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En 1924, l'édition du Carnaval de Nice s'était déroulée fin février sur le thème des Mille et Une Nuits.

Gallica (BnF)/Agence presse Meurisse

Carnaval de Nice: thème Mille et Une Nuits, hymne... À quoi ressemblait la fête il y a 100 ans?

En 1924, les Niçois renouent avec l'esprit de fête après la fin de la guerre. Cette année-là, le carnaval bat son plein dans les rues de Nice sur un thème qui associe la richesse, les rêves et le voyage. Cent ans plus tard, le Carnaval de Nice est toujours un événement emblématique de la région. BFMTV.com s'est plongé dans les archives de l'époque.

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"Nice est un vivant kaléidoscope un matin de carnaval." Une observation qui est encore certainement vraie, mais qui a pourtant été faite il y a désormais cent ans par l'hebdomadaire local L'Éclaireur du Dimanche, lors de l'édition 1924 du Carnaval de Nice. Car l'événement (qui se déroulera cette année du 17 février au 3 mars) était déjà célébré à l'époque.

Le carnaval de Nice a même célébré, en 2023, ses 150 ans d'existence. Car si les premières mentions du carnaval niçois remontent à 1294, quand le comte de Provence Charles Anjou avait évoqué son passage dans la cité azuréenne pour "les jours joyeux du carnaval", ce n'est qu'en 1873 que le premier carnaval officiel a lieu à Nice.

Pendant près de cent ans, l'événement subit diverses transformations "autour du grotesque et du fabuleux", retrace le carnaval sur son site, avec l'adoption des fameuses batailles de fleurs en 1876, puis de la première affiche en 1889, jusqu'à la formule que l'on connaît aujourd'hui.

Les "marmites carnavalesques" lors de l'édition 1924 du Carnaval de Nice.
Les "marmites carnavalesques" lors de l'édition 1924 du Carnaval de Nice. © Gallica (BnF)/Agence presse Rol

Un retour de la fête après la guerre

Mais l'année 1924 marque un véritable tournant dans les célébrations de ce carnaval, qui n'aura connu aucune édition entre 1915 et 1920 en raison de la guerre. Et dans l'entre-deux guerres, le moral des Niçois reste assez bas pour ternir quelque peu les éditions de 1921, 1922 et 1923. L'Éclaireur du Dimanche, dont les archives sont accessibles depuis le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France, évoque même une "quelque lassitude" lors de ces éditions.

Mais en 1924, les Niçois renouent avec l'esprit de fête. Ils se sont rassemblés, pendant deux semaines de célébrations, en une foule qui "s'est donnée entièrement, de tout son cœur et de toute son âme".

"Nous avons retrouvé, plus jeune et plus alerte que jamais, le vrai Carnaval de Nice", se réjouit la publication

L'hebdomadaire souligne même que "le succès remporté fut plus grand, beaucoup plus grand que ceux des années passées". "Les billets ont été vendus en si grand nombre qu'il a fallu, pour donner satisfaction à tous, créer une... succursale!"

La foule rassemblée lors du Carnaval de Nice, en février 1924.
La foule rassemblée lors du Carnaval de Nice, en février 1924. © Gallica (BnF)/Agence presse Rol

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Déjà à l'époque, le carnaval faisait la renommée de Nice depuis plus de 50 ans. "Nulle part le carnaval n'est aussi brillant qu'à Nice. La Riviera, par son climat, par ses beautés naturelles, forme un pays à part entière", vante l'hebdomadaire, quand le carnaval, lui, est déjà perçu en 1924 comme un événement qui perdurera pendant encore bien des générations.

"Nous ignorons quel est le premier qui eut l'idée de mouler dans la pâte des nez longs comme des cannes, des oreilles épanouies comme des choux-fleurs. Le nom de ce bienfaiteur de l'humanité souffrante et découragée devrait être inscrit à jamais, en lettres de feu, sur des tablettes d'or", écrit à l'époque le magazine.

Le thème des Mille et Une Nuits

Car déjà à l'époque, les masques, les moulages et les chars font partie de la tradition. Si le Carnaval de Nice répertorie sur son site les affiches des nombreuses éditions depuis la création de l'événement (la plus ancienne datant de 1907), elle n'a toutefois pas gardé de trace de celle de l'année 1924.

En revanche, L'Éclaireur du Dimanche retrace avec précision dans son supplément du 2 mars 1924 dédié au carnaval, le thème de cette année-là: les Mille et Une Nuits. L'appellation officielle était "Radjah", qui était le nom donné à un monarque dans certains pays d'Asie, dont l'Inde, avec plus largement la notion de grandeur et d'imaginaires des mille et une nuits.

"Avec son ciel de saphir, sa mer éternellement bleue, ses palmiers, ses plantes exotiques, notre ville se métamorphose aisément en cité de Turquie, de Perse ou de Ceylan, île merveilleuse où, dit-on, était situé, il y a pas mal d'années, le Paradis Terrestre."

Le roi du carnaval de Nice en 1924, habillé cette année-là en "Sultan de Babazouk", et accompagné de sa reine, Shéhérazade.
Le roi du carnaval de Nice en 1924, habillé cette année-là en "Sultan de Babazouk", et accompagné de sa reine, Shéhérazade. © Gallica (BnF)/Agence presse Meurisse

Des photos de l'époque montrent le roi du carnaval se déplaçant sur son char à dos de chimère, vêtu d'un turban, "et son costume de soie étincelante s'adorne de bijoux et de pierreries", raconte le journal. On dit alors qu'il est "revenu du Pays des Mille et Une Nuits en costume de sultan de Babazouk", surnom donné au Vieux-Nice, une "terre injustement négligée par les géographes", plaisante (à moitié) l'auteur de l'article de l'époque.

"Pour l'applaudir, de tous côtés, riches ou pauvres, seigneurs ou prolétaires, simples mortels ou monarques, sont actuellement les hôtes du pays de la joie et de la folie."

Une chanson pour célébrer le "roi très bouffon"

Enchaînant les photos des chars, de la foule en délire et du roi (ou plutôt sultan) de cette édition, le magazine, alors publié durant l'entre-deux guerres, retrace les moments forts de cette édition.

Et pour la modique somme de 3 francs, les lecteurs peuvent, entre deux publicités pour les meilleurs bas et chaussettes du Bon Marché, les articles de toilette de la Galerie des parfums, ou encore le triporteur pour vos courses, apprendre les paroles de la chanson officielle de cette édition 1924.

"Qui nous met l'âme en fête, et fait perdre la tête/C'est le roi très bouffon, moitié plâtre et carton/Ah!Ah! Le joyeux sire/Ah!Ah! Qu'il aimera rire/Vive le bacchanal, et vive le carnaval!" scande le refrain, qui était sans aucun doute déjà très entêtant à l'époque.
L'hebdomadaire "L'Éclaireur du Dimanche" publiait dans ses pages la chanson officielle du Carnaval de Nice en 1924.
L'hebdomadaire "L'Éclaireur du Dimanche" publiait dans ses pages la chanson officielle du Carnaval de Nice en 1924. © Gallica (BnF)/L'Éclaireur du Dimanche

Au total, trois couplets y sont traduits en français et en niçois, pour célébrer ce moment de fête et son hôte, à la fois roi et bouffon, "le fou sans rival", comme le décrit la chanson.

Avec une douce amertume, le journal de l'époque évoque aussi la fin de l'événement, qui arrive quelques jours après la publication du numéro.

"Dans deux jours, le soir, au milieu des lumières, parmi les feux de la fête vénitienne, Carnaval nous dira que tout en ce monde n’est qu'illusion et chimère", regrette-t-il.

"Son règne fastueux qui se termine dans les flammes rouges, après avoir été salué par un peuple en délire, comme les fusées rayonnantes qui viennent s’éteindre dans la mer après s’être élevées bien haut dans le ciel."

Un événement à travers les âges

Ces archives retracent en grands détails une édition qui, finalement, n'est pas si différente de l'événement actuel. Déjà à l'époque, le Carnaval de Nice représente une grande attractivité touristique pour la ville azuréenne.

"Chacun s'empresse à la recherche d'un hôtel! Et les chambres vides sont plutôt rares", rapport L'Éclaireur du Dimanche. "Les terrasses sont prises d'assaut, car rien que l'idée de sauter quelques heures derrière les chars donne la pépie."

L'hebdomadaire s'amuse même à imaginer les générations très lointaines trouvant les "vestiges de nos fêtes", les masques et autres moulages, qu'elles mesureraient avec précision, en pensant recréer une tête humaine de cette période.

Des carnavaliers habillés en "poireaux et leurs chenilles", lors de l'édition de 1924.
Des carnavaliers habillés en "poireaux et leurs chenilles", lors de l'édition de 1924. © Gallica (BnF)/Agence presse Rol

En 1924 déjà, on imaginait le Carnaval de Nice comme un événement qui traverserait les âges. "Carnaval a trouvé sans nul doute le secret de la jeunesse éternelle, et si jamais il veut prêter son nom prestigieux à quelque eau de Jouvence, celle-ci connaîtra une vogue extraordinaire."

C'est par ailleurs dans cette démarche de postérité que l'hebdomadaire avait décidé de lancer un supplément dédié au Carnaval de Nice, afin de constituer "une sorte de document officiel du Carnaval de 1924, les photographies de quelques chars et de quelques groupes ayant obtenu le plus de succès", conclut le journal, qui se réjouirait certainement de savoir que, s'il n'a lui-même pas survécu 100 ans plus tard, le carnaval, lui, continue de battre son plein chaque année.

Laurène Rocheteau