000 milliards de dollars - AFP

Régulation, Bitcoin, DeFi... De nombreux sujets ont été évoqués mardi par les banquiers centraux au Musée du Louvre. Qu'en a pensé l'industrie crypto?

Mardi, des banquiers centraux se sont donnés rendez-vous au Musée du Louvre pour parler d'innovation et de régulation... mais surtout de l'écosystème crypto.

Présent à l'évènement en tant qu'observateur, Alexandre Stachtchenko, cofondateur de Blockchain Partner et directeur blockchain et cryptos chez KPMG France, a fait un tweet ironique au sujet de cette conférence, qui a été suivie de nombreux commentaires de la part de l'écosystème.

Alors que les banquiers centraux se sont réunis pour parler des cryptomonnaies, aucun membre de l'industrie n'était là en tant que contradicteur. Seul Hadrien Zerah, directeur général de Nomadic Labs, pourrait être vu comme tel, mais sa société mène des expérimentation de monnaie digitale de banque centrale avec la Banque de France.

"Un sujet global par essence"

Car c'est vrai, les banquiers centraux se sont réunis pour montrer que les "grands maîtres des monnaies", c'était encore entre eux.

"La conférence avait pour but de montrer que les présidents des plus grandes banques centrales étaient alignés sur le sujet des cryptomonnaies, de leur encadrement, et prêts à se coordonner sur un sujet global par essence", explique à BFM Crypto Alexandre Stachtchenko, cofondateur de Blockchain Partner et directeur blockchain et cryptos chez KPMG France.

C'est à ce titre que le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, a appelé à une coordination internationale pour réguler les cryptomonnaies. Il espère d'ailleurs une mise en place du règlement MiCa (pour Market in Crypto Assets) d'ici le mois de mars prochain.

"Des dangers ancestraux"

"Nous, les banquiers centraux, devons être à la fois du côté de l’innovation et de la régulation", a déclaré le gouverneur de la Banque de France dans son discours d'ouverture.

Ce dernier s'est montré critique vis-à-vis de l'écosystème:

"Récemment, plusieurs acteurs du monde des crypto-actifs, comme les 'stablecoins', le protocole DeFi, les plateformes de prêt, les hedge funds, ont connu des difficultés, démontrant en pratique ce que beaucoup de régulateurs et de banques centrales clament depuis des années: ces nouveaux outils de paiement et de finance ont libéré des dangers ancestraux, rendant nécessaire une régulation robuste du secteur", considère-t-il.

Pour lui, l'adoption du bitcoin comme monnaie légale par le Salvador est "regrettable", même si elle constitue "une expérience intéressante d’une tentative forcée de qualifier de monnaie ce qui n’est rien de plus qu’un crypto-actif". Logiquement, ce dernier porte un regard critique sur le bitcoin.

"Le grand public se méfie aussi à juste titre du bitcoin, car il ne présente pas la plupart des caractéristiques fondamentales d’une monnaie et n’en respecte aucune des exigences éthiques", indique-t-il.

"Une banque centrale ne peut pas dire autre chose"

Globalement, la conférence n'a pas été l'occasion pour les autorités de faire de grandes annonces.

"Il n’y a pas de surprise dans leurs discours et l'on pouvait s'y attendre. Fondamentalement, une banque centrale ne peut pas dire autre chose tant qu’il n’y aura pas une adoption massive", considère Alexandre Stachtchenko.

Parmi les discours des banquiers centraux, celui du président de la Réserve fédérale (Fed) Jerome Powell est apparu comme plus mesuré aux yeux des membres de l'écosystème. C'est ce qu'estime par exemple Artem Sinyakin, co-fondateur du média Oak Invest spécialisé dans les cryptomonnaies.

Pas d'impact majeur sur la finance internationale

Jerome Powell a par exemple admis que si les cryptomonnaies peuvent créer des risques sur le système monétaire, ce risque n'est pas à surévaluer, le dernier crypto-krach n’ayant pas eu d’impact majeur sur la finance internationale.

"Selon lui, cette situation ne va pas pour autant durer éternellement et si les cryptomonnaies se démocratisent rapidement, il faut agir pour les réguler, d'autant plus si elles touchent des particuliers. De même, par rapport aux autres banquiers centraux, il a estimé que le projet de dollar numérique porté par les Etats-Unis devait être associé à un aspect démocratique", souligne l'expert.

De même, pour ce dernier, certains propos évoqués lors de la réunion n’étaient pas totalement faux. Agustin Carstens, le directeur général de la Banque des règlements internationaux (BRI) a par exemple expliqué que la finance décentralisée (DeFi) n’avait pas vraiment de liens avec l’économie réelle. "C’est vrai car le secteur est relativement récent. Cela ne doit pas pour autant conduire à surréagir", ajoute-t-il.

Des propos de Lagarde inquiétants

L'idée de cette conférence était aussi de jeter les bases des futures monnaies de banques centrales. Ces monnaies digitales ne seraient pas anonymes car il y aurait une vérification d'identité pour les utilisateurs. Le gouverneur de la banque de France a d'ailleurs évoqué une date approximative pour le lancement d'un euro numérique, autour de 2026 ou 2027.

"Christine Lagarde a déclaré que la Banque populaire de Chine était en avance sur la Banque centrale européenne au sujet de son projet de monnaie digitale de banque centrale. Est-ce qu’elle sous-entend qu’elle prend la Chine comme modèle pour appliquer un tel projet? Si oui, c’est inquiétant", glisse Alexandre Stachtchenko.
Pauline Armandet