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Voitures électriques et hybrides

Voiture électrique: les constructeurs cherchent à offrir toujours plus d'autonomie

Améliorer l’autonomie des véhicules électriques est l’une des priorités de tous les constructeurs. Un enjeu aussi bien commercial que de leadership industriel dans une Europe 100% zéro émission en 2035.

600 kilomètres, "voire certaines [voitures, ndlr] au-delà de 700 kilomètres d’autonomie". C’est la promesse de Carlos Tavares concernant la prochaine génération de voitures électriques signées Stellantis qui arriveront d’ici 2 à 3 ans sur les routes. Certains voient déjà plus loin, comme l’allemand Mercedes avec l'EQS ou l’américain Lucid Motors, qui envisagent tout deux près de 800 kilomètres d’autonomie.

Cette course à l’autonomie semble aujourd’hui plus que nécessaire - du point de vue des constructeurs - alors que l’Union Européenne vient d’acter définitivement le passage au 100% zéro émission pour les voitures neuves en 2035.

Vers la batterie solide

Sur les modèles compacts et familiaux, la barrière psychologique des 400 à 500 kilomètres – soit de quoi réaliser un Paris-Lyon (environ 450 kilomètres) sans recharger – semble aujourd’hui atteinte avec l’actuelle technologie de batterie lithium-ion. Mais ensuite? Comment et avec quelle technologie aller plus loin alors que la majorité des constructeurs investissent dans la construction de gigafactories et la sécurisation des approvisionnements en métaux rares? Car derrière ces milliards d’euros se jouent aussi des enjeux de leadership sur les prochaines générations de batterie que les Européens, notamment, aimeraient bien remporter.

"La bataille du leadership industriel sur le lithium-ion classique est clairement perdue nous explique Guillaume Crunelle, associé spécialiste de l’automobile chez Deloitte. Mais il est important de travailler sur le coup d’après, d’avoir des acteurs qui se positionnent et investissent sur les technologies de demain. Néanmoins, il risque de falloir attendre la fin de la décennie pour les voir apparaître à niveau industriel".

ProLogium ne veut clairement pas attendre jusque 2030. Mi-octobre au Mondial de l’Automobile à Paris, ce groupe taïwanais fondé par un ancien de Foxconn a confirmé vouloir se lancer dès 2024 sur le marché avec une batterie solide, sur l’un des modèles du tout nouveau constructeur vietnamien VinFast (Mercedes-Benz fait aussi partie du premier tour de table).

Cellules très fines, densité plus importante grâce à une chimie différente, Prologium promet d'atteindre les 1000 kilomètres d’autonomie avec sa technologie sur un véhicule équivalent à une Tesla Model 3 (aujourd’hui 600 kilomètres). Le taïwanais avance aussi une technologie plus sûre, qui demande donc moins de renfort autour des packs. Soit moins de poids et plus de liberté pour dessiner le véhicule.

Une technologie complexe

ProLogium compte annoncer mi-2023 s’il choisit d’implanter sa première gigafactory européenne dans les Hauts-de-France, non loin de celles d’ACC (Stellantis-Mercedes-Total), Envision (Renault-Nissan) et Verkor (Renault). La startup française travaille aussi sur le coup d’après, mais avec une approche différente. "Il n'y a pas de réel saut technologique attendu, c'est plus une évolution progressive, nous explique-t-on chez Verkor. On est vraiment sur une évolution progressive, on n'est pas sur la loi de Moore des semi-conducteurs. Les batteries solides, c'est une chimie difficile à maitriser".

Les batteries solides demandent en effet d’être chauffées pour rester performantes. "Rappelez-vous les Autolib, c’était il y a plus de 10 ans, il fallait les brancher en permanence pour qu’elles fonctionnent", nous glisse un autre connaisseur du secteur. La question de la recharge rapide semble aussi plus difficile à gérer sur cette technologie.

Améliorer la batterie lithium-ion et son environnement

Les grands constructeurs s’accordent donc plutôt sur une évolution des batteries lithium-ion. "Il y a plein d'intermédiaires avant le solid state, poursuit-on chez Verkor. L'amélioration de la chimie lithium-ion notamment, avec d'autres matières dedans, d'autres liants, d'autres solvants, avec plus de manganèse, avec des graphites améliorés pour la charge rapide. Tout ça nous permettra de faire le lien jusqu'au solid state qui arrivera un peu plus tard."

La gestion du Battery Management System (BMS) fait aussi partie des axes de développement pour améliorer leur efficacité, comme par exemple mieux les préparer à recevoir la charge.

"La vraie percée vers la batterie de demain sera lorsqu’une batterie permettra de recharger rapidement tout en offrant une forte densité, donc plus d’autonomie", résume Guillaume Crunelle.

"Tant qu’aucune technologie ne résoudra cette équation, il n’y aura pas vraiment de saut dans la technologie de la batterie", poursuit-il cependant.

Rentabiliser les investissements industriels en cours
Une mine bientôt exploitée dans l’Allier, trois projets de gigafactories dans les Hauts-de-France. Une filière de la batterie lithium-ion est en train de voir le jour sur le sol français. Cette technologie s’est généralisée auprès de toutes les grandes marques, de Renault à Peugeot en passant par Mercedes. Amortir ces gros investissements est une nécessité pour ces marques, avant de penser à construire de nouvelles gigafactories. Car les outils diffèrent selon chaque chimie de batterie, impossible donc pour le moment nous dit-on d'envisager de passer sur une autre formule de batterie.

Pauline Ducamp, avec Julien Bonnet