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Régulation

Ce que pensent Emmanuel Macron et Marine Le Pen des cryptomonnaies

Alors qu'Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affronteront lors d’un débat à la télévision ce mercredi soir, BFM crypto fait le point sur leurs prises de positions sur les cryptomonnaies.

Bien que 8 % des Français détiennnent des cryptomonnaies, le sujet est resté quasiment absent des programmes des candidats à l'élection présidentielle.

Changement de position pour Marine Le Pen

En 2017, Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement National (anciennement Front National) s'était prononcée en faveur de l'interdiction du bitcoin, le considérant comme dangereux. A cette époque, le bitcoin bien que très volatil commençait à gagner en popularité. Cinq ans plus tard, Marine Le Pen, qui affronte pour la deuxième fois Emmanuel Macron au second tour de l'élection présidentielle, a changé d'avis sur les crypto-actifs. Il n'est plus question d'interdire le bitcoin, mais de le réguler.

"Marine Le Pen veut réguler le bitcoin pour éviter une dérégulation des marchés financiers, éviter une bulle spéculative. Elle a également mis en garde sur le fait qu’il pourrait y avoir des trafics sur les crypto-monnaies, et donc qu’il est important de les réguler", explique Bénédicte Augé, analyste marchés chez XTB France.

Dans son programme de campagne, Marine Le Pen préfère le terme crypto-actifs au terme cryptomonnaies, suivant en cela la position de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Son programme précise que "les cryptoactifs doivent être placés sous le régime commun des marchés financiers". Cette position a été détaillée dans Les Numériques par Jean-Lin Lacapelle, le responsable de la campagne numérique de Marine Le Pen.

"Nous souhaitons les intégrer au droit commun des marchés financiers: c’est avantageux pour les détenteurs de crypto-actifs (...) ; et c’est également avantageux pour la société, car cela permet de lutter contre la fraude, de qualifier pénalement et de poursuivre les délits d’initiés et manipulations de cours qui sont légion sur ces marchés".

Le Rassemblement National envisage de proposer un régime fiscal allégé pour les cryptomonnaies adossées "à des projets technologiques d’intérêt général identifiés par l’État, afin de favoriser l’investissement privé". Une proposition plutôt attractive pour l'écosystème français des cryptomonnaies.

Aujourd'hui, les plues-values sur les cryptomonnaies rentrent dans le champ de la "flat tax" de 30%. Il s'agit de ce qu'on appelle le prélèvement forfaitaire unique (ou PFU), composé de 12,8% d'impôt sur le revenu et de 17,2% de prélèvements sociaux. Les contribuables peuvent toutefois choisir d'opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu, si cela est plus avantageux. Enfin, il existe une exonération d’impôt si la totalité des cessions imposables sur toute l’année est inférieure à 305 euros de plus-values.

Emmanuel Macron pour un "métavers européen"

Si Emmanuel Macron a mis en place des mesures pour réguler les cryptomonnaies durant son mandat (notamment éclaircir la fiscalité qui s'applique), la thématique est absente de son programme. En revanche, le candidat a récemment évoqué la création d'un "métavers européen", qui mettrait en relation les capacités de tous les acteurs européens sur le sujet.

"Nous nous battrons pour bâtir un métavers européen. C’est un sujet clé à la fois pour la création, mais aussi pour la capacité à permettre à tous nos créateurs, quels que soient leurs champs culturels et leurs champs d’activités, de créer et de ne pas dépendre d’acteurs ou d’agrégateurs anglo-saxons ou chinois, qui pourront totalement contourner les règles de respect des droits d’auteur ou des droits voisins", a déclaré Emmanuel Macron le 17 mars 2022, lors d'une conférence de presse.

Ainsi, alors que Marine Le Pen a opéré un changement stratégique vis-à-vis des cryptomonnaies, Emmanuel Macron semble vouloir rester sur la même ligne vis-à-vis de ces actifs.

"On sait qu’Emmanuel Macron veut continuer de renforcer la régulation, car les cryptomonnaies sont encore exposées aux risques de cyber-attaques. Emmanuel Macron veut continuer d’agir en ce sens, continuer de réguler les crypto-monnaies et accroître la compétitivité de la France dans le domaine de la blockchain", précise Bénédicte Augé.

Parmi les mesures mises en place par Emmanuel Macron durant son mandat, la loi Pacte a créé le statut de prestataires sur actifs numériques (PSAN), qui donne une crédibilité aux acteurs qui obtiennent l'agrément délivré par l'AMF.

"J’ai défendu une ligne équilibrée en adaptant les règles pour défendre une fiscalité juste et protéger les épargnants, tout en faisant preuve de souplesse pour ne pas brider l’innovation et les nouveaux usages. La loi de finances pour 2022 a encore clarifié le cadre fiscal des crypto-actifs. Nous avançons vers un cadre stable et simple. Je me félicite également de voir des acteurs français s’imposer au niveau mondial dans le domaine des crypto-actifs, comme Ledger ou Sorare, et d’attirer sur notre territoire des grands acteurs étrangers pour leur implantation. Il faut néanmoins rester vigilant à l’impact environnemental de ces nouvelles technologies et à ce que l’attrait pour les crypto-actifs ne prive pas notre économie réelle des financements dont elle a besoin", a déclaré Emmanuel Macron sur Zonebourse début avril.

Un débat qui se fait désormais au niveau européen

Alors que la France est à la tête de la présidence de l'Union européenne, Emmanuel Macron ne s'est pourtant pas prononcé sur les débats actuels en matière de règlementation européenne, notamment sur Mica (pour "Market in Crypto Assets", qui vise à réguler le marché des cryptos) et le TFR (pour "Transfer of Funds Regulation", qui vise à lutter contre le blanchiment d’argent sur les transferts de fonds).

Si les deux candidats se prononcent peu sur le sujet des cryptomonnaies, "c’est que la France ne va plus avoir beaucoup de marge de manœuvre au niveau des cryptomonnaies. Les chefs d’Etat auront leur mot à dire dans le cadre du trilogue européen. Alors que la France a mis en place des cadres précurseurs dès 2018 et 2019 sur les cryptomonnaies, c’est au niveau européen que tout se joue désormais", confie à BFM Crypto le député français Pierre Person (LREM), à l'origine de plusieurs amendements sur la fiscalité applicable aux cryptos lors de la mandature actuelle.

Au final, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont compris "qu’il faut proposer un cadre pour développer les entreprises du secteur, rendre la France compétitive par rapport aux autres pays", souligne Bénédicte Augé. "On peut se poser des questions quant au revirement de Marine Le Pen sur les cryptomonnaies, de nouveau à la veille d’une campagne présidentielle", s'interroge toutefois Bénédicte Augé.

Pauline Armandet